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Avec son premier album d’auteur-illustrateur, Sébastien Pelon s’affranchit de ses petites roues

Pelon
Dominique Petre
30 mai 2018

Il a créé les traits de Nitou l’Indien, de Matriochka et du Dodo aux plumes d’or avant de concevoir un album tout seul, Mes petites roues. Rencontre avec un talentueux illustrateur devenu auteur à 40 ans.


Qui mieux qu’un dodo, oiseau mauricien, pourrait expliquer que le français est une langue parlée dans le monde entier? Sébastien Pelon, l’illustrateur français qui a donné, dans Le dodo aux plumes d’or, un coup de jeune et des plumes dorées à l’animal mythique, est venu en mars dernier à Francfort-sur-le-Main pour fêter, avec des enfants francophones et germanophones, la diversité de la langue française[1]. L’occasion rêvée de faire le portrait d’un graphiste et illustrateur devenu récemment auteur.

Fables et contes de l’île Maurice
Comment en est-il venu à illustrer cet album, Le dodo aux plumes d’or, qui reprend une traditionnelle fable mauricienne et a été publié par l’Atelier des nomades, une maison d’édition franco-mauricienne? «J’avais travaillé avec Corinne Fleury chez Flammarion», explique Sébastien Pelon, «alors quand elle m’a demandé d’illustrer un recueil de contes traditionnels mauriciens puis l’histoire du Dodo aux plumes d’or pour sa maison d’édition, je n’ai pas hésité». Le premier album est un recueil de plusieurs histoires, mises sur papier par l’écrivaine Shenaz Patel, le second une fable racontée par Corinne Fleury. Dans cette histoire teintée de culture créole, le dodo n’est pas seulement le plus malin, mais aussi le plus beau. On serait tenté de réserver des vacances sur l’île de l’océan Indien, puisque l’histoire prétend qu’il y est toujours vivant…

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Pas étonnant que le dodo ait son petit succès à Francfort, même si l’album n’existe pas encore en allemand. Certains sont venus à la bibliothèque du quartier de Rödelheim uniquement attirés par la beauté de la couverture bariolée du livre. Ils n’hésitent pas à acheter l’album pour les seules illustrations de Sébastien Pelon. «Une traduction est en cours», explique la cofondatrice de l’Atelier des nomades, Corinne Fleury. «Elle n’est pas destinée à l’Allemagne, mais aux touristes germanophones en vacances à Maurice». On reste curieux de voir ce que va (do)donner le passage du créole à l’allemand.

Retour à Paris, où Sébastien Pelon travaille et vit avec sa famille. Comme sa femme est également dans l’édition, beaucoup d’albums traînent chez eux à la maison. «Jusqu’à présent et heureusement cela ne semble pas avoir dégoûté nos filles de 3 et 7 ans qui aiment les livres», sourit-il. Il est originaire de Besançon mais a vécu au Havre quelques années avant de monter à Paris pour s’inscrire à l’École supérieure des arts appliqués Duperré qui forme de jeunes créateurs dans les secteurs de la mode et du design. Sébastien Pelon en ressort avec un BTS Communication visuelle et un DSAA Mode et environnement.

Âgé de 23 ans, il illustre un premier livre écrit par Sylvie Poillevé sur un enfant qui a du mal à s’endormir, Attrape-moi sommeil! aux éditions Castor Benjamin. Sébastien Pelon travaille plusieurs années au studio du Père Castor chez Flammarion. Au Salon «Livre Paris», en mars dernier, pour fêter le fait que les archives de la mythique collection Père Castor viennent d’être inscrites au registre «Mémoire du monde» de l’Unesco, il anime un atelier. «Le groupe était assez hétérogène avec des participants de 4 à 12 ans», commente-t-il, «alors j’ai proposé aux enfants de revisiter en peinture, feutres, crayons de couleur la couverture d’un album mythique et encore très populaire du Père Castor, Roule Galette».

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 Aujourd’hui graphiste et illustrateur indépendant, il travaille pour de nombreux éditeurs comme Flammarion, Rue de Sèvres, Nathan, Magnard, Milan, Auzou, Rageot, Gallimard… Il a illustré d’innombrables albums, contes classiques, couvertures ou séries. Il a donc déjà beaucoup «voyagé» avant d’illustrer les contes et le dodo de Maurice. Matriochka, un titre qu’on lui demande encore de dédicacer à Francfort en 2018, est sorti en France dix ans plus tôt. «C’est mon “bestseller”, je pense qu’on a dû dépasser les 10 000 exemplaires en comptant également la version en petit format», commente-t-il. Les cinq sœurs qui percent le mystère de la terrible sorcière Baba Yaga se ressemblent et Sébastien Pelon fait leur portrait comme celui d’une poupée russe pour la superbe couverture. Toujours en Russie, il illustre La fille de neige, avant de partir en Bolivie dans la cordillère des Andes pour La Mamani, à Bagdad et aux Indes orientales pour Sinbad le marin ou en Italie pour La Befana.

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«Lorsque je fais un livre, je commence par me documenter», explique Sébastien Pelon aux élèves de CP. «L’histoire de La fille de neige, par exemple, se déroule en Russie, alors je me renseigne: à quoi ressemblent les paysages, les maisons, les vêtements? Pour La plume du caneton, j’ai regardé à quoi ressemblait un dindon et appris à dessiner un coq – incroyable le nombre de couleurs qui se retrouvent dans son plumage! J’avais fait plein de photos d’un poulailler en vacances qui se sont révélées très utiles».

Treize histoires de Nitou l’Indien
Nitou l’Indien, ce sont des albums qui donnent envie d’avoir un raton laveur comme animal de compagnie. «Des Nitou, il y en a treize», commente Sébastien Pelon, «ce n’était pas prévu au départ mais l’auteur Marc Cantin et moi avons eu envie de continuer après le premier tome». Dans celui-ci, les copains de Nitou se moquent de son vieux mocassin, alors le petit Indien décide d’aller à la chasse de l’animal le plus fort afin d’avoir une belle peau bien solide pour remplacer ses chaussures. Mais que faire devant un bison qui lui explique que l'animal le plus fort, ce n’est pas lui, mais l'homme? «J’ai mis à peu près un mois à illustrer cette histoire, pour les albums suivants cela a été plus rapide parce que j’avais déjà imaginé les personnages», explique l’illustrateur de Nitou et de sa sympathique tribu.

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 «Le dessin c’est comme les maths ou le sport», explique Sébastien Pelon aux élèves de CP, «pour devenir bon il faut beaucoup s’entraîner. Plus on dessine, mieux on dessine. Il faut savoir bien observer aussi». Et il ajoute: «A votre âge je dessinais beaucoup parce que j’adorais cela, alors ma maman m’avait inscrit un cours de dessin». Les enfants sont très intéressés par son carnet de croquis – appelé carnet de «croquettes» par un élève – et lorsque Sébastien Pelon fait passer son portemine dans les rangs, ils se le passent avec une respectueuse admiration.

Il dessine souvent en grand et scanne ensuite ses dessins, mais parfois il travaille dès le départ sur ordinateur. «L’avantage, c’est que l’on peut revenir en arrière et aussi que le passage de ce que je fais de l’écran à l’imprimante est plus fidèle que le scan d’une illustration peinte à l’huile ou à la gouache». Sébastien Pelon aurait-t-il un côté bling-bling? Alors que l’encre pantone dorée fait briller la couverture du Dodo, le fluo attire l’attention sur celle de Mes petites roues. L’illustrateur aime attirer l’attention en ne se contentant pas des quatre couleurs de base «pour le fluo j’utilise des marqueurs parce qu’il n’y a pas de fluo en peinture», précise-t-il, «et je préfère la peinture aux crayons de couleur parce j’aime les couleurs vives».

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Un autre atout de Sébastien Pelon, c’est son talent pour le lettrage: les enfants ne sont pas seulement scotchés à son crayon quand il dessine, ils l’admirent tout autant quand il écrit. Alors que les élèves de CP auxquels il rend visite doivent s’appliquer pendant des lignes et des lignes pour pouvoir bien former les lettres de l’alphabet, Sébastien Pelon semble avoir la calligraphie sinon dans le sang, du moins dans les doigts.

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Un très joli album pour se débarrasser des petites roues
Ce qu’il déteste dessiner, parce c’est particulièrement difficile, ce sont les mains et les pieds, explique-t-il aux élèves francfortois. Il n’aime pas non plus esquisser des voitures. Est-ce parce que lui-même fait tout à vélo? Dans Mes petites roues, son dernier album qui est aussi son premier en tant qu’auteur-illustrateur, il n’est pas question d’auto mais d’autonomie, et bien sûr de bicyclette. L’album – une petite merveille graphique qui alterne pages doubles avec petites bandes dessinées – apprend à devenir grand. «C’est Flammarion qui m’a mis le pied à l’étrier en me laissant carte blanche pour un album, ce qui m’a un peu “obligé” à me jeter à l’eau», raconte Sébastien Pelon. Il dessinait souvent deux personnages, un petit garçon et une boule de poil et voulait faire une histoire qui tourne autour d’eux. «Mais le déclic est venu quand le directeur artistique David Laforgue m’a fait remarquer que ce petit garçon était souvent sur son petit vélo», se souvient l’auteur-illustrateur. «On parlait des événements marquants de la vie d’un enfant, et en voyant ces dessins, on a fait le lien avec l’abandon des petites roues. J’ai ensuite tiré ce fil en mettant tout ce qui me tenait à cœur, la transmission, l’apprentissage de l’indépendance, la persévérance…». Les petites roues sont assez peu utilisées en Allemagne où l’on préfère les draisiennes pour apprendre l’équilibre nécessaire au cyclisme. Mais les petites roues dépeintes par Sébastien Pelon sont symboliques et l’album roule à Francfort comme ailleurs, aussi bien qu’une belle galette.

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[1]Invité par l’Institut français et par le projet « auteurs à l’école » du Lycée français Victor Hugo et de son association de parents UPEA, Sébastien Pelon est intervenu dans quatre classes de CP et dans une bibliothèque municipale de Francfort-sur-le-Main en mars 2018.

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Sébastien Pelon

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