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Date

Didier Teyras

1 février 2006

Née en 1954 à Vienne, Lisbeth Zwerger est une grande illustratrice autrichienne, maintes fois récompensées et connue mondialement.

D'Andersen à Lewis Caroll, en passant par Oscar Wilde, Rudyard Kipling, Dickens, les frères Grimm, Lyman Frank Baum, et bien d'autres, elle ne cesse de nous combler depuis 1977 avec les contes traditionnels et récits classiques qu’elle illustre avec finesse et sensibilité. Depuis quelques années, nous connaissons le travail de cette illustratrice grâce à l'éditeur Nord-sud, l' éditeur de ses oeuvres en français. Nous avons demandé à Didier Teyras, responsable des Editions Nord-Sud de nous dresser le portrait de cette illustratrice majeure et de nous parler des livres.


- Ricochet : Au sein de votre catalogue, vous réservez une place de choix à l’illustratrice autrichienne Lisbeth Zwerger. Comment avez-vous découvert cette illustratrice aujourd’hui mondialement connue ?

Didier Teyras :
Lisbeth Zwerger a été découverte en 1977 par le directeur de collection Michael Neugebauer. Elle sortait de l'école et, quand elle a présenté ses projets à la Foire de Bologne, Michael Neugebauer a tout de suite été séduit par ses illustrations et a senti son potentiel. En 1977, il publie son premier livre : «L’étrange enfant» de E.T.A Hoffmann. A l'époque, il dirigeait «Neugebauer Press», maison d'édition autrichienne rachetée ensuite par Nord-Sud et qui a retrouvé son indépendance en 2003. Jusqu’alors, les droits des titres publiés par Michael Neugebauer étaient vendus entre autres aux éditeurs français, notamment aux éditions Duculot et puis suite au rachat de la structure par les Editions Nord-Sud, c’est cette maison qui est devenue l’éditeur français de l’oeuvre de Zwerger. Nous avons depuis publié systématiquement tous les titres de l'illustratrice en français.

- Ricochet : Lisbeth Zwerger est sans conteste une très grande illustratrice. Qu'est-ce qui selon vous fait son succès ?

Didier Teyras :
Il tient, je pense, à l'immense qualité de ce qu'elle fait. En attestent les prix qu'elle a reçus ! Lisbeth Zwerger fut nommée à deux reprises "meilleure illustratrice de l'année" par le New-York Times. En 1991, elle reçoit aussi le prix Hans Christian Andersen, l’équivalent du «prix Nobel» pour les illustrateurs. Elle a vraiment été une pionnière et elle fut abondamment copiée. On ne compte plus ses épigones... Très régulièrement d'ailleurs, certaines personnes nous proposent des projets dans un style très proche de cette grande illustratrice...

- Ricochet : D'où s'inspire-t-elle ? Quels sont les auteurs-illustrateurs qui ont marqué son travail et pour lesquelles elle a de l'admiration ?

Didier Teyras :
Lisbeth Zwerger a été très influencée par Arthur Rackham dont elle confesse volontiers qu'il a été son inspirateur. Son influence se ressent déjà à l’Académie des Arts appliqués de Vienne et dès ses premières oeuvres, "L' étrange enfant" par exemple. Elle a au départ une palette très proche de ce grand illustrateur. Ensuite, elle s'en éloigne et affirme son style pour arriver à quelque chose de complètement unique qui ne ressemble à rien de ce qui se fait par ailleurs d’autres. Parmi les illustrateurs dont elle apprécie le travail, il y a Roberto Innocenti mais beaucoup d’autres encore.

- Ricochet : Avez-vous pu constater des changements et des variations au niveau de son style graphique ?

Didier Teyras :
Oui, je pense qu'à partir des années 1990, son oeuvre est marquée par un tournant. Il y a, semble-t-il, à cette époque pour Lisbeth Zwerger, une volonté d'emprunter de nouveaux chemins. On sent grandement ce changement notamment avec Till L’Espiègle. Ces traits sont un peu différents, ses personnages deviennent plus «géométriques» alors qu’au départ ils ne l’étaient pas du tout. Elle se dirige aussi vers des choses plus colorées.

- Ricochet : Vous avez été amené à rencontrer Lisbeth Zwerger. Comment a-t-elle l'habitude de travailler ?

Didier Teyras :
Habituellement, elle vient avec un projet et puis elle en discute avec Michael Neugebauer. Bien souvent, elle se sent inspirée par telle ou telle oeuvre, il nous arrive parfois d’être surpris par certains de ses choix et souvent, ils s’avèrent très judicieux. Elle est une personne extrêmement sensible tant dans son travail comme dans celui des autres. Elle met pratiquement un an à créer une oeuvre. Pour réaliser les 12 à 25 planches d’un album, elle a besoin de ce temps d'immersion dans l'oeuvre avant de commencer le crayonné et puis d'insérer la couleur. Elle est aussi très critique sur son travail et c'est ce qui explique l'extrême qualité de ce qu'elle produit. Il y a quelque temps, nous lui avions proposé une réédition de son "Casse-Noisette" en format à l'italienne. Il faut savoir que Lisbeth Zwerger a réalisé deux versions de cette oeuvre au début de sa carrière : la première ne la satisfaisait pas pleinement et elle en avait fait une deuxième version que nous souhaitions reprendre. Elle a pris la balle au bon et a demandé d'en réaliser une troisième qui est parue en automne 2004 ! C'est dire comme elle a ce souci de perfection... C’est

d’ailleurs intéressant de regarder les différentes versions de ce titre : on y perçoit des évolutions gigantesques !

- Ricochet : Lisbeth Zwerger aime illustrer des contes populaires et des histoires classiques. Peut-on dire qu’elle renouvelle le genre par son approche de l’illustration? En quoi est-elle novatrice ?

Didier Teyras :
Je ne sais pas si elle renouvelle le genre mais elle a certainement été une pionnière et elle apparaît, à un moment, d'évidence révolutionnaire. Il faut relire son oeuvre au regard de ce qui existait quand elle est apparue dans les années 70-80. Elle a apporté de la fraîcheur et une nouvelle lecture du trait. Incontestablement, quand elle arrive, ce qu'elle fait est totalement différent : son trait est plus levé, plus sophistiqué. Elle apporte une lecture d'adulte et ses illustrations ne s'adressent plus uniquement aux enfants comme c'était le cas auparavant mais ils s'adressent aux enfants et aux adultes. Et je pense que c’est ce qui explique son succès ! Son «Petit chaperon rouge» par exemple, paru en 1983, a été réédité en 2003 et 22 ans plus tard, cette oeuvre connaît un tel engouement qu'on en est actuellement à sa quatrième réimpression. C’est bien la preuve que son oeuvre apparaît complètement nouvelle !

- Ricochet : Quels sont les livres les plus vendus de cette auteur ? Et quels sont les pays les plus demandeurs ?
Didier Teyras :
Les Etats-unis est le pays où Lisbeth Zwerger jouit de la plus grande aura. En seconde position, viennent coude à coude les marchés allemand et français. Elle connaît aussi un succès très important au Japon, mais là davantage pour ses oeuvres (originaux) que pour ses albums. Les Japonais s’avèrent friands de ses originaux; ce sont plutôt des collectionneurs. Dans son propre pays, Lisbeth Zwerger est aussi fortement appréciée. Elle a reçu de nombreuses fois le prix national autrichien du livre.

Parmi les titres qui se vendent très très bien, il y a ces contes d’Andersen, "Le petit chaperon rouge", dont je vous ai parlé précédemment. "Le Magicien d'Oz" fait une très belle carrière aux Etats-unis et en France.

C'est un titre qui ne cesse de se vendre : au total, il a été vendu à ce jour à 18000 exemplaires en France. Parfois, certains ouvrages ont des trajets surprenants : Alice aux pays des merveilles, paru il y a 7 ans, n'a pas bien marché au début, mais se vend de mieux en mieux actuellement.

- Ricochet : Pouvez-vous nous donner un avant-goût des prochaines sorties de Lisbeth Zwerger ?

Didier Teyras :
En janvier 2006, nous avons réédité ses fables d'Esope. Comme Lisbeth Zwerger met près d'un an pour la réalisation de chaque ouvrage, nous alternons ces nouvelles créations avec des rééditions de ses plus anciens livres. Concernant les titres à venir, je peux déjà vous annoncer "La nuit magique de Noël" pour octobre 2006 et "Les musiciens de la ville de Brême", un conte des frères Grimm à l’automne 2007 !

- Ricochet : Quel(s) sont (vos) coups de coeur ?

Didier Teyras :
Pour moi c'est sans aucun doute, "Le cadeau des rois mages" : cette nouvelle qui se déroule au début du 20ème siècle à New-York. Pour moi, c’est un texte très très très beau, de la littérature de haut vol, et ce titre, publié en 1987, reste selon moi le plus bel album qu'elle n'ait jamais publié. Mon second choix irait, parmi de nombreux autres, à "la Petite Sirène", un album somptueux.