Emma Kennedy
Formée à Oxford, puis brièvement avocate, Emma Kennedy exerce à la fois le métier d'actrice et celui d'écrivain. Lauréate de nombreux prix pour ses prestations à la télévision et à la radio, elle a signé plusieurs ouvrages pour les adultes. Sa première série en jeunesse, Les aventures de Wilma Tenderfoot, paraît en avril 2012.
Brigitte Gautrand: Pour que le public français vous connaisse mieux, pouvez-vous nous parler un peu de vos ouvrages publiés en Angleterre ?
Emma Kennedy: J’écris une chronique pour le journal The Guardian, dans laquelle je raconte les étonnantes expériences qu’on peut faire en parcourant la Grande-Bretagne, et j’ai publié des récits de voyages. Deux d’entre eux sont des Best-sellers, notamment l’un consacré à mes souvenirs de vacances en France, dans les années 70, lorsque j’étais enfant. J’en oublierais presque le plus important : j’ai aussi écrit les quatre tomes des aventures de Wilma, qui sont déjà un beau succès en Grande-Bretagne !
Avez-vous déjà publié en France ?
Non, c’est la première fois et j’en suis très heureuse – mais un peu stressée, car je ne me souviens plus de mes cours de français ! Je ne connais qu’une phrase : « La plume de ma tante est dans le jardin ». Vous croyez qu’elle va me servir ? Vos lecteurs correspondent-ils avec vous ? Les rencontrez-vous ? Des mamans m’écrivent souvent sur Twitter pour me dire que leurs enfants adorent la série. Mais ce que je préfère, c’est évidemment d’aller à la rencontre des lecteurs dans les écoles ou les librairies. J’y vais avec mon chien, Poppy, en leur disant que c’est Pétrin (le compagnon de Wilma dans la série) et qu’il arrive tout droit de l’île de Cooper, cela les impressionne beaucoup ! Un jour, alors que j’entrais dans une classe avec Poppy, un petit garçon s’est écrié « Madame, est-ce que c’est un vrai chien ? » ! Dans les librairies, nous mettons souvent en place des animations rigolotes. Nous chargeons les enfants de résoudre une énigme et, comme dans le livre, nous fabriquons tous ensemble notre propre tableau d’enquête ! Cela nous fait passer des après-midi formidables !
Il y a énormément d’humour dans vos textes. Cela semble correspondre à votre état d’esprit dans la vie…
Absolument, j’adore rire et m’amuser, et je suis prête à toutes les aventures pour peu qu’elles m’apportent de la nouveauté. Je fonce toujours pour des choses insensées sans réfléchir. Par exemple, je me suis inscrite à une course de chevaux au printemps prochain… il ne me reste d’ailleurs plus que 4 mois pour apprendre à monter, et parfois, je me dis que je suis complètement folle d’avoir accepté ce défi ! Mes amis disent souvent « Emma, c’est une fillette de 10 ans piégée dans le corps d’une femme de 40 ans ». Et je suis bien d’accord avec eux !
Quel est le principe de cette série ? Est-ce qu’il y aura à chaque fois une seule enquête par volume ?
Cette série se compose de quatre titres. Dans chaque livre, Wilma mènera l’enquête pour résoudre une énigme. Pour y parvenir, elle s’aide de son Porte-Indices, un carnet qu’elle s’est fabriqué avec les articles de journaux parlant des enquêtes de Théodore P. Lebon, son idole. Il lui donne des solutions pour se sortir des situations dangereuses dans lesquelles elle se fourre en permanence ! On peut lire les livres séparément si on le souhaite car l’énigme est toujours résolue à la fin. Mais en ligne de fond, et c’est quelque chose qui me tient à coeur, il y a une quête parallèle : la recherche d’identité de Wilma, qui est orpheline. On connaîtra le secret de ses origines à la fin du tome 4.
Vous semblez accorder une attention toute particulière à la structure du récit. Pouvez-vous nous dire comment vous procédez pour construire vos histoires ?
Pour les aventures de Wilma, j’ai d’abord écrit le plan des 4 livres, puis j’ai fait un script comme au cinéma. Ensuite, il faut laisser les idées mûrir ! Quand on écrit un livre avec des énigmes, il faut savoir où l’on va, imaginer les indices, savoir les disposer… et créer ainsi l’enquête ! Tout doit être calculé au millimètre près pour éviter d’en dire trop ou pas assez ! Il faut aussi laisser le temps aux personnages de prendre forme. Je m’en fais d’abord une petite idée, puis je les laisse vivre dans ma tête, m’accompagner à chaque instant, et cela me permet d’inventer au fur et à mesure les anecdotes ou les plaisanteries que j’insère ensuite dans la série.
Est-ce une lecture réservée aux filles ?
Pas du tout ! J’avais envie de donner aux petites filles un modèle : on peut être polie mais déterminée, avoir de la volonté et prendre la vie à bras le corps ! Et comme ce personnage est un peu garçon manqué, il plaît aussi aux garçons. C’est aussi pour eux que j’ai créé le personnage de Janty : un garçon de 10 ans, orphelin lui aussi, mais qui veut devenir criminel comme son père. Il est très attachant et Wilma essaiera de devenir son amie tout au long des livres.
Une discrimination règne entre « le Haut » de l’île, où résident les plus riches et « le Bas », où vivent les pauvres comme Wilma. Est-ce pour vous un moyen de faire réfléchir sur l’autre, sur l’exclusion ou le racisme ?
C’était tout à fait mon intention. Je déteste quand on essaye de mettre en opposition deux types de personnes ou de cultures. J’ai horreur du mépris et de la condescendance et je voulais montrer l’injustice des préjugés. J’ai aussi voulu donner de l’espoir aux enfants qui me lisent : il faut se donner les moyens d’arriver à son but, comme le fait Wilma. Elle sait ce qu’elle veut, et fera tout ce qui est en son pouvoir pour l’obtenir. Et elle ne rêve pas de richesses, juste de devenir détective !
Votre texte et vos personnages sont très visuels, très vivants. On imagine aisément les retrouver portés à l’écran. Est-ce voulu ou souhaité ? Je crois que vous êtes aussi actrice !
Pour ne rien vous cacher, j’ai déjà écrit le scénario et je travaille avec le studio qui a fait « Wallace et Gromit » et « Chicken Run » ! Pour l’instant je ne sais pas si cela deviendra un dessin animé ou un film… mais j’avoue que je serais curieuse de découvrir une vraie petite Wilma en chair et en os…
Question à la traductrice, Corinne Daniellot :
Avez-vous pris autant de plaisir que l’auteur en travaillant sur ces romans ?
Je me suis beaucoup amusée. Il y avait énormément de jeux de mots dont je ne voulais pas perdre la saveur, et parfois, je me suis prise à retravailler avec acharnement des phrases pour les rendre aussi parfaites que possible, pour finalement voir que la première version était la plus efficace. Je m’intéresse aussi beaucoup au féminisme et à l’avancée des femmes et ce livre me touche beaucoup pour cela. Wilma ne s’occupe pas de son apparence, mais elle est forte et déterminée. Elle poursuit avant tout ses idées, va réussir à rencontrer son héros le détective, à ne plus le lâcher et à faire ses enquêtes ! Quel formidable modèle pour les petites filles d’aujourd’hui !