Sally Jones, la grande aventure

Le roman Sally Jones, récemment paru, fourmillait déjà d’aventures et d’illustrations fortes de l’auteur. L’album (ou plutôt le roman graphique) que voici pourrait se situer avant le roman : il raconte l’enfance et l’adolescence de la gorille Sally, au début du XXème siècle. Ce qu’elle y subit est rude, et explique sa débrouillardise. Capturée dans la forêt, elle passe d’humain violent en humain cupide, tombe amoureuse de l’orang-outang Baba qui l’oubliera, alterne les chaînes en fer avec les cages trop petites. Elle développe des compétences bienvenues ou pas, comme crocheter des serrures, lire, conduire un camion, et la mécanique. Tout ce temps, Sally promène son regard triste et malade sur le monde, semant sans doute et sans le vouloir une sourde culpabilité chez ses propriétaires, qui transforment ce sentiment gênant en colère. La rencontre avec le Chef – l’ami qu’elle voudra sauver dans le roman suivant – ne date pas d’hier, mais il aura fallu de nombreux rebondissements avant que l’humain ne sauve l’animal et vice-versa.

Le livre est magnifique, un format tout en hauteur, des illustrations à la fois brutes et chaudes, et des cadres soignés à chaque page, à la fois pour le dessin et pour le texte : tentacules d’une pieuvre lors d’un naufrage, bambous dans la jungle, brume éthérée au petit matin… La jolie bouille de Sally prend des mines très humaines, et on reconnaît la surprise ou l’abattement au premier coup d’œil. Alors qu’elle est ronde et belle, les hommes sont généralement coupants, laids, gros. Sauf le Chef bien sûr. Cette amitié par-dessus tout transcende d’une part les personnages qui gagnent confiance en eux, et d’autre part l’histoire, lui donnant son sens et son espoir. L’existence du duo prépare aussi la suite, ce fameux roman que nous ne pouvons que vous conseiller !