Jonas le requin mécanique

Ancienne vedette de films à succès, requin mécanique pétaradant dans un parc d'attractions, Jonas est persuadé que les humains l'aiment. Ses amis les autres robots, plus perspicaces, ont bien compris que Jonas allait être envoyé à la casse. Une nuit, ils l'expédient donc vers la haute mer, et le requin perdu et ravi à la fois entrevoit un bout de son rêve : retrouver sa maman et vivre doté d'une âme. La suite sera plus difficile, mais une aide inattendue viendra en la personne de Loopy, petit manchot de cirque évadé que Jonas sauve de filets de pêche.

On jurerait un scénario de dessin animé, c'est un roman junior enthousiasmant d'originalité. Si les clins d'œil (Les dents de la mer, Pinocchio), si le rythme, l'humour, la première frayeur liée à la crainte instinctive du requin séduiront les jeunes lecteurs, l'ouvrage ne manque cependant pas de profondeur. « Une âme, ça ne se répare pas d'un coup de pinceau ou en resserrant des boulons. » (p. 32). La tristesse affleure par moments dans la quête naïve et solitaire du squale, magnifiée par une jolie fin fantastique et émouvante. L'amitié est au cœur de l'histoire, et les animaux (on rend très vite Jonas vivant) savent dépasser leurs différences pour s'allier et même s'aimer.
Cirques-prisons, pêche intensive, massacre des requins, humains moutonniers, cupides et cruels, Bertrand Santini hache nos comportements à la moulinette d'un rire apparemment innocent, au fond grinçant. Les belles illustrations, justement d'un dessinateur de cinéma et d'animation, usent de noir et blanc pour des jeux d'ombre et des effets de contraste saisissants, accompagnant avec surprise ce livre inclassable, donc à découvrir.