Pierre obscure (T.1). La traversée d'Alzar

A 12 ans, Chayma a toujours habité un petit village des hauts plateaux, loin des grandes zones urbaines de la vallée. Elle passe ses journées entre l'école, les jeux dans la nature et l'aide apportée à sa mère à la maison. Mais son petit frère Elie tombe gravement malade et la seule solution est de se rendre jusqu'à la ville d'Alzar, où un savant réputé serait susceptible de sauver Elie. A cette occasion, Chayma apprend que ses parents ont vécu leur jeunesse à Alzar, et que, pour des raisons obscures, ils en sont partis précipitamment : c'est donc elle qui ira quérir le médecin.
La jeune fille se déguise en garçon et part sur les routes, à la fois excitée et craintive. Arrivée à Alzar, elle découvre un monde complexe, où l'arbitraire et la cruauté règnent. Avec sa bonne santé, elle détonne parmi les enfants maladifs des parties pauvres de la ville. La mystérieuse pierre bleu nuit, qu'elle porte en collier depuis toujours, attire les convoitises. Ecoutant son instinct mais se méfiant de plus en plus, Chayma va donc tenter d'atteindre le fameux médecin dont lui ont parlé ses parents, un homme riche qui vit dans les quartiers du centre...

La quête personnelle de Chayma, comme dans tout bon roman, va s'étendre à d'autres considérations, politiques, sociales, etc. Qu'elle le veuille ou non, on pressent que la jeune héroïne va jouer un rôle déstabilisateur dans ce monde au fonctionnement inique. En attendant, elle le découvre avec effarement, quitte à en oublier la maladie d'Elie. Elle rencontre des embûches, mais trouve aussi des appuis inattendus : une jeune artiste, et Douxyeux, cette jolie chienne sauvage qui l'adopte instantanément. Ce sont elles qui vont guider Chayma à travers Alzar, la cacher et la protéger d'une police violente et omniprésente, dont on se demande qui la dirige... On en aura un petit aperçu avec la grand-mère de l'héroïne, phénomène de duplicité et d'avidité.
Nous sommes dans un futur lointain et on peut sans doute parler encore de dystopie – on imagine bien une catastrophe, et un univers post-apocalyptique, par exemple. Cependant, la dureté de cette société découpée en zones, codifiée selon une stricte hiérarchie économique, est curieusement tempérée par quelques idées douces ou des détails de type fantasy qui captent l'attention autant que le discours politique. On pense à Douxyeux la gentille, à la fraîcheur d'âme de Chayma qui déteint malgré tout sur les jeunes qu'elle rencontre dans les tunnels de la ville. A noter d'ailleurs l'unité de lieu très forte : nous évoluons sur quelques kilomètres carrés seulement, peut-être dans une idée de concentration des populations pour mieux les contrôler...
La fin complètement ouverte lance des pistes quant au rôle et au pouvoir exacts du savant, quant à l'ascendance compliquée de Chayma (quelle effrayante grand-mère !), et convainc sans problème de s'intéresser à la suite. Un premier tome à la structure classique, mais solide.