Le Captif

Nous sommes au milieu du XVIème siècle et l’album s’ouvre sur une scène singulière : un Européen, portant culotte bouffante, bas et fraise, marche dans une forêt amazonienne. Il est aux aguets, tient une arme et semble vraiment peu à sa place dans ce décor luxuriant et baigné de lumière ! Il s’agit de l’artilleur Hans Staden, venu de son Allemagne natale à la recherche de fortune, d’or et de gloire. Quelques années plus tard, revenu au pays, il raconte son histoire, son épopée, à l’un de ses amis, douillettement installé devant la cheminée. Ce n’est pas la fortune qu’il a trouvée au Nouveau Monde, mais une aventure extraordinaire parmi la tribu indienne qui l’a trouvé, mis nu et réduit à l’esclavage. Hans raconte les rites de cette tribu, son cannibalisme, les expéditions guerrières, les croyances à l’opposé de ses propres convictions. Il dit aussi la chance extraordinaire qu’il a eue, finalement, d’en réchapper, la façon dont il a exploité une forme de crédulité des Indiens et utilisé sa propre religion pour gagner en autorité et enfin, la manière singulière dont il a recouvré la liberté. Rentré sain et sauf au pays, il décide de raconter son aventure par des gravures que réalise maître Colben. Mais il repense à sa vie là-bas, malgré le danger qui le cernait, n’éprouverait-il pas un peu de nostalgie ?

Cette histoire est authentique ; les gravures de Colben existent. Zenttner et Pellejero en font un album magnifique, tant sur le fond que la forme. Le narrateur, Hans Staden, a suffisamment de recul sur sa propre histoire pour y apporter de la profondeur et de la réflexion. Le découpage, procédant par des aller-retour entre le temps de la narration et l’épopée vécue au Nouveau-Monde, relance sans cesse l’intérêt du lecteur. Quant au traitement graphique, il est magnifique, presque lyrique, rehaussé par une mise en couleurs chaudes et lumineuses, dans des gammes différentes pour traiter l’Allemagne enneigée ou le Nouveau-Monde.