Des oiseaux

Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, est un homme des Lumières. Observateur infatigable de la nature, on connait de lui ses travaux d’entomologiste qu’il consigna dans les volumes de l’Histoire naturelle où son style fait merveille. A l’occasion de la grande rétrospective qui lui est consacrée, les éditions Thierry Magnier et May Angeli ont sélectionné onze fragments de textes décrivant des oiseaux, exotiques ou non, que l’illustratrice a enrichi de gravures sur bois selon sa technique favorite. Textes courts, calligraphiés en grosses lettres sur un beau papier crème, et gravures bi-chromes parfois rehaussées d’orange ou de rouge pour un bec ou des pattes, composent cet ouvrage élégant que l’on pourrait sans peine faire entrer dans la catégorie des livres d’art.


Les fragments de textes isolent un comportement, une particularité de chaque espèce que May Angeli accompagne de son trait. Ainsi, les oies fières, en léger déséquilibre, comme si elles allaient se mettre en route, prouvent qu’elles sont « dans le peuple de la basse-cour un habitant de distinction ». De même, le vautour qui « semble réunir la force et la cruauté du tigre avec la lâcheté et la gourmandise du chacal » est saisi dans une courbe, ample et occupe toute la page d’un regard et d’un mouvement puissants.


D’une très grande force, ces dessins ne sont pas pour autant des croquis de naturalistes. Rien à voir avec Audubon, ils traitent les sujets avec poésie liée au flou du trait, aux couleurs et atmosphères choisies par la gravure. Le contexte naturel est évoqué, forêt, étang, cour de ferme, les oiseaux s’y trouvent mis en scène mais jamais avec une exactitude ou un détachement scientifiques. May Angeli vise l’équivalence, la correspondance poétique entre ce qu’écrit Buffon et les images créées, c’est un livre pour magnifier la nature, pas pour la décrire, un appel à rêver.