Le passager clandestin

Rien ne prédestinait Marin et Imran à devenir amis, si ce n'est leurs prénoms, anagrammes l'un de l'autre. Marin est un collégien moyen, plutôt mal compris par ses parents, et qui se raccroche à la figure idéale de son grand-père disparu, un ancien marin. Imran est un élève brillant, mais en situation sociale de détresse : ayant fui la Tchétchénie suite à l'assassinat de sa famille, il vit chez un oncle adepte de petits trafics. Ce parent, sous prétexte d'avoir sauvé la vie d'Imran, l'entraîne dans ses rapines. Inéluctablement, la police s'en mêle...
Sur une écriture neutre, à peine bienveillante, Dominique Delahaye brosse le portrait de deux jeunes gens que tout oppose au départ, et que la simple et belle valeur d'humanité va rassembler. Nous suivons les pensées de Marin davantage que celles d'Imran, rendu méfiant par la vie et peu prompt à se confier. Et pourtant, la psychologie du transparent Marin ne se comprend qu'à travers son rapport à Imran, auquel il ne cesse de se référer. Adolescent banal, il observe passivement son ami, en situation extrême, qui s'agite, bouillonne, cherche un avenir. Le roman s'articule autour des vols commis par l'oncle, anxiogènes, et de scènes scolaires plus tranquilles. Peu à peu, sans que le lecteur le devine, Marin réfléchit, évolue. Inattendue, la fin superbe va faire de lui un de ces héros ordinaires et méconnus, et on peut penser que le reste de sa vie s'orientera en fonction de son geste d'amitié. De fait, l'auteure se sera intéressé autant à ses deux personnages, mais différemment, donnant successivement à chacun l'occasion de montrer ce dont il est capable en tant qu'être humain. Un fin et grave roman social, tout en suggestions mais profondément marquant, à accompagner d'un visionnage du beau film Welcome de Philippe Lioret... Ils ont au moins deux thèmes en commun : prosaïquement, celui de l'eau, philosophiquement, celui de l'immigration et de l'insertion dans une société que l'on ne connaît pas.