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Rimantas Rolia

Marija Bickauskaite
1 septembre 2010

Rimantas Rolia est né en 1970, le 26 avril en Ignalina (Lituanie). Il a étudié à l‘école supérieure d‘art de Kaunas et a poursuivi des études de graphisme à l'académie d'art de Vilnius. Rimantas Rolia réalise des illustrations pour des livres d'enfants ou pour le design graphique. Il a participé à plusieurs expositions et a reçu des distinctions en Allemagne, France, Portugal, Italie, Japon et aux Etats-Unis.


Entretien réalisé par Marija Bickauskaite, licence professionnelle métiers de l’édition et du commerce du livre de l'IUT Paris Descartes.



- Votre enfance s'est passée en Union Soviétique, où tous les enfants portaient les mêmes uniformes à l'école, la plupart des gens habitaient dans des maisons préfabriquées, tout était pareil et l'état contrôlait strictement les artistes. Est-ce que malgré tout, il y avait des livres intéressants pour des enfants à cette époque ?

Le célèbre écrivain lituanien Sigitas Geda a dit de très belles choses sur les enfants et leur imagination. « Quand un homme n'est pas encore un homme, et qu'il est donc enfant, c'est un miracle vivant. Ecoutons ce que l'imagination des enfants a à nous dire. C'est juste merveilleux. »

Quand les enfants commencent à aller à l'école, leur monde imaginaire s'effondre, parce qu'ils doivent faire face aux choses déjà apprises et expérimentées par les autres. Ils ne peuvent plus utiliser leur imagination comme ils le faisaient avant. Pour moi, il n'y a pas de différence fondamentale quel que soit le régime politique où nous vivons. Nous ne devrions jamais perdre notre imagination.

Je suis né et j'ai grandi dans une très belle région de Lituanie, celle d'Ignalina, autour des lacs, des collines et des forets. La nature était et est toujours une source importante d'inspiration et d'impressions. Cet endroit jusqu'à aujourd'hui me permet de ne pas perdre le lien avec mon enfance. A mon avis, c'est très important pour un adulte, c'est ça qui lui donne sa force vitale.

Quand j'étais petit j'adorais les livres. Aucun jouet n'était mieux qu'un livre. Les livres ont été mes premiers professeurs de dessin. Je me souviens, que j'étais jaloux des illustrateurs quand je n'arrivais pas à dessiner comme eux. Et Dieu sait que les illustrateurs de mon enfance savaient dessiner !

C'est vrai que les livres de cette époque n'étaient pas très colorés, mais les illustrations étaient excellentes. Notamment les livres de poésie pour les enfants- ils bouillonnaient d'imagination. J'ai eu la joie d'illustrer par la suite les livres des poètes Martynas Vainilaitis et Sigitas Geda, qui étaient les écrivains de mon enfance. C'est difficile de définir le sentiment qui apparaît lorsque vous illustrez les poèmes qui vous sont chers depuis l'enfance.




- Vous avez beaucoup de projets, certains pour les enfants, les autres pour les adultes. Quels projets sont les plus importants à vos yeux ?

Quand je dessine pour les enfants, c'est là que j'ai plus de plaisir à faire ce que je fais.

Notamment quand je travaille sur un thème libre, quand je n'ai pas d'idée prédéfinie. Je laisse complètement de côté mon côté professionnel, je chasse mes pensées et je laisse mon crayon aller là où il veut. Alors petit à petit, sur une feuille apparaissent les créatures, dont je ne savais même pas qu'elles existaient avant.

Quand je travaille pour les adultes, il faut plus un esprit rationnel. Alors j'essaye d'assainir l'idée, c'est-à-dire la clarifier, la simplifier, pour que mon travail soit compréhensible tout de suite, parce que les adultes doivent comprendre tout de suite de quoi il est question, ils n'ont pas le temps de se poser trop de questions Enfin, quand je travaille pour les grands ou pour les petits, je n'arrête pas de stimuler mon imagination, voire même mon côté spirituel.




- Aujourd'hui vous êtes un des plus célèbres illustrateurs lituaniens. A votre avis, quelles particularités vous distinguent des autres ?

Je n'aime pas être attaché à un style. Mais j'ai toujours le même objectif. Quand je dessine, j'essaye de dessiner la vie selon les yeux du personnage. Le personnage doit être plus « vaste » que le texte, pour que le lecteur pense que le personnage existait avant d'être dans le livre, qu'il a une vie à part entière, voire même hors du livre.

- Quelle est votre technique préférée et votre processus de création ?

Chaque livre que j'illustre est donc un monde différent où j'habite quelque temps. Du livre sur les fleurs et les chats je sors content avec les mains colorées d'aquarelle. Du livre sur les diables je sors taché de charbon et fâché. J'obéis aux personnages. Je cède à leurs caprices et je les crée comme ils veulent d'être créés. C'est ça qui est très intéressant !




- Qui a influencé votre style ?

A mon avis les critiques d'art peuvent mieux répondre à cette question que l'artiste lui même. Si quelqu'un me disait que mon style s'est déjà formé, je me fâcherais. Mes œuvres sont influencées par beaucoup de facteurs et tout cela se passe lentement sans que j'en sois conscient.

Les autres arts, considérés comme très éloignées de l'illustration ont une grande influence sur ma façon de penser et de créer. Par exemple, l'art abstrait me donne beaucoup de plaisir et de plénitude. C'est un plaisir indescriptible d'être devant une toile, quand les yeux voient le fouillis des touches imperceptibles, mais chaque particule du corps crie que c'est la vérité.




- Comment choisissez-vous les projets sur lesquels vous travaillez ?

Le texte est très important pour moi. Si une histoire n'a pas d'imagination, est plate et ennuyeuse pour les personnages, je ne la choisis pas.

- Comment choisissez-vous l'épisode de l'histoire que vous allez illustrer ?

Je commence toujours par illustrer un livre par la partie du texte la plus compliquée, c'est-à-dire là où les personnages se racontent le plus, s'épanchent.

C'est très important d'arriver à capter dans tout ce fourbi de texte, le personnage dans sa moelle substantielle et de le placer sur une feuille de papier. Après je m'habitue aux personnages, je les connais de mieux en mieux- et je dessine tout le reste.

- Pour les enfants, les illustrations sont souvent plus importantes que le texte. Qu'est-ce que vous essayez de leur dire avec vos dessins ?

Prouver que ce n'est pas qu'un dessin. J'aime voir quand un enfant caresse un dessin de chat sur une page de livre, ou quand il lèche l'illustration rose et brillante d'une crème de framboise.




- Quel type de livre est difficile ou facile à illustrer ?

Ce n'est pas difficile d'illustrer des livres ! Pour tous les livres que j'ai illustrés jusqu'à présent, c'était vraiment intéressant et amusant. Une fois, j'ai illustré un livre de poésie, et l'auteur m'a demandé de ne pas regarder l'histoire tout le temps. Les dessins ont raconté une histoire parallèle, parfois même opposée à celle de l'auteur. Tout le processus était très rythmé comme le jazz !

- Quels sont vos illustrateurs préférés ?

J'admire Quentin Blake et Tony Ross. Stasys Eidrigevicius (illustrateur lituanien) est mon inspirateur depuis mes études.

- Quel est le plus grand avantage pour un illustrateur de livres pour enfants ?

Jouer au travail.

- Quel livre souhaitez-vous illustrer ?

Je voudrais illustrer un livre écrit par quelqu'un qui est toujours un enfant.

Bibliographie

Rimantas Rolia. Nesekminga Dusiko diena. Kaunas: Šviesa, 1997

Alan Brown. Hoot and Holler. Londonas: Random House, 2001

Afrikieciu pasaka. Uzispyres drambliukas. Vilnius: Alma littera, 2004

Ivairus autoriai. The Book of Cat Tales. Londonas: Random House, 2004

Sigitas Geda. Strazdelio dainos. Vilnius: Kronta, 2005

Martynas Vainilaitis. Juoku maišelis. Vilnius: Kronta, 2006

Sigitas Geda. Aukso karietaitu. Vilnius: Kronta, 2006

Martynas Vainilaitis. Mauliukas. Vilnius: Kronta, 2009