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Noelia Diaz Iglesias: entre l'album et la bande dessinée

D’Un ouragan dans la barbe à Livres, Noelia Diaz Iglesias surfe entre l’album et la BD, bousculant les codes de l’un et de l’autre et offrant au lecteur l’originalité d’un objet-livre hybride. Elle est prof assistante à l’Académie des Beaux-Arts de Watermael-Boitsfort.

Isabelle Decuyper*
18 avril 2024

Cette interview a initialement été publiée dans la revue belge Lectures.Cultures (n°36, janvier-février-mars 2024). Nous reproduisons ici le texre de l'interview avec l'aimable autorisation de son auteure, Isablle Decuyper et de Lectures.Cultures. Les images proviennent des maisons d'édition Maison CFC, Kilowatt et Alice Jeunesse.


Petite bio
Née à Bruxelles en 1994, je suis belgo-espagnole ayant vécu mon enfance à la périphérie bruxelloise, sur mon vélo entre les champs de patates et les vaches. Dès petite, je savais que je voulais dessiner. Mes parents, ayant vécu toute leur vie à Saint-Gilles, dans un quartier à forte densité espagnole, avaient connaissance de l’école d’art Saint-Luc. C’est ainsi que j’ai suivi des humanités artistiques.

Diplômée d’un bachelier en illustration de l’ESA Saint-Luc (Bruxelles, 2015), je me suis formée à la reliure à l’académie des Beaux-Arts de Saint-Gilles et j’ai terminé mes études par un master en BD (ESA Saint-Luc, 2020).

Parcours
Croisé par hasard à la fête de la BD, Thierry Van Hasselt m’a parlé du nouveau master BD qu’il ouvrait à l’ESA. Avide d’en apprendre plus sur la narration et le dessin, j’ai apprécié de pouvoir faire la passerelle illustration-BD, ce qui permet une narration différente avec un livre hybride.

J’étais allée chez CFC pour une première rencontre à l’occasion d’un mémoire sur la reliure et le livre d’artiste. La maison d’édition CFC était occupée à ouvrir son catalogue pour la partie jeunesse. Je pense être tombée au bon moment avec Un ouragan dans la barbe qui y a été édité en 2021. C’était durant le confinement dû au Covid et je ne m’attendais pas à être appelée. Ce fut le début d’un travail de relecture et d’un gros travail de mise en couleurs, car il était à l’origine en noir et blanc. Le premier confinement a pour moi été un moment d’évasion par la couleur.

Cette BD jeunesse mélange ce que j’ai appris durant mes deux cursus, illustration et BD. Certaines narrations s’y prêtent bien. Ici, elle me permettait d’accentuer le côté hyperactif du personnage principal. Et puis peut-être que j’avais un peu peur de faire des cases.

Pour mon master BD, j’ai choisi de questionner l’entre-deux: la BD et l’album classique.

Construit à hauteur d’enfant, le livre nous propose de suivre le petit Hugo, en visite avec sa mère chez son papy. Le gamin découvre que son grand-père fabrique des livres. Hugo, qui, dès le début du récit, s’exclame «je n’aime pas lire», apprendra tout de même à apprécier les livres grâce à son grand-père, le «magicien-relieur».

J’ai eu la chance de rencontrer à Montreuil Galia Tapiero et Barroux des éditions Kilowatt, juste avant la vague de confinement. J'ai envoyé mon portfolio à Galia Tapiero peu après mon retour. L’année suivante, elle m’a contactée pour illustrer Plein phare sur les balbuzards, avec un texte rédigé par Nancy Guilbert. L’ouvrage est sorti fin 2022. Les publications se sont enchaînées, avec une bonne entente et une même vision éditoriale axée sur l’écologie et une réflexion humaine. J’ai beaucoup de plaisir à travailler avec Galia et les éditions Kilowatt. Partager les mêmes valeurs est essentiel pour s’y sentir bien. Il en est de même pour mon autre éditeur Panthera, jeune maison d’édition née en 2022, fruit d’une collaboration entre deux jeunes éditrices Marianne et Céline. J’y ai illustré un ouvrage de la collection «Sauvageons», écrit par Pauline Payen et intitulé Mauvaises herbes. Il s’agit d’une collection documentaire qui cible les choses qui dérangent dans la nature mais qui sont utiles, voire indispensables. Le défi était de dessiner avec une rigueur scientifique les diverses plantes; un chouette travail!

livres
©Maison CFC Éditions, ©Kilowatt

Comme pour Les mauvaises herbes ou Une journée très calme, il s’agit d’une commande d’illustration, l’éditrice de Kilowatt cherchant un·e illustrateur·trice pour un texte prêt et prévu pour la collection «Histoire d’objets», une collection d’albums pour redécouvrir le monde qui nous entoure à travers un objet familier.

Ayant travaillé sur la reliure, j’aimais le sujet et ai trouvé intéressant de pouvoir illustrer l’ouvrage Livres (2023), qui raconte l’histoire du livre et son évolution au fil des siècles, de la préhistoire à sa dématérialisation numérique.

L’enfant est comme happé par le livre où il rencontre des personnages qui sont des hiboux, figure de la sagesse et du livre. J’avais la volonté de créer des personnages imaginaires anthropomorphes bien situés dans l’espace-temps.

Autre commande, celle d’un court récit abordant le harcèlement scolaire avec six images à créer pour la collection «Kapoches» chez Kilowatt, dont la sortie est prévue en 2024 (Il s'agit de J'ai rétréci la nouvelle, NDR).

Techniques?
Dans le cas de l’illustration d’un texte, je reçois un fichier Word avec le livre découpé en double page, avec parfois une indication de ce qui doit figurer sur la page.

Pour Les mauvaises herbes, j’ai aidé à créer une maquette avec les éditrices; le travail se faisant à trois. Pour l’illustration du roman Une journée très calme, paru chez Alice jeunesse en 2023, c’est l’éditrice qui faisait le passage entre l’auteur Olivier Dupin et l’illustratrice. Trois éditeurs, trois manières de travailler, c’est vraiment ce qui est intéressant dans ce travail. On ne peut jamais s’ennuyer, on est toujours surpris.

Pour Livres, j’ai utilisé un mélange de feutres et de crayons, technique utilisée aussi pour Plein phare sur les balbuzards et Une journée très calme.

Mauvaises herbes a été réalisé au stylo plume et à l’encre avec une mise en couleurs à l’ordinateur.

Alors qu’Un Ouragan dans la barbe est de la plume et la mise en couleur de l’acrylique noir scannée et mise en couleur numériquement.

J’adapte ma technique à ce que j’ai à créer.

livres
©Alice Jeunesse, ©Kilowatt

Influences?
Elles sont nombreuses, avec un mélange de beaucoup de choses. J’assimile et je retransforme. Cela se passe au niveau de l’inconscient. Étant très dessins animés, je lis beaucoup de mangas et d’animés. Ce qui explique le dynamisme du dessin, les traits, la construction éclectique, car j’aime un dessin qui sort des cases, ce qui donne un dynamisme particulier.

Comme autrice, j’aime le travail de Marine Schneider qui se renouvelle à chaque album. Je pense que je suis tombée amoureuse de l’illustration grâce aux histoires de Kitty Crowther qui me transportent toujours. J’aime le travail très libre de Beatrice Alemagna et le mélange naïf et politique de Tove.

En bande dessinée, je suis admirative du travail de couleur du duo Kerascott, du travail intimiste de Camille Jourdy et incroyablement juste d’Anne Simon. Sinon, je pense que suis très influencée par le travail de mes amis du milieu de l’illustration/bande dessinée. Et puis, Sempé et Gabrielle Vincent restent mes éternels refuges.

Des animations?
Oui, je rencontre beaucoup de classes, principalement avec les ouvrages Un ouragan dans la barbe et Mauvaises herbes.

Ces animations peuvent prendre plusieurs formes. Soit je fais la présentation d’un livre suivie d’un atelier en rapport avec celui-ci; soit en tant qu’illustratrice, je réalise un atelier sur une thématique. Pour moi, le principal est que l’animation soit liée à un livre et que cela crée du lien avec les enfants. Les «Panthera» m’envoient souvent dans des librairies et les enfants me disent alors: «On a travaillé avec votre livre à l’école.» Ce qui me réjouit!

Une sortie prévue en 2024?  
Oui, chez Panthera, un ouvrage où je suis autrice et illustratrice: Même pas peur! Une histoire qui me suit depuis la sortie du bachelier et qui prend enfin vie.

L’ouvrage campe deux enfants, dont l’un va dormir chez l’autre qui vit dans un parc en pleine nature. Le garçon invité a super peur. Le père va donc être plus attentionné envers celui-ci et entraîner la jalousie de son propre fils.

La maison d’édition Panthera mérite qu’on s’y arrête. Elle est axée sur l’écologie, vise à être la plus neutre possible en matière d’économie circulaire.


*Attachée principale, Service Littérature de jeunesse, Service général des Lettres et du Livre.

Infos: @syllodiaz/[email protected]

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Noelia Diaz Iglesias

belge,
espagnole