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Seuil Jeunesse et Le Sorbier

Des projets automnaux ambitieux et la lutte contre les stéréotypes

Paul Dupouey
2 octobre 2008

Avant la longue coupure de l’été et comme plusieurs éditeurs, Seuil Jeunesse Le Sorbier ont convié en juin les libraires spécialisés à une présentation d’ouvrages à paraître l’automne. Nous avons posé quelques questions à Françoise Mateu, directrice de Seuil Jeunesse et des éditions du Sorbier, ainsi qu’à Caroline Drouault qui travaille plus directement pour ce dernier.

- Peut-on parler de tendances éditoriales au Seuil Jeunesse ?

Françoise Mateu. Nous continuons donc à travailler des albums, des livres animés, parfois des livres-jeux, mais peut-être avec des budgets et des tirages plus importants, de 7 ou 8 000 exemplaires jusqu’à 15 000.

Le Sorbier c’est essentiellement les enfants du monde et l’ouverture aux autres cultures. Le Seuil est parfois plus léger et plus avant-gardiste, plus dans l’expérimentation graphique, la découverte de nouvelles technologies etc. Mais je me demande parfois dans lequel des deux catalogues tel livre va avoir le plus de chances.



- L’automne est une saison vraiment importante ?

FM. On réserve à l’automne quelques projets plus ambitieux parce que c’est un moment où le public est plus attentif, en particulier avec les livres - cadeaux de fin d’année. Ainsi avons-nous cette année quelques projet lourds, notamment un coffret avec Benjamin Lacombe de deux livres de 80 pages avec beaucoup de travail de gravure et de recherche pour l‘auteur. Nous avons aussi un livre entièrement découpé au laser sur les Fables de La Fontaine. Autour de Faubourg 36 (de la même équipe que les choristes) nous allons sortir, avec les images de ce film, un livre présentant tous les intervenants des différents métiers du cinéma. Nous avons également un très grand livre au Sorbier, Le Piano rouge, qui évoque l’histoire vraie d’une pianiste chinoise, qui vit maintenant en France, à l’époque des Gardes Rouges en Chine. Ce sont des livres sur lesquels les libraires hésitent pour d’autres périodes de l’année mais qui les intéressent à l’automne.



- Quid des nouveaux medias ?

FM. Nous ne sommes pas très précurseurs dans ce domaine même si nous avons déjà à notre catalogue deux livres avec des DVD, dont un de Béatrice Alemagnia. Nous nous intéressons plutôt aux nouvelles techniques telles que la découpe au laser. Nous n’avons pas encore de concurrents sur cette technique, en tout cas au même niveau de précision. Nous sommes très à l’affût de nouveaux procédés de fabrication qui vont servir un projet particulier.

Ce sont plutôt les éditeurs scolaires qui se sont lancés dans l’édition électronique. Ils y ont été incités par le ministère. Ainsi que ceux qui ont des personnages qui sont déjà des personnages récurrents de la télévision ou des jeux vidéo. Ils vont utiliser les puces pour les portables des enfants etc. Mais ce n’est pas du tout la politique du Seuil, qui est plus artistique, plus haut de gamme.



- Et sur le plan graphique ?

FM. Nous avons un très jeune illustrateur qui est sorti des Beaux Arts l’an dernier qui nous a fait une magnifique Alice en gravure sur bois. Il y a aussi, par exemple, Séverin Millet, qui ne fait que de l’image sur ordinateur avec un style et une palette très particulière. Nous recourons donc à toutes les techniques, de l’aquarelle aux collages, et peut-être, de plus en plus, aux techniques mixtes, y compris les objets en volumes. Je pense qu’une des caractéristiques de notre époque ce sont les gens qui vont au bout de tout. On nous a proposé des livres brodés ou en tissu.



- Y a-t-il une évolution de la demande ?

FM. Je pense qu’il y a une attente pour des livres graphiquement forts, très bien écrits, avec une proposition sociétale ou qui, au Sorbier dont c’est la spécialité, nous ouvrent aux autres cultures.



- Le Sorbier propose une nouvelle collection « La photo de classe ». Quel est le principe ?

Caroline Drouault. Le Sorbier a toujours été centré sur l’ouverture aux cultures du monde. Pour cette collection, nous sommes partis de la constatation que l’on trouvait peu de livres sur l’école aujourd’hui.

Souvent on représente dans les livres de jeunesse les mêmes stéréotypes de la famille. Cette collection est ancrée dans une classe maternelle de la France d’aujourd’hui dans toute sa diversité sociale et culturelle. Un titre est prévu pour chaque élève. Deux titres vont amorcer la collection. Le premier évoque un garçon qui, le jour où l’on demande aux enfants de venir avec leur livre préféré, vient avec sa grand-mère laquelle peut raconter de nombreux contes. Le second, Maman de nuit, évoque un autre garçon qui se sent un peu rejeté par sa mère qui, travaillant de nuit, ne peut s’occuper autant de lui que celles des autres et n’est pas là quand les autres accompagnent leurs enfants.



- Comment se « lance » une telle collection ?

C.D. Il y a la presse spécialisée. Il y a aussi tout le travail de communication que nous faisons avec les écoles et les bibliothèques. Il y a aussi les salons et, bien sûr, le salon de Montreuil où viennent tous les prescripteurs, les bibliothécaires. C’est un salon important en termes de représentativité. Pour une telle collection, les livres seront surtout achetés par les écoles. Ensuite, parfois, un enfant qui a découvert un livre à l’école peut l’acheter. Le grand public procède surtout par achat « coup de coeur ». Il faut donc qu’il voie les livres.



- Le Sorbier présente de nombreux livres consacrés à des enfants des différents pays (le petit malien etc.). Vous organisez-vous pour éviter de véhiculer les stéréotypes que vous évoquiez tout à l’heure ?

C.D. Nous faisons confiance à nos auteurs. Ce sont des gens qui connaissent bien les pays évoqués, qui y ont beaucoup voyagé, parfois travaillé. Dans certains cas, nous abordons, par exemple, les programmes publics de développement.


L’impact de la loi Lang

Même si les mammouths de la grande distribution et leurs amis, tous sans doute modestes lecteurs, ont du mal à le comprendre, toute mise en cause des dispositions actuelles sur le prix unique serait certainement une catastrophe. Pour Françoise Mateu, aucun doute, « la loi Lang a sauvé l’édition française et surtout l’édition de jeunesse». Elle indique ainsi que le prix moyen des albums de jeunesse est de 7 euros. Ce prix ne concerne que les albums édités pour la grande surface, tandis que dans une maison comme le Seuil Jeunesse, ils sont plutôt vers 12 euros, voire 18. En l’absence de cette loi, l’hypermarché parviendrait à casser les prix sur ces ouvrages. Ceci tuerait la petite librairie indépendante dans les petites villes comme cela s’est passé pour le disque pour lequel il n’y existe plus de disquaire indépendant. A la fin, et surtout avec la concurrence des jeux électroniques, il y aurait donc moins de livres achetés dans les familles. Un recul culturel.

Un autre point important auquel Françoise Mateu est attentive est le développement de la formation des bibliothécaires en matière de livres jeunesse.