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Noémie Favart ou la minutie du détail

Noémie Favart est une illustratrice bruxelloise. Elle compose des images colorées, expressives et pleines de motifs. Elle vient de publier chez Versant Sud Jeunesse Marcel et Odilon, une histoire d’amitié entre un escargot et une coccinelle.

Vignette Noémie Favart
Isabelle Decuyper*
22 février 2022

Cette interview a initialement été publiée dans la revue belge Lectures.Cultures (n°24, septembre-octobre 2021). Nous reproduisons ici le texte de l'interview avec l'aimable autorisation de son auteure, Isabelle Decuyper, et de Lectures.Cultures.


Qui êtes-vous?
Je suis née à Bruxelles en 1992. J’ai toujours aimé dessiner et après mes secondaires je me suis inscrite en illustration à Saint-Luc à Bruxelles. J’ai adoré ces études et je m’y suis tout de suite sentie dans mon élément. À Saint-Luc, le dessin était abordé de façon décomplexée, on pouvait arriver avec sa personnalité et y développer son propre style. Les études étaient orientées sur la narration et sur l’apprentissage de différentes techniques. On se plongeait avec passion dans le monde du livre et de l’illustration.

Cependant, j’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose qui me permettrait de pousser ma pratique du dessin un peu plus loin dans sa mise en forme. Je voulais explorer plus en profondeur le côté graphique, la mise en page et j’ai donc enchaîné avec trois années à La Cambre, option Communication visuelle et graphique. Là-bas, on apprenait à composer une image pour lui donner de l’impact et penser au sens qu’elle véhicule.

L’un de mes professeurs à la Cambre était Pascal Lemaître. Il nous a appris à lâcher prise sur le dessin, à y mettre de l’énergie et de la personnalité. Je me rappelle qu’il mettait l’accent sur les petits détails adressés au lecteur. Ça m’est resté et j’y pense encore souvent aujourd’hui.

Noémie Favart
©Noémie Favart

Cinq ans, un anniversaire pour Versant Sud Jeunesse
Cette année, Versant Sud Jeunesse fête ses cinq ans. J’ai eu la chance de rencontrer Élisabeth Jongen au moment où elle créait la section jeunesse de sa maison d’édition en compagnie de Fanny Deschamps. Avec deux amies de la Cambre, Camille Van Hoof et Paola De Narvaez, nous avons chacune publié notre premier livre chez Versant Sud Jeunesse au printemps 2016. Le mien s’appelle L’épouvantable histoire de Valentine et ses 118 poux, un livre qui donne envie de se gratter la tête! Avec Camille et Paola, nous étions conviées aux réunions et avons donc pu donner notre avis sur la charte graphique de la maison, le format et le titre de la première collection.

Extrait Valentine
Couverture et page intérieure de «L'épouvantable histoire de Valentine et ses 118 poux» (©Versant Sud)

C’était génial de faire partie des prémices de cette aventure. D’ailleurs, Élisabeth et Fanny nous ont demandé de réaliser le logo de Versant Sud Jeunesse. On peut donc retrouver un peu de nous sur chaque livre édité!

Logo de Versant Sud Jeunesse et couverture Valentine
Le logo de Versant Sud Jeunesse (©Versant Sud)

Comment êtes-vous arrivée à la littérature jeunesse?
Je crois que je suis arrivée dans ce milieu… parce que j’aime les chats! Je réalisais, à l’époque, des affiches pour un orchestre dans lequel jouait Élisabeth Jongen. Au cours de discussions, nous nous sommes rendu compte de notre amour commun pour les félins. Ni une ni deux, je me suis retrouvée à faire du cat-sitting pour elle et lorsqu’elle a décidé de se lancer dans l’édition jeunesse, elle a pensé à moi, tout simplement. (Bon, il semblerait qu’elle aimait surtout mes dessins pour les affiches…).

Parlez-nous de votre dernier ouvrage, Marcel et Odilon
Marcel et Odilon, c’est la rencontre entre un jeune escargot fougueux et une coccinelle un peu bourrue et l’histoire d’amitié qui en découle. Dans l’album, on peut trouver trois histoires mettant chacune en avant les aventures d’un personnage différent.

Le projet a démarré avec la deuxième histoire de l’album, La course d’Odilon. La Fédération Wallonie-Bruxelles m’avait commandé une plaquette pour la Fureur de lire. Quand Fanny a souhaité éditer ce récit en album, j’ai accepté à condition d’y ajouter deux autres histoires pour pouvoir explorer plus en profondeur ce monde d’insectes et développer les relations entre les personnages.

En effet, ce que je trouve le plus gai dans la création, c’est d’inventer un univers dans lequel différents personnages évoluent et interagissent les uns avec les autres. Par exemple, le caractère d’Odilon change dans le récit après sa rencontre avec Marcel. Il y a encore plein d’aspects à exploiter, voilà pourquoi je repars sur un second tome dans lequel vous découvrirez les aventures d’autres personnages du même univers!

Techniques utilisées
Après avoir fait mon découpage, je prépare les brouillons sur l’ordinateur, j’y travaille la composition de mes dessins. C’est un moment très important qui demande beaucoup de concentration et de recul. Ensuite, je fais une impression de cette ébauche et je repasse dessus à l’aide de ma tablette lumineuse en y ajoutant les détails. C’est ma façon à moi de «mettre au propre».

Sur papier, je travaille avec un Artline très fin et noir. Cela me prend souvent beaucoup de temps car j’ai toujours aimé les détails et les motifs. Déjà dans Tibor et le monstre du désordre j’ai pris énormément de plaisir à combler chaque recoin de la page. Cette étape me plaît beaucoup car ce que je préfère dans l’illustration, c’est le foisonnement de détails et l’humour que l’on peut distiller un peu partout. Enfin vient la dernière étape, la mise en couleur. Avec celle-ci, j’essaie d’amener de la fraîcheur à mon illustration. J’utilise de l’écoline, des marqueurs et un peu d’aquarelle. C’est une partie du travail vraiment agréable, plus méditative.

Marcel et Odilon
Couverture et page intérieure de «Marcel et Odilon» (©Versant Sud)

Des influences pour Marcel et Odilon
Petite, j’adorais l’œuvre de Claude Ponti. Ses livres aux univers complètement déjantés et qui fourmillent de détails et d’objets du quotidien m’inspirent beaucoup. On peut passer des heures à regarder chaque petit dessin. J’appréciais également la collection de «La famille Souris», où la couleur crée de belles ambiances lumineuses.

Extraits de Claude Ponti et de La famille Souris
Couverture et extrait de «Blaise, Isée et le Tue-Planète» de Claude Ponti (©L’École des loisirs) et couverture de «La famille Souris et la mare aux libellules» de Kazuo Iwamura (©L’École des loisirs)

En dehors du monde du livre, j’aimais aussi déambuler dans le magasin bruxellois La Courte Échelle, qui était un magasin spécialisé dans l’art de la miniature. Les miniatures, ce sont des petites boîtes qui mettent en scène un espace, souvent sans personnages. On peut y trouver de petits jardins, de petites librairies, de petites cuisines… Au vu de mes héros minuscules (des poux, des coccinelles, des escargots…), on peut se rendre compte que c’est quelque chose qui me fascine toujours autant.

Pour finir, même si mon histoire se passe entre les brins d’herbe, le gazon est éminemment belge. Un œil averti pourra ainsi reconnaître de nombreux quartiers et bâtiments de Bruxelles dans la ville de Coxis où habite Marcel. Et si j’ai bien fait mon travail, il est possible qu’une familière odeur de frites vienne vous chatouiller les narines au détour d’une page.

Des projets?
À côté de l’illustration, je réalise aussi des marionnettes et j’explore les techniques de gravure et de pop-up. J’ai réalisé cette année les marionnettes du prochain spectacle de la compagnie de théâtre jeune public La P’tite Canaille. Le spectacle s’appelle Œil de cobra et est inspiré du roman de Pedro Mañas, Les A.U.T.R.E.S. J’ai beaucoup aimé faire ce travail et voir les marionnettes prendre vie sur scène. En ce moment, je suis en train d’en réaliser pour le jardin Massart de l’ULB. Le thème… les insectes!

Marionnettes Oeil de cobra
Marionnettes réalisées par Noémie Favart pour La P’tite Canaille (©Quentin Noël)

J’anime également des stages d’espionnage, de sorcellerie ou de grimoires magiques pour enfants avec Camille Van Hoof. On y crée des histoires complètement folles et on se plonge avec les enfants dans un univers à chaque fois renouvelé. Avec Manon Coppée, qui a créé La P’tite Canaille, nous montons des projets de théâtre dans des écoles, que ce soit des marionnettes ou des livres pop-up géants.

J’ai encore plusieurs projets en cours: une série avec Vincent Cuvellier, qui se passe dans une cour de récré, éditée chez Gallimard Giboulées, le tome 2 de Marcel et Odilon et un album avec Ludovic Flamant.


Infos
Pour contacter Noémie Favart: [email protected]


*Isabelle Decuyper est attachée principale du Service général des Lettres et du Livre – Littérature de jeunesse, qui relève de l'Administration générale de la Culture du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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