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Fanny Dreyer et Sarah Cheveau: l’aventure de Cuistax

Isabelle Decuyper
13 novembre 2018

Jeunes illustratrices, Fanny Dreyer et Sarah Cheveau ont développé une vraie complicité au sein du groupe qui a créé le fanzine bruxellois Cuistax. Et son grand frère: La Limite. Le Service général des Lettres et du Livre les a sollicitées afin de faire découvrir leur univers original au sein de la publication Les Incontournables 2016-2018. Portraits croisés.


Cet article a initialement été publié dans la revue belge Lectures.Cultures (n°9, septembre-octobre 2018). Nous reproduisons ici le texte de l'article avec l'aimable autorisation de son auteure, Isabelle Decuyper, et de Lectures.Cultures. Les images proviennent de l'article et des éditeurs jeunesse.


Qui êtes-vous, Fanny Dreyer?
Originaire de Suisse romande, j’ai passé mon baccalauréat option Art visuel au collège Saint-Michel de Fribourg. Durant mes études, je suis intervenue plusieurs fois en tant que stagiaire décoratrice sur des courts-métrages d’animation. Passionnée par l’illustration, j’entre à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en illustration et passe mon master en juin 2011. Janvier 2013 connaîtra la sortie du premier numéro de Cuistax, réalisé en collaboration avec les personnes participant à une exposition collective, intitulée Colorama et organisée à la Maison des Cultures de Saint-Gilles.

Fanny, vous avez déjà publié six albums[1]: Le Mystère du Monstre; Les Musiciens de Brême; La Dame de l’ascenseur; La Nuit de Saint-Nicolas; Moi, canard et La Poya, pouvez-vous en dire quelques mots?
J’ai rencontré l’éditeur La Joie de lire à la Foire de Bologne, mon travail leur a plu, mais c’est avec la revue Hors Cadre[s] (j’avais gagné un concours) que ça a réellement démarré, puisque La Joie de lire m’a rappelée après avoir eu connaissance de mon petit projet au sein de cette revue. La Joie de lire m’a proposé d’illustrer une nouvelle de mon choix de Corinna Bille. J’ai choisi d’illustrer Le Mystère du Monstre. J’étais très libre. Les seules contraintes étaient liées au texte, qui est assez long.

La Dame de l'ascenceur Dreyer
«La Dame de l’ascenseur» (©La Joie de lire) 

Une particularité, ce sont les yeux, bien présents dans les illustrations, non?
J’adore personnifier la nature, avec l’envie d’un univers qui fourmille. Ces yeux apportent une dimension supplémentaire, interpellent le lecteur, presque comme un regard caméra au cinéma. Le lecteur sent que j’ai du plaisir à utiliser une technique et à dessiner.
L’album Les Musiciens de Brême est, en fait, une maquette réalisée lors de mes études aux Beaux-Arts et que j’ai retravaillée.
Dans La Dame de l’ascenseur, Tom et Tina rendent visite à leur grand-mère à l’hôpital. Dans l’ascenseur, ils entendent la voix d’une dame et se posent tout un tas de questions à son sujet: leur imaginaire est en marche.
Moi, canard est le fruit d’une collaboration avec Ramona Badescu, une amie auteure (elle est, entre autres, la plume de Pomelo). Il s’agit d’une adaptation contemporaine du conte Le Vilain Petit Canard, pour initier les plus petits à la tolérance, «un livre singulier et poignant», comme l’explique Sophie Van der Linden sur son blog[2].

Et un superbe leporello: La Poya
Un petit garçon accompagne un troupeau de vaches lors de la montée aux alpages. Il découvre ainsi ce moment important de la vie alpine, la poya. Pour Lise, une jeune vache, c’est aussi une première fois.

La poya fanny Dreyer
«La Poya» (©La Joie de lire) 

Le film Dimanche
Dimanche est un court-métrage d’une dizaine de minutes, réalisé avec une musicienne, Gael Kyriakidis, et produit par Ciné 3D (Suisse). Je suis coréalisatrice et directrice artistique, chargée de l’univers graphique et dirigeant l’équipe. Le film[3] est sorti en Suisse et on attend les sélections des festivals. Il sortira à Paris et à Bruxelles; le lieu reste à trouver. Des clés USB ont été réalisées afin de pouvoir visualiser celui-ci. Un jeu de cartes, le Jeu des sept jours, a vu le jour pour évoquer les jours de la semaine.

Dimanche et Le Jeu des sept jours Dreyer
«Dimanche» et le «Jeu des sept jours» (©Lectures.Cultures) 

Sarah Cheveau?
D’origine française, j’atterris à Bruxelles à 18 ans. J’étudie l’illustration, la vidéo et la gravure à l’ERG (École de recherche graphique). Puis je passe l’agrégation et travaille en tant que professeure pendant six ans. Parallèlement, j’anime beaucoup d’ateliers au Wolf, dans différents centres culturels, des bibliothèques, écoles et musées. Aujourd’hui, je partage mon temps entre l’illustration, l’écriture d’albums, les ateliers pour enfants et les histoires contées, parfois chantées. Ces aventures s’entrelacent et se nourrissent l’une l’autre. Illustratrice, je travaille pour la presse, l’édition jeunesse et des projets de communication: affiches, logos et supports pédagogiques. Je suis un membre actif du collectif d’illustrateurs bruxellois Cuistax[4], avec lequel nous éditons un magazine pour enfants bilingues, imprimons des petites éditions de posters et organisons des expositions. Et j’ai aussi un projet d’album mêlant écriture et dessins, courant 2019. J’ai fait beaucoup de vidéo à l’ERG. Je vois mes livres comme des montages avec des rythmes, des temps globaux. Le livre est un tout avec ses couleurs, ses sons, son temps particulier.

L’aventure Cuistax: un vrai fanzine bruxellois
Cuistax fête déjà ses cinq ans avec le n° 9 et le thème «Parade». Il existe un noyau dur participant depuis le début, avec le tandem Chloé Perarnau et Fanny Dreyer[5].
Pour les autres événements, nous avons un cercle concentrique avec Sarah Cheveau et Anne Brugni. À quatre, nous avons réalisé plusieurs expositions, dont une à Lisbonne, une à Lyon, et une en préparation.

Un nom belge, un fanzine bilingue
Nous avions l’envie d’un nom belge compris dans les deux langues. Cuistax a fait l’unanimité, car il représente une énergie collective, le mouvement, et il s’agit d’un nom plutôt drôle pour les enfants. Ce fanzine, de création bruxelloise, est bilingue (français-néerlandais) et est destiné aux enfants à partir de six ans, c’est-à-dire pour les lecteurs débutants. Bruxelloises d’adoption et souhaitant l’être jusqu’au bout, il nous a paru normal de réaliser une revue bilingue à Bruxelles. Les collaborateurs (un groupe d’amis) se sont mis d’accord sur les rubriques à y faire figurer, avec la volonté d’avoir pour chaque numéro une rubrique en lien avec Bruxelles, le nombre de pages étant limité.

Cuistax
Cuistax est imprimé de manière artisanale en risographie chez Ronan Deriez; procédé d’impression au rendu proche de la sérigraphie avec des couleurs très vives. De la vraie microédition! Chaque numéro est réalisé en deux couleurs.

Cuistax et La Limite
«Cuistax» et «La Limite» (©Lectures.Cultures) 

La Limite
La Limite est un fanzine d’images narratives en risographie quatre couleurs, en tons directs. C’est un magazine que nous autoéditons à Bruxelles, il est en quelque sorte le grand frère de Cuistax. Il a été lancé le 9 mai 2018 à la librairie Le Joli Mai, et les 200 exemplaires tirés sont déjà épuisés. Cette revue connaît un gros succès. Fanny: «Nous suivions d’autres revues comme Nyctalope, Pan… et nous nourrissions l’envie de créer notre propre revue sur Bruxelles. C’est un projet qui nous tenait à cœur depuis longtemps, les cinq ans de Cuistax nous ont semblé une bonne occasion pour mettre sur pied ce projet. Adrien Herda a décidé de prendre les rênes. L’idée est d’avoir un thème pour ce premier numéro de La Limite, et de réaliser l’illustration de la revue en lien avec ce thème. Pour le numéro 2, le titre pourrait donc changer… L’objectif est de tester des choses narrativement et dans l’image. Le succès de la revue dépasse les frontières; nous avons reçu de très bons échos en Europe.»

La collaboration à la publication Incontournables 2016-2018?
Une des particularités du collectif Cuistax, formé après nos études, est de répondre à des commandes à plusieurs mains: deux, trois ou quatre personnes, une mini-équipe. C’est très amusant et ce ping-pong entre univers différents produit des choses originales, grâce aux nombreux échanges sur les projets et une vraie complicité, avec les mêmes références graphiques. Nous avons de plus en plus de commandes en graphisme, en illustration, afin de réaliser un univers comme celui de Cuistax sur d’autres supports. Nous avons travaillé avec Atout France, CFC, des centres culturels, notamment ceux de Jacques Franck, Ganshoren et Saint-Gilles, PointCulture, le Vecteur, l’Éden, le Wiels, SuperMouche…

Incontournables 2016-2018
«Incontournables 2016-2018» (©Fédération Wallonie-Bruxelles) 

Infos:
fannydreyer.blogspot.com
www.instagram.com/sarahcheveau
cargocollective.com/sarahcheveau/


[1] Le Mystère du Monstre (2012), Les Musiciens de Brême (2013), La Dame de l’ascenseur (texte d’Olivier Sillig, 2014) et La Poya (2017) parus à La Joie de lire ; La Nuit de Saint-Nicolas (texte de Catherine Metzmeyer), La Renaissance du livre, 2015 ; Moi, canard (texte de Ramona Badescu), Cambourakis, 2016.
[2] http://www.svdl.fr/svdl/index.php?post/2016/04/15/moi-canard
[3] Teaser à visualiser : http://cine3d.ch/?page_id=1602
[4] http://cuistax-cuistax.blogspot.be
[5] Cf. « Le tandem de Cuistax. Rencontre avec Fanny Dreyer et Chloé Perarnau », article de Fanny Deschamps, dans Le Carnet et les Instants, n° 196, 4e trim. 2017.

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Fanny Dreyer

suisse
Illustration d'auteur

Sarah Cheveau

française