Cut!

Torstai rêve de devenir cinéaste. Rêve seulement, car entre des parents alcooliques, une sœur mineure enceinte pour la deuxième fois, et les difficultés financières du quotidien, le si responsable Torstai a fort à faire.
Dans une langue rapide et vivante, le narrateur Torstai raconte des « séquences » - au sens cinématographique du terme - de sa vie, dialogues inclus, entrecoupées de « fade out » et de « cut » fréquents quand il aimerait pouvoir revivre différemment un épisode. Le cinéma, monde d’illusions… Torstai s’adresse directement au lecteur, le fait participer (« Tu veux aller la voir ou non ? Ca aussi, tu peux le dire franchement. Alors ? », p. 108), et surtout ne lui épargne rien de son quotidien. De longues pages sont consacrées à l’alcoolisme des parents et à ses manifestations dans ce qu’elles ont de plus bas. Complaisant ? Non, le roman use simplement de réalités dramatiques pour étayer son intrigue. La pauvreté, l’inconséquence des parents durcissent mais aussi renforcent le héros, qui oscille entre rationalisme et sentiments qu’il ne peut taire. Tout se passe comme si la gestion de la famille revenait entièrement à Torstai, qui se raccroche en pensées à une assistante sociale absente les quelques jours que dure le roman. Le jeune homme semble persuadé de n’aboutir à rien dans sa vie si mal partie, et pourtant, par ses capacités mêmes de recul sur les événements, nous devinons que l’avenir ne lui sera que plus souriant. A commencer peut-être par un amour avec la jolie et originale Moosa… Ce roman fort est extrêmement proche dans ses thèmes des Ostrogoths de Martine Pouchain (Les 400 Coups, 2007), un humour empathique en moins. « Voilà, voili, voilà », comme dirait notre héros, ce que l’on peut retenir d'un livre complexe et marquant.