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«Dessine-moi une enveloppe»: 500 objets de correspondance montrent l’amour que porte Axel Scheffler à la poste

Qu’est-ce qui est encore mieux qu’une carte postale d’été? Un courrier du dessinateur du Gruffalo dans une enveloppe personnalisée.

Vignette Axel Scheffler
Dominique Petre
16 août 2022

Qui, au XXIe siècle, écrit encore des lettres? La réponse à cette question est donnée par deux expositions, l’une au musée de la Communication de Francfort et l’autre à la Bibliothèque nationale allemande de Leipzig: Axel Scheffler[1]. L’illustrateur confirme: «Écrire des lettres, c’est comme respirer ou manger. Cela fait intégralement partie de ma vie».

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Un autoportrait avec boîte aux lettres londonienne, Axel Scheffler lors du vernissage à Francfort et un exemple d’enveloppe envoyée à l’autrice du Gruffalo Julia Donaldson (© Catalogue «Axel Scheffler. Verbriefte Freundschaft», Péridot Verlag, © Photos Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort)

Mondialement connu pour des albums comme Gruffalo qu’il a conçu avec l’autrice anglaise Julia Donaldson, Axel Scheffler ne se contente pas d’écrire des missives, il les emballe soigneusement, transforme à l’aide d’un dessin chaque enveloppe en petite œuvre d’art unique. Parfois c’est le timbre, parfois le nom de la rue, parfois l’actualité ou alors les destinataires qui l’inspirent. Les quelque 500 (!) enveloppes exposées à Francfort et Leipzig démontrent la créativité de l’illustrateur libéré de toute contrainte éditoriale.

Des lettres pour garder le contact
Né à Hambourg en Allemagne, Axel Scheffler aimait déjà dessiner enfant. Il avait visiblement aussi une attirance pour le courrier et la poste, comme le montre une rédaction rédigée par l’illustrateur en 3e primaire et exposée à Francfort. Dans cette «archive» de 1966, Axel Scheffler, alors âgé de 10 ans, dessine un facteur et décrit le chemin d’une lettre.

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Une rédaction sur la poste écrite par Axel Scheffler à l’âge de 10 ans et un exemple d’enveloppe réunissant Gruffalo et la reine d’Angleterre (© Catalogue «Axel Scheffler. Verbriefte Freundschaft», Péridot Verlag © Photos Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort)

Parti étudier l’illustration visuelle à Bath en Grande-Bretagne en 1982, l’illustrateur s’est ensuite établi à Londres. Pendant quarante ans, les lettres lui ont permis de garder le contact avec famille, amies et amis, éditrices et éditeurs ainsi qu’illustratrices et illustrateurs, souvent du continent. Les enveloppes, déposées dans une emblématique letterbox rouge londonienne, ont pour la plupart traversé la Manche avant d’être découvertes avec ravissement par leurs destinataires.

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Le prince George a le Gruffalo en main: une lettre à son autrice Julia Donaldson et une autre à Rotraut Susanne Berner qui fait référence à une illustration de l’illustratrice allemande jugée scandaleuse aux États-Unis (© Photo Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort, © «Le livre de l’hiver», Susanne Rotraut Berner, La Joie de Lire, © Photo Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort»

Le pire des monstres a un succès planétaire
En 1999, Axel Scheffler dessine le pire des monstres, celui qui n’est pas censé exister, le «Gruffalo» imaginé par l’autrice Julia Donaldson pour l’album éponyme. Le succès du livre, traduit dans plus d’une centaine de langues, est planétaire.

L’amour que porte Axel Scheffler à la poste se retrouve dans certains albums qu’il a illustrés comme Postman Bear, l’histoire d’un ours qui aime écrire des lettres imaginée par Julia Donaldson et Lettres de l’écureuil à la fourmi de Toon Tellegen, traduit en français par Véronique Roelandt pour Albin Michel Jeunesse. Pas étonnant que la British Royal Mail et la poste allemande aient commandé des timbres-poste à l’illustrateur.

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Un livre en français, un timbre en allemand et plusieurs en anglais montrent le lien entre l’illustrateur Axel Scheffler et la poste (© «Lettres de l’écureuil à la fourmi», Toon Tellegen, Axel Scheffler, Albin Michel Jeunesse, © British Royal Mail, © Deutsche Post)

Des chats aux couleurs de l’Europe et de l’Ukraine
Axel Scheffler n’est pas le premier à décorer son courrier: «L’idée m’est venue du livre Lettres à Giorgio du peintre belge Jean-Michel Folon», explique-t-il.

Certaines enveloppes ont une histoire particulière, comme celle du chat européen envoyé à l’éditeur Markus Weber, point de départ d’une action dénonçant le Brexit qui a abouti à une exposition et à un livre rassemblant des œuvres d’une petite cinquantaine d’illustratrices et illustrateurs.

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Axel Scheffler, Anke Kuhl et Markus Weber lors du vernissage à Francfort, une vitrine montrant les outils de l’illustrateur (et le livre de Folon qui l’a inspiré) et une enveloppe vendue aux enchères au profit de l’action de «Three Peas» en Ukraine (© Photos Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort)

Une autre enveloppe ornée d’un chat, aux couleurs de l’Ukraine cette fois, a été vendue aux enchères lors du vernissage de l’exposition à Francfort. En moins de cinq minutes, le commissaire de l’exposition Jakob Hoffmann transformé en commissaire-priseur a adjugé l’enveloppe pour 500 € – l’intégralité de la somme étant destinée à l’organisation non gouvernementale «Three Peas» pour son travail auprès des victimes de la guerre en Ukraine.

Relations épistolaires entre artistes
Très souvent, le courrier échangé s’étale sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Certains artistes comme Rotraut Susanne Berner, Anke Kuhl ou Jörg Mühle dessinent à leur tour sur leur enveloppe en guise de réponse. «Lorsque la première lettre personnalisée a atterri dans ma boîte il y a une quinzaine d’années, j’ai éprouvé un grand plaisir», raconte Anke Kuhl lors du vernissage de l’exposition à Francfort. «Mais cela m’a mis la pression pour la réponse, j’avoue ne pas avoir osé envoyer certaines enveloppes que je jugeais plutôt ratées», sourit-elle.

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Correspondance entre Axel Scheffler et l’autrice-illustratrice Anke Kuhl: il s’inspire du timbre, elle lui répond d’un air désolé «pas le temps de décorer l’enveloppe de façon opulente» (© Photos Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort)

Du côté d’Axel Scheffler, la pression n’est pas absente non plus: «Après avoir commencé, il aurait été difficile de faire marche arrière et de ne pas décorer chaque envoi. Personne n’aurait accepté de recevoir une enveloppe vierge de ma part».

Toutes les petites œuvres d’art envoyées par Axel Scheffler sont-elles arrivées à bon port? «Je n’ai pas connaissance d’un cas contraire», poursuit l’illustrateur. «Les factrices et facteurs ont un grand sens de l’éthique. C’est à elles et eux que je souhaiterais dédier ces deux expositions».

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Trois exemples de lettres à des éditrices et éditeurs: Albin Michel, Gelberg et Moritz Verlag (© Catalogue «Axel Scheffler. Verbriefte Freundschaft», Peridot Verlag)

Tous les destinataires avaient précieusement gardé leurs enveloppes
Seul un destinataire aurait refusé de prêter une enveloppe le temps des expositions à Francfort et Leipzig; «mais c’est sans doute un signe qu’il y tenait beaucoup», explique Axel Scheffler, par ailleurs très heureux d’avoir pu constater que toutes les personnes contactées avaient précieusement gardé leurs enveloppes dessinées. «Une des destinataires prétend même que si elle ne pouvait sauver que trois choses ce seraient ses enfants, mes enveloppes et… éventuellement son mari», sourit l’illustrateur incrédule devant tant d’affection pour des dessins faits spontanément.

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Un bel exemple de correspondance, Axel Scheffler à Jörg Mühle et vice-versa et le Graal, une enveloppe dessinée reçue par la rédactrice de cet article (© Photos Dominique Petre dans le cadre de l’exposition au musée de la Communication de Francfort,     © Photo Dominique Petre)

Le jour où j’ai moi-même reçu une enveloppe décorée d’un superbe Struwwelpeter ou Crasse-Tignasse, c’était comme décrocher le Graal; elle a trouvé une place de choix sur le mur au-dessus de mon bureau. Seul petit bémol: depuis, chaque fois que je reçois un courriel d’Axel Scheffler, je suis terriblement désappointée.


[1]L’exposition au musée de la Communication de Francfort («Von Monstern, Mäusen und Menschen. Axel Schefflers fantastische Briefbilder») était visible jusqu’au 24 juillet, celle à la Bibliothèque nationale allemande de Leipzig («Verbriefte Freundschaft. Axel Schefflers fantastische Briefbilder») juqu’au 24 septembre.
Le catalogue commun Axel Scheffler: Verliebte Freundschaft – illustrierte Briefumschläge a été publié par Péridot Verlag

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