Bagdad 2004

Iraq, 2004. Thomas, américain, s’est engagé volontairement dans la guerre pour revenir en héros auprès de Barbara, qui ne l’aime pas. Selim, jeune Iraquien, est musulman, féru de littérature ; il va épouser Leïla dès le conflit terminé. Un soir, Thomas, horrifié par la mort d’un ami soldat, se réfugie dans le jardin du père de Selim. Les deux jeunes gens sympathisent. Plus tard, lors d’un affrontement de rue, ils tirent l’un sur l’autre sans le savoir… Thomas décède, Selim est gravement blessé.

Ce court roman « choc » dénonce l’inanité de la guerre, qui fait des victimes des deux côtés. Thomas est parti pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le patriotisme, a découvert une réalité absurde, les mensonges des médias (« Une pensée abominable avait alors effleuré l’esprit de Thomas. Celle qu’on déclarait peut-être des guerres uniquement pour faire de l’audience. », p. 40). Les manifestations contre Georges Bush sont évoquées, les militaires gradés montrés du doigt, mais plus pour leur personne que pour une réelle attaque de la hiérarchie (« […] Bob Nicholson, une grande baraque de sergent-chef qui faisait soixante-dix pompes tous les matins avant le petit déjeuner pour le plaisir. », p. 56). Selim subit la guerre de plein fouet, avec la mort de son père. Pourtant, fort des leçons de vie du vieux sage Nabil, il sait rester modéré, au contraire de son frère aîné qui s’est engagé parmi les rebelles. La construction du roman, avec un narrateur omniscient, est habile. Le temps écoulé est en réalité très court : des véhicules américains passent, les rebelles et les soldats se tirent dessus. La majorité du texte est en fait constituée de longs flash-backs, soit souvenirs intérieurs de Thomas ou de Selim (variation appréciable des points de vue), soit simples moments de récits destinés à expliquer comment la situation présente a pu advenir. Le passage d’un temps à l’autre est imperceptible, très fin. Martine Pouchain décrit des faits avec des mots simples, faisant passer son message par les pensées de Thomas. On notera les nombreuses phrases interrogatives sans réponse, propices à la réflexion. Je ne dirai pas que ce livre est un « coup de cœur » - ce n’est jamais agréable, un livre sur la guerre – mais il fallait trouver les mots pour aborder un conflit actuel aussi polémique en conservant assez de recul et d’objectivité, et Martine Pouchain a su le faire.