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Date de publication
Age-cible

Mai 68. Soyons réalistes, demandons l'impossible

Sélection des rédacteurs
Documentaire
à partir de 14 ans
: 274850643X
10.00
euros

L'avis de Ricochet

Titrant à partir d’un slogan de l’époque, Mai 68 : soyons réalistes, demandons l’impossible se propose de rendre compte de la façon dont cinq témoins – connus ou moins - de mai 1968 ont vécu la période, et ce qu’ils estiment en avoir retiré, d’un point de vue sociétal ou plus personnel. Philippe Godard signe toutes les notes de bas de page, la chronologie (de 1958 à la fin des années 1970), la bibliographie et aussi l’introduction de cet ouvrage. Dès les premières pages, le ton est donné : Philippe Godard est contre le néolibéralisme actuel et déplore le manque d’imagination de notre société. Mai 1968 aura été une révolution qui dépasse les clivages politiques, une prise de conscience d’une volonté générale de liberté et d’émancipation. Assez virulent, l’auteur précise toutefois qu’une interprétation n’est pas la vérité unique, puis laisse la place aux interviews, entièrement libres (pas de jeu de questions-réponses).

Jean-Pierre Duteuil, étudiant en sociologie à Nanterre, a participé au mouvement du 22 Mars aux côtés de Daniel Cohn-Bendit. Plus radical que lui – il se définissait comme un anarchiste révolutionnaire -, il est resté depuis très engagé, notamment contre le nucléaire. Il nous fait part de considérations sur les partis, les groupuscules, les syndicats, les comités d’action… qui sont entrés en effervescence à l’occasion de mai 1968. Cette période a débuté en fait fin 1967, un mouvement spontané du peuple (étudiants, ouvriers…), qui a ensuite été récupéré et dénaturé par les politiques.
François Rauline était ouvrier d’art en 1968. Il a soutenu la lutte étudiante, « des jeunes qui bougeaient », sans trop se soucier de la finalité de l’action. Quand les syndicats ont rationalisé le mouvement, il est parti voyager, a fondé un cirque. Il pense avoir vécu ce qu’il voulait sans rien demander à personne, au contraire des militants au quotidien finalement bourgeois. Aujourd’hui, il continue à gérer un cirque en restant fidèle à ses principes de liberté et d’égalité.
Hélène Lee, étudiante en russe, était certes politisée mais a se sentait en marge de toute intellectualisation de la lutte. Ses origines prolétariennes, la façon dont s’est soldé mai 68 (elle considère le mouvement comme un échec sur le plan social), l’ont convaincue de la supériorité de la culture populaire sur celles de ceux qui prétendent penser et savoir. Cette période aura tout de même eu le mérite d’ouvrir les individus, et pour Hélène Lee, avoir une conscience individuelle claire est nécessaire avant de penser à une conscience de classe. Journaliste de musique reggae, elle a trouvé des réponses à ses questions en Jamaïque, pas en France…
Claude Neuschwander appartient à la génération précédente de celle qui a fait mai 68. Cadre chez Publicis, il est resté spectateur fasciné. Il voit deux phases dans la période : celle étudiante, et celle ouvrière. A partir du moment où le mouvement a touché la base de la société (les ouvriers donc), les syndicats et les partis de gauche ont récupéré et bloqué le phénomène. Plus tard patron de Lip, il a encore fait l’expérience des insuffisances de la gauche qui n’a pas su apporter de réponses aux demandes du peuple. Mai 68 n’a rien amené au niveau des structures, mais a favorisé l’individualisme, aujourd’hui forcené et dévoyé.
Raoul Vaneigem faisait partie de l’Internationale situationniste en 1968, il est l’auteur du fameux Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations. Son texte est le plus littéraire de tous. Il dénonce l’incompétence des pouvoirs et le culte de l’argent actuels. Mai 68 ne doit pas être commémoré, mais continuer à être vécu. Il compte sur l’autonomie des individus et la créativité pour opposer des alternatives au capitalisme régnant.

Venant d’horizons divers, les personnes interrogées sont toutes d’accord sur un point : mai 1968 n’a pas abouti aussi loin qu’on aurait pu l’espérer, faute à une idéologisation et une politisation du mouvement. Si la France en a retiré des bénéfices, c’est par rapport aux individus et à leur liberté. D’excellente qualité, cet ouvrage « brut » demande une lecture soutenue et implique de se faire sa réflexion soi-même : mais n’était-ce pas après tout l’esprit de 68 ?... A lire dès 14-15 ans.

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