Martine Bourre
Née à paris en 1949, Martine Bourre a suivi les cours aux Arts Appliqués Duperré.
Illustratrice d'une centaine d'albums et parfois auteur, cette créatrice aime varier les styles et les techniques et s'emparer de toutes sortes d'objets récoltés de notre quotidien qu'elle insère judicieusement dans ses compositions. Martine Bourre se dit myope comme un blaireau à lunettes et têtue comme une mulotte. Dans sa maison un grand cerf et dans son jardin vivent 3 stégosaures, une famille de dragons, une licorne, un petit chat gris et un palefroi couleur de sable... Pour elle, "L'aventure d'un nouveau livre c'est la surprise d'une rencontre avec un texte, un nouveau monde à exprimer, et l'inusable plaisir d'animer des animaux au fil des pages".
Crin-Blanc.
- Quelle utopie seriez-vous prêt(e) à défendre ?
Vivre libre.
- A part être écrivain ou illustrateur, que rêveriez-vous d'être ?
Je n'aurais rien su faire d'autre.
- Où écrivez-vous ? Quel est le lieu qui vous inspire le plus ?
Je dessine chez moi, dans une pièce qui me sert d'atelier. Mais j'écris mes textes dans le train.
- Quel est le sentiment qui vous habite le plus souvent ?
Enfant, c'était la colère. Maintenant c'est l'émerveillement devant les surprises de la vie.
- Quel(s) genre(s) de livre(s) vous tombe(nt) des mains ?
Les malheurs de Sophie.
- Que redoutiez-vous enfant ?
Que l'on m'empêche d'être moi.
- Vous arrive-t-il de côtoyer des êtres imaginaires ?
Les doux dragons et la licorne qui se cachent dans mon jardin seraient donc imaginaires ?
- Que feriez-vous ou diriez-vous à un ogre s'il vous arrivait d'en croiser un ?
Je lui dirais : " Je suis entièrement toxique" . C'est pour çà que je porte toujours des couleurs vives, comme les insectes ou les champignons qu'il ne faut pas manger.
- Qu'avez-vous conservé de l'enfance ?
L'émerveillement, l'idée que tout est possible. Cette spontanéité me permet d'entrer très vite dans le texte et le monde d'un auteur ou d'un conteur et d'inventer mes images.
- Selon vous, qu'est-ce qui fait vendre un livre ?
Je ne sais pas.
- Quel qualificatif vous colle à la peau ?
Têtue comme une mulote et myope comme un blaireau à lunettes. Cela date des albums parus chez Castor-Flammarion : Biscotte-Mulote et le Blaireau à lunettes.
- Quelle est la meilleure phrase qu'un enfant vous ait dite ?
Ce n'est pas une phrase mais un comportement : J'ai vu un jour un tout-petit saliver en agitant les mains devant un « truc » que j'ai collé dans LE LOUP & LA MESANGE et qui ressemble à un bonbon. Je voyais que même les bébés pouvaient ressentir ce que j'avais mis dans le livre, le doux, le dur, le tendre, le terrifiant ou l'appétissant... Travailler pour les très jeunes enfants me passionne.
- Quelle est votre définition du bonheur ?
Vivre libre.
- Si vous aviez la possibilité de recommencer, que changeriez-vous ?
Professionnellement, j'aurais pu aller plus rapidement vers des éditeurs qui me sont proches, profiter de cette complicité et de cette confiance qui est un tremplin pour fabriquer de « bons livres ».
- Enfant, quel genre de lecteur étiez-vous ?
Je choisissais un livre d'abord pour les images, avec plein d'animaux « qui bougent » : leurs positions, leurs attitudes, leurs comportements me fascinaient... Depuis, restituer la vie en dessinant est une idée fixe.
- Vis-à-vis de quoi vous sentez-vous impuissante ?
La mécanisation, l'industrialisation, la transformation du vivant en objet de profit. Erreur tragique.
- Quel est l'animal auquel vous ressemblez le plus ? Pourquoi ?
L'ours, sans hésitation.
Si proche de l'humain et si éloigné, sa part de sauvagerie, sa force, son agilité et sa maladresse (et aussi sa fourrure) m'intéressent, OURS QUI LIT m'a permis de me régaler : j'ai pu le montrer sous toutes les coutures...
- Quel est le mot que vous préférez dans la langue française ?
LIBERTÉ
- Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de vous ?
Un trait de pinceau montrant un cheval lancé au galop.
Vos livres
- Quelle est votre dernière sortie pour la jeunesse ?
LA FEMME PHOQUE (Didier-Jeunesse), un conte inuit de Catherine Gendrin., TOI chez Memo.
- Le(s) livre(s) dans votre production dont vous êtes particulièrement fière ou qui vous laisse(nt) un souvenir particulier :
LE PALEFROI paru chez Castor-Flammarion, parce que dessiner des chevaux reste mon idée fixe, et que cette histoire de liberté retrouvée me plait.
LE LOUP ET LA MÉSANGE (Didier) pour l'unité graphique des collages réalisés en écorces, carton déchiré, laine, circuits électroniques...
- Quel est le thème que vous aimez davantage traiter ?
J'ai peur de me répéter ! Tout ce qui tourne autour de l'idée de liberté m'intéresse. J'aime aussi les comptines rigolotes, malicieuses et absurdes. Inventer des images sur ces mots-là m'amuse bien.
- D'où est né votre premier livre/ illustration ?
Du désir que j'avais à cinq ans de « dessiner dans les livres », naturellement.
- Quel livre en littérature de jeunesse auriez-vous voulu écrire ou réaliser à la place d'un autre ?
Il y en a plein ! Sûrement MON LION de Mandana Sadat.
- Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Deux contes magnifiques : ROUGE-GORGE de Pierre Delye
et LE TAUREAU BLEU de Coline Promeyrat, chez Didier-Jeunesse.
- Où et comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
En maison de retraite pour illustrateurs obstinés, murs en papier- canson , pinceaux et gouaches à volonté.
Littérature de jeunesse
- Un livre pour la jeunesse qui vous a marqué petit ?
Michka, pour l'ours, le renne et la neige, images fortes de Rojankovsky, et aussi Babar, avec ses éléphants civilisés au quotidien si proche du mien.
Je suis aussitôt devenue ours libre et petit éléphant.
- Quels sont vos auteurs-illustrateurs de référence ou qui pour vous développent une approche intéressante ?
Tomi Ungerer, bien sûr,et puis Pakovska, Rascal, Wolf Erlbruch, Anne Brouillard...
- Quels sont vos livres "coups de cœur", les "incontournables" en littérature de jeunesse ?
Il y en a beaucoup, et j'en découvre sans cesse :
JOJO LA MACHE (O. Douzou)
LA COURSE AU RENARD (G. Alibeu)
LE CHEVAL MAGIQUE, LE PRINCE-TIGRE (Chen)
GRAND OURS (F. Place)
LE BUFFLE ET L'OISEAU (C. Zarcate) .
:VAGUE (A. Herbauts)
LE CORNIVORE (B. Heitz)
PETIT ESCARGOT (C. Voltz)
MYSTÈRE (A. Brouillard)
FEUILLES (K. Komagata)
PETIT BLEU ET PETIT JAUNE (L. Lionni)
DEGOUTANT (J. Dalrymple)
Culture
- Un film, une photo/illustration qui vous touche ?
Ce sera encore un livre :
L'UNIQUE TRAIT DE PINCEAU de Fabienne Verdier . J'y reviens souvent quand j'hésite sur une mise en page, un graphisme, une couleur. Comme je me replonge parfois dans la simplicité de la sculpture Inuit pour y trouver une stylisation des formes humaines ou animales.
- Un musicien :
Puis-je choisir plutôt un spectacle ? la poésie des acteurs du « nouveau cirque », jongleurs, danseurs, les spectacles de rue…Tous ces créateurs inventent un langage du corps fascinant. La Compagnie Royal de Luxe et ses géants m'intéressent beaucoup. Ils rendent aux personnes qui les découvrent leur part d'enfance. Petits et grands, de toutes conditions et origines, se laissent aller à l'émotion... C'est rassurant.
- Un lieu où vous aimeriez vivre :
Ici ou là, au soleil, pieds nus dans l'herbe, une trille de mésange, un zonzon de bourdon visitant les roses trémières…
- Une phrase (une devise) qui vous guide :
« Peu auront su regarder la terre sur laquelle ils vivaient et la tutoyer en baissant les yeux. »
René CHAR.
Actualité
- Vos dernières (bonnes) lectures ?
Michel Onfray. Son approche singulière de la philosophie est pour moi une découverte. Livre après livre, depuis plusieurs années, il me permet de considérer ces grands courants de pensée qui pourraient nous faire envisager la vie autrement.
- Un site (sur les techniques graphiques, un auteur-illustrateur, une approche particulière du texte, de la littérature...) que vous souhaitez recommander ?
Je débute en ordinateur, et je ne sais que répondre. Mais j'aimerais parler encore de spectacle vivant : le théâtre équestre de Zingaro me fascine. J'y trouve le cheval somptueusement mis en scène, exprimé dans sa singulière identité. Une mine d'images, de croquis, de dessins lancés au grand galop… Enchanter le réel, faire vivre ses rêves, accéder à l'imaginaire universel…
J'écoute beaucoup la radio, l'émission « Terre à terre » de Ruth Stégassy le samedi matin est un bonheur d'intelligence, de découvertes écologiques et humaines, l'évocation d'un monde possible, respectueux du vivant.