Un titre pareil, Quatre petits cochons, un lapin, une vache, un castor et … un loup !, informe immédiatement le lecteur : nous sommes dans l’univers parodique d’un conte bien connu, identifié dès la couverture par les personnages nommés, tous repérables, sauf... le loup ! Mais pourquoi quatre cochons, pourquoi un castor, une vache et un lapin ?

L’album s’ouvre sur l’histoire connue : les trois aînés agissent conformément à la tradition. Ils quittent le domicile maternel et leur émancipation se traduit par des maisons bâties selon l’ordre de leur solidité, paille, bois, brique. Menacés par le loup, croient-ils, ils rejoignent leur maman et le quatrième cochon resté à domicile, le plus petit mais aussi le plus réfléchi !

Dès la situation initiale, il manifeste sa différence, son sens critique : il conteste ce que disent ses frères, il doute. Selon la pratique du conte détourné, Nadia Ghanem développe le récit dans la logique de ce quatrième cochon : il a pleine confiance en lui et va vivre « la belle vie ». L’illustration d’Eva Bourdier donne sa pleine mesure au texte « il s’en alla sur les routes, au gré de ses envies » et on le voit au ski, à la mer, dans les airs, au musée, sur la plage jusqu’au moment où cet aventurier décide de s’installer… Lapin, vache, castor jusqu’ici inconnus entrent alors en scène et là où la tradition valorise l’individu méritant, travailleur et résolu, Nadia Ghanem invente une fable sur la solidarité et la coopération. Chaque intervenant apporte sa pierre à l’édifice, selon ses spécificités : le lapin apporte la terre, la vache la paille, le castor le bois… et le loup ? C’est presque trop beau, le loup va apporter les pierres de la cheminée.

Dans la progression du récit, autrice et illustratrice complices suscitent l’intérêt. Le texte, dense, joue sur les répétitions, les rythmes. L’illustration quant à elle joue sur les expressions des acteurs, et les caractères des personnages qui s’affirment à travers les techniques un peu ironiques mises en œuvre, cochonnets roses et pastels des autres participants, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Une invitation à sortir des sentiers battus, à cultiver la pensée divergente et complexe, ce n'est pas rien !

Danielle Bertrand

Présentation par l'éditeur

Il était encore une fois trois petits cochons… plus un ! Détournement de conte en perspective.
Fort habilement, Nadia Ghanem aborde, avec cette fable animalière d’apparence légère et futile, les notions de superstition, de préjugé, et d’entraide. Plus prosaïquement, elle questionne aussi notre empreinte écologique et défend subtilement les avantages des constructions intégrées dans leur environnement.
Tour de force d’un nouvel auteur prometteur, elle parvient à n’être à aucun moment moralisatrice, ni démonstrative.