Troubles

Les « petits démons » de Claudine Desmarteau sont de retour, bien cachés dans ce roman... troublant, le mot est juste. Camille vit à Paris, entre quotidien lycéen, passion du septième art, soirées arrosées et amitié intense avec Fred. Camille soutient souvent son ami, un adepte des drogues douces et des questions existentielles. Le temps passe... Il est question d'un week-end en Normandie pour la petite bande dont font partie Camille et Fred. Tout commence mal sous la pluie, et tout finira mal dans le sang. Puis la vie reprend, l'air de rien mais bouleversée en profondeur.

Sous la narration tranquille de Camille, de multiples thématiques affleurent, s'entrecroisent de manière complexe. Il y a l'adolescence avec un grand A, évidemment, faite d'incompréhension avec les adultes (les parents) et d'envies inquiètes vers le futur. L'aspect identitaire est lui tellement au cœur du roman qu'on ne l'identifie pas immédiatement. A noter le prénom mixte Camille, et la fabuleuse grammaire de l’auteure qui permet d’entretenir le doute. Il y a aussi la dureté de la vie, et Camille qui constate la croissance exponentielle de sans domicile fixe dans son quartier. Et puis bien sûr, se développe, de manière inattendue et donc d’autant plus choquante, l’infernal cercle différence-rejet-frustration-explosion. A propos de qui ? Vous le saurez tardivement, mais bien assez tôt…
Sans le vouloir quoique dans la droite ligne de sa façon d’appréhender la vie, Camille va filmer l’intégralité du week-end en Normandie. Mais ne l’analysera pas (encore) à la façon des œuvres disséquées en guise d’interludes au récit, et qui constituent autant - d’indices ou pas – sur la propre personnalité de Camille, qu’on finirait par penser presque comme anesthésiée…

Un magnifique roman, paradoxalement flou et acéré, inquiétant, sur la jeunesse d’aujourd’hui.