Fanny Joly
Fanny Joly
Ricochet - Comment vous est venue l'idée d'écrire pour les enfants ?
Fanny Joly - A vrai dire, assez naturellement. J'ai toujours été une dévoreuse de livres. L'écriture est venue comme un prolongement. J'ai commencé à écrire " professionnellement " dès l'âge de 16 ans, même si c'était pour rire, des sketches pour ma soeur Sylvie qui était avocate et avait envie de devenir comédienne. Ensuite, quelque 10 ans plus tard, à la naissance de notre premier enfant, je me suis penchée sur les livres de jeunesse et ce que j'y ai découvert m'a donné envie de tenter de participer à ce merveilleux manège...
Ricochet - Depuis vos premiers livres, vous n'avez cessé de publier, la liste de vos titres est aujourd'hui impressionnante. Où puisez-vous votre inspiration ? dans votre propre enfance ?
Fanny Joly - Je ne cours pas après l'inspiration, j'ai beaucoup de chance et beaucoup d'idées en réserve dans mes chemises " garde-manger "... En revanche, je cours après le temps. Car de l'inspiration à la " bonne " histoire, il y a beaucoup d'heures et de brouillons à passer...
Ricochet - Peut-on retrouver dans certains de vos livres une image de la vie de famille que vous avez eue, enfant ?
Fanny Joly - Je n'ai pas l'impression de puiser beaucoup dans ma propre enfance. Dernière d'une fratrie de 8 dont 6 frères, j'étais une petite fille calme et tranquille, toujours en position d'observatrice des autres, une éponge... Je crois que mon inspiration vient de là. Mon livre le plus " autobiographique " est sans doute " Qu'est-ce qui fait craquer la Praline ? " chez Hachette...
Ricochet - Vous écrivez pour un public très diversifié, vos lecteurs ont entre trois ans et une dizaine d'années. Est-ce un besoin pour vous de varier les thèmes et le style en fonction de l'âge des lecteurs ?
Fanny Joly - L'amplitude des âges auxquels je m'adresse n'a rien de calculé. Elle monte au delà de 10 ans, du reste, car le feuilleton " Marion et Charles " que j'écris pour je Bouquine s'adresse aux 10/15 et j'ai aussi publié deux romans pour ados : " Cynthia le rock et moi " chez Hachette et " Premier rôle masculin " chez J'ai Lu. J'aime tous les âges et j'ai, chaque fois, l'âge pour lequel j'écris...
Ricochet - Vous adoptez souvent le ton du langage parlé, celui de la cour d'école par exemple, dans la série " Les grands méchants ", est-ce une façon de rendre le livre plus accessible aux enfants ?
Fanny Joly - Ce ton est celui du dialogue. J'adore les dialogues et je cherche toujours le " son juste ". Je dis mes dialogues en travaillant, pour les livres comme pour les sketches ou les films...
Ricochet - Aujourd'hui, les enfants sont très sollicités par l'écran : la télévision, mais aussi l'ordinateur et les jeux vidéos, selon vous, quel peut être le rôle du livre au milieu de tout cela ?
Fanny Joly - Je pense que le livre a et gardera sa place au milieu de tous ces écrans. Certes, la concurrence est rude, plus rude que " de mon temps ". Mais raison de plus. La rencontre avec les pages n'en est que plus unique, irremplaçable.
Le livre est d'une modernité fabuleuse. Quel support fonctionne sans autre électricité que celles de nos neurones ? Et, comme je le dis souvent aux petits lecteurs que je rencontre, quelle chaîne est capable de leur offrir, à toute heure, le choix entre 15 000 programmes adaptés à eux, qu'ils peuvent découvrir librement, gratuitement, à leur rythme... (15 000 est un chiffre moyen des titres jeunesse d'une bibliothèque moyenne...)
Ricochet - Vous semblez mettre délibérément de côté les sujets graves ou trop sérieux, votre devise pourrait être " de l'humour avant toute chose ". Considérez-vous que la plus grande vertu d'un livre pour enfants soit de divertir et d'amuser ?
Fanny Joly - Je ne porte pas de jugement sur ce que doit ou devrait être la littérature pour enfants, hormis : variée ! Pour ce qui me concerne, puisque j'ai l'a chanche de savoir raconter des histoires d'une manière qui accroche et amuse certains lecteurs, je considère quasiment comme ma " mission " de le faire. Faire rire, pour moi, est un précieux cadeau. Et paradoxalement, je le pense encore de plus en plus fort au fur et à mesure que la vie, fatalement, se charge de me faire pleurer...
Ricochet - Quel genre de lectrice étiez-vous, enfant ?
Fanny Joly - Boulimique...
Ricochet - Vous avez reçu plusieurs prix décernés par des jurys d'enfants. Quel souvenir gardez-vous de ces moments et des échanges que vous avez pu avoir avec vos lecteurs ?
Fanny Joly - Les rencontres avec les lecteurs sont toujours des moments privilégiés, d'échange, de complicité formidables. En dehors des prix, je me déplace une ou deux fois par mois pour des rencontres " ordinaires ". J'en reviens toujours heureuse et dopée. Dans mes moments de doute et d'à-quoi-bonisme, ça m'aide considérablement... Là, justement, je reviens de trois super journées en Suisse pour la Bataille des Livres.
Ricochet - Vos textes ont été mis en images par de nombreux illustrateurs (Christophe Besse, Catherine Reisser, Roser Capdevilla…), comment sont-ils choisis, par vos éditeurs ou par vous-même ?
Fanny Joly - Ce sont toujours les éditeurs qui choisissent les illustrateurs. C'est une règle dans ce métier je crois. A mes débuts, j'ignorais à peu près tout de cette " cuisine ". Aujourd'hui, je suis tenue au courant. Au fil des livres, j'ai pu ainsi établir de belles complicités avec certains illustrateurs/trices comme Christophe Besse (depuis 20 ans), Roser Capdevila (depuis 15 ans), ou plus récemment Catel. J'adore le travail en tandem. C'est un démultiplicateur d'imaginaires. Je me surprends du reste parfois à écrire " pour " l'illustrateur, comme j'écrirais pour un comédien.
Ricochet - Aimeriez-vous un jour faire la démarche inverse, écrire sur les dessins d'un illustrateur ?
Fanny Joly - Je ne l'ai jamais fait mais j'aimerais bien essayer...
Ricochet - Trouvez-vous encore le temps d'écrire pour votre sœur, Sylvie Joly, ou pour la télévision ?
Fanny Joly - Bien sûr ! Je travaille en ce moment même sur une pièce pour Sylvie pour la rentrée 2003/2004... Devinez avec qui ? Avec notre fils, Victor, 19 ans, avec qui j'ai écrit un J'aime Lire en 2000. C'est une découverte étonnante et vraiment plaisante, ce rebond vers la nouvelle génération, ce passage de témoin... On rit beaucoup...
L'écriture télévisuelle est un domaine plus difficile. La liberté et l'inspiration y sont formatées par les contraintes d'une industrie lourde. La télé tend à fabriquer des séries, rentables pour les producteurs et les diffuseurs, mais nettement moins excitantes pour les auteurs et en particulier les humoristes. L'humour supporte mal la rationalisation...
Ricochet - Et à quand un roman " pour adultes " ?
Fanny Joly - J'en rêve mais je n'ose pas. Chaque fois que j'essaie de me lancer, je suis intimidée, ça coince...
Ricochet - Vous avez sûrement un, ou des projet(s) en cours, pouvez-vous nous en parler ?
Fanny Joly - Beaucoup de projets, en effet... Ma série " Hotel Bordemer ", 12 romans chez Hachette en Bibliothèque Rose a eu la chance de donner lieu à la co-production d'un dessin animé de 26 épisodes. Copoduction France-Canada-Australie, diffusion TF1 début 2004. C'est un gros chantier auquel je participe activement. Même schéma pour " Gudule et Gaston ", toujours Hachette et cette fois 65 épisodes de 11 minutes pour la Cinquième avec le Canada et l'Asie. Un autre gros chantier bien excitant pour moi. Côté édition, beaucoup de choses : trois nouveaux titres dans la série " Drôle d'Ecole " chez Kid Pocket, un chez J'ai Lu Jeunesse, quatre albums pour les 4/7 ans chez Tourbillon et un autre, très rigolo, avec Claude Delafosse. Et puis le feuilleton " Marion et Charles " dans Je Bouquine ne semble plus vouloir s'arrêter : Catel et moi étions parties pour 12 mois, on en est à 26 et les lecteurs en redemandent... Autre chose : chez Casterman, un troisième " Qui a piqué... les poèmes de la Fête des Mères " à quatre mains avec Nicolas de Hirshing. Entre autres... Mais je m'arrête : il faut que j'aille éplucher mes patates pour le dîner...