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Main basse sur le copyright

Mis en ligne le 14 octobre 2008
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Le 27 septembre dernier, alors que les sénateurs américains virevoltaient dans leur ruche en furie, dans l'espoir de sauver Wall Street et l'économie mondiale, quelques grandes
sociétés, spécialisées dans l'établissement de banques d'images, ont subrepticement fait passer par le Sénat une loi bien étrange.

Il s'agit de la loi qui régit les "images orphelines". Une image est orpheline lorsqu'il n'est pas possible d'en retrouver l'auteur. Cela peut s'appliquer à des gravures, des photos, des
tableaux ou des dessins.

Cette loi est supposée faciliter l'utilisation commerciale, par des bibliothèques et des
musées américains, d'images classées dans leurs archives dont on ne connaît pas les auteurs. Des milliers d'oeuvres pourraient ainsi retrouver une seconde vie.

Mais la nouvelle loi autorise toute personne qui désire reproduire, transformer, et
commercialiser une image, pour peu qu'elle ait tenté, sans succès, d'en
retrouver l'auteur par une recherche "de bonne foi et minutieuse".



Une photo, un tableau ou un dessin sont normalement protégés, dès leur création, pour leurs auteurs et leurs ayants droit en France, dans le reste de l'Europe, aux Etats Unis et de nombreux
pays, par la Convention de Berne, signée en 1976. Ceci pour une durée de 70 ans
après le décès de l'artiste.



Mais si cette loi des images orphelines, après avoir été ratifiée par le Sénat américain, l'est aussi par la Chambre des Députés, n'importe qui pourra s'emparer d'une oeuvre, déclarer qu'il
l'a découverte sur Internet, et qu'il n'a pas réussi à en retrouver l'auteur, malgré tous ses efforts! Il pourra alors exploiter cette image, l'imprimer sur des T-shirts et des assiettes, ou la reproduire dans une publication sans avoir à débourser un centime.

Il y a en effet des centaines de milliers de dessins et de photos disponibles sur Internet, qui ne comportent aucune mention de titre et d'auteur. Elles sont donc "orphelines".

Selon cette nouvelle loi, l'artiste ne pourra pas demander de dommages et intérêts s'il
découvre la nouvelle utilisation de son oeuvre. Tout au plus il pourra obtenir en tribunal la somme qui aurait dû être versée par "un acheteur raisonnable à un vendeur raisonnable". Les frais de justice à sa charge !



Une oeuvre est normalement protégée dès le moment où elle est créée, sans que l'artiste ait à accomplir de formalité. Et actuellement l'utilisation sans autorisation d'une image
peut être pénalisée d'une amende allant jusqu'à 150 000 dollars. Ce ne sera
désormais plus le cas. Toute personne pourra prétendre avoir en bonne foi fait
la recherche de l'auteur ou de ses héritiers.

Le seul moyen de protéger une création sera de la digitaliser à ses frais, et de la déposer, encore à ses frais, dans des banques de données privées, ce qui est en violation des
conventions de Berne. Et il est probable que ces organismes privés
appartiendront, en sous-main, aux grandes entreprises de banques de
données !

Imaginez que chaque artiste, peintre, dessinateur ou photographe doive digitaliser et
enregistrer à ses frais des centaines, des milliers d'œuvres pour qu'elles soient protégées. Et il ne s'agit pas seulement des artistes professionnels : seront orphelines aussi les images postées sur YouTube ou MySpace.



Cette loi a été adoptée sans que chaque sénateur ait à se prononcer ouvertement, en pleine tourmente des marchés financiers, par une procédure rare dite "hotline", qui ne s'applique
normalement qu'à des propositions ne rencontrant aucune opposition !




Or plus de 75 organisations, dont la liste se trouve sur cette page, s'opposent à ce projet S-2913 depuis deux ans, avec véhémence. Elles recoupent des organisations d'artistes et
photographes américaines, le syndicat des écrivains, l'association nationale des
professionnels de l'industrie du disque, mais aussi des associations internationales de protection des droits de 31 pays, représentant plus de 100 000 artistes. A plusieurs reprises, ces derniers mois, le projet de loi a failli passer, et à chaque fois l'intervention in extremis par des milliers d'emails auprès des sénateurs et des députés a réussi à faire dérailler le projet. Ce n'a pas été le cas le 27 septembre.



Mais qui donc va profiter de cette loi des images orphelines ? Un intense lobbying de Google a-t-il permis que cette société participe à sa rédaction? Google a même fait récemment un don de 3 millions de dollars à la Library of Congress.



Mais les agences de photos Corbis (qui appartient à Microsoft), et Getty Images pourront,
elles aussi, commercialiser des images sans être inquiétées par d'éventuels ayants droit.



Certains pensent que les fondements juridiques du droit d'auteur seraient à tel point menacés que cela pourrait amener à un bouleversement des règles qui régissent tous les contrats.




La presse américaine a été singulièrement muette sur cette affaire. Le New York
Times
a été jusqu'à refuser récemment un article, rédigé par les avocats représentant les
organisations professionnelles, pour sa page éditoriale OpEd. Le groupe Condé Nast (le New Yorker, Vanity Fair etc) impose déjà aux photographes et dessinateurs des contrats draconiens, Le Monde a déclaré ne s'intéresser au problème que lorsqu'un autre organisme de presse lèverait le lièvre!



C'est donc à Telerama, par la plume d'Olivier Pascal-Moussellard, que nous devons le tout premier article consacré à la loi S-2913 (Telerama du 6 septembre). J'ai pu rencontrer ce journaliste à New York, en compagnie de Brad Holland, un grand artiste qui a été à la pointe du combat depuis plus de deux ans, et de Ted Feder, président de l'Artists Rights Society, qui représente, parmi bien d'autres, les ayants droit de Matisse, Picasso, et Chagall.




J'espère vivement qu'en France le ministère de la Culture va se saisir du dossier, sortir de sa prudence et intervenir diplomatiquement; c'est la dernière chance pour nous autres créateurs
d'images.



Citons en conclusion les propos désabusés de l'un des membres de la Commission Sénatoriale, interrogé sur ce qu'il pensait de la Convention de Berne, signée par les Etats-Unis : "Ce n'est pas la première fois que nous la piétinons ! ..."

Etienne Delessert

Président du CIELJ

Les associations qui participent au combat :


American Society of Illustrators Partnership

The Illustrators Partnership of America

The Society of Illustrators New York

The American Society of Architectural Illustrators

The Association of Medical Illustrators

The Guild of Natural Science Illustrators

The American Society of Aviation Artists

The Illustrators Club of Washington DC, Maryland and Virginia

The Pittsburgh Society of Illustrators

The National Cartoonists Society

The San Francisco Society of Illustrators

The Society of Illustrators of Los Angeles

The Society of Illustrators of San Diego

Association of American Editorial Cartoonists



Advertising Photographers of America

Artists Rights Society of New York

– representing 40,000 fine artists worldwide

Artists Foundation

Appalachian Pastel Society

Art of Licensing Listserve

Atlanta Artists Center

Atlanta Photography Group

Atlanta Photographic Society

California Copyright Conference

Chicago Creative Coalition of Photographers

Colorado Alliance of Illustrators

Craft and Hobby Industry Designers

Creators’ Rights Alliance

Editorial Photographers of America

Maine Illustrators Collective

Mid Atlantic Plein Air Painters Association

National Association of Independent Artists

Editorial Photographers of America

National Needle Arts Association

National Press Photographers Association

New Jersey Creatives Network

Oil Pastel Society

Palm Beach County Art Society

Philadelphia/Tri State Artists Equity Association, Inc.

Professional Women Photographers, Inc.

Society of Decorative Painters

Society of Digital Artists

Society of Childrens Book Writers and Illustrators

Society of Photographers and Artists Representatives

South Cobb Arts Alliance

Southeastern Pastel Society

Stock Artists Alliance

Studio Art Quilt Association

Tannery Row Artist Colony

United States Digital Imaging Group

Volunteer Lawyers for the Arts of Massachusetts

Washington Society of Landscape Painters

Wellington Art Society

Women in Focus



International Associations

International Council of Creators of Graphic, Plastic and Photographic Arts

– artists’ rights societies of 31 countries, representing over 100,000 visual artists

Association of Illustrators (UK)

Association of Photographers (UK)

Association de Illustrateurs et Illustratrices du Quebec

Association Européenes des Illustrateurs Médicaux et Scientifiques

Association of Dutch Designers

Canadian Association of Photographers and Illustrators in Communication

Cyberscribes-- an International Assembly of Lettering Artists

FreeLens (France)

Union des Photographes Créateurs (France)

Illustrators Australia

International Quilt Association

The International Association of Architectural Photographers

Pro-Imaging.org

Rassemblement des Artistes en Arts Visuels

Australian Cartoonists’ Association

FADIP - Spanish Federation of Associations of Professional Illustrators

– includes AGPI, APIC, APIE-EIEP, APIM and APIV representing 1,150 illustrators



Writers

National Writers Union



Music

National Association of Record Industry Professionals (NARIP)

American Association of Independent Music (A2IM)

Los Angeles Music Network (LAMN)

Association of Independent Music Publishers (AIMP)

California Copyright Conference (CCC)