Un échange franco-allemand de colis et d'auteurs jeunesse
Jean-Claude Mourlevat et Jörg Mühle jouent les ambassadeurs de leur ville et redynamisent le jumelage entre Lyon et Francfort-sur-le-Main.
Faire la visite d’une ville en compagnie de quelqu’un qui y habite est bien plus captivant qu’avec un ordinaire guide touristique. Pourquoi ne pas faire profiter de jeunes Francfortois du savoir de Jean-Claude Mourlevat, un auteur français aux affinités allemandes (voir également l’article : À 16 ans, je suis tombé amoureux de Sophie Scholl) sur sa ville Lyon, jumelée avec la leur ? Et en contrepartie, pourquoi ne pas demander à l’illustrateur allemand (mais parlant parfaitement français) Jörg Mühle, de dépeindre sa ville, Francfort, à de jeunes Lyonnais ? Voilà comment un projet « d’échange de colis et d’auteurs jeunesse », imaginé par l’Institut français de Francfort, a vu le jour et se déroule actuellement entre les villes jumelées. Dans le cadre de cette action, les deux auteurs jeunesse ont accepté de jouer les ambassadeurs non pas seulement de leurs livres, mais aussi de leur ville.
Un concept d’échange simple et flexible, pour s’adapter aux écoles et aux enseignants.
De chaque côté de la frontière, deux établissements scolaires sont concernés : la Liebigschule et la Ziehenschule à Francfort, l’Ecole élémentaire Irène Joliot Curie et la Cité Scolaire Internationale à Lyon. L’âge des élèves correspond au public-cible des œuvres des auteurs-ambassadeurs de la ville partenaire : entre 7 et 10 ans pour Jörg Mühle, entre 14 et 16 ans pour Jean-Claude Mourlevat. Le concept de l’échange est simple et flexible afin de s’adapter aux aléas du calendrier scolaire et surtout aux envies des enseignants, dont l’implication est indispensable à la réussite du projet. Celui-ci, étendu de janvier à juin 2017, fait partie de « Francfort en français », la saison culturelle francophone lancée dans la foulée de l’invitation d’honneur de la France à la Foire du Livre de Francfort (la plus grande du monde !) en octobre 2017. L’échange épistolaire consiste en l’envoi de deux colis postaux des auteurs aux élèves, un premier axé sur leur ville, un second axé sur leur œuvre. Les élèves ont eux aussi fait parvenir un paquet à l’écrivain avant de préparer sa venue dans la classe.
À Francfort, l’Institut français (également appelé Institut franco-allemand IFRA) a initié l’échange et trouvé dans l’Institut Goethe de Lyon un partenaire enthousiaste et engagé. Les deux instituts coordonnent les tâches sur place, comme l’accompagnement pédagogique des écoles pendant l’échange de colis et l’accueil des auteurs lors de leur passage, en mai 2017 pour Jörg Mühle à Lyon et juin 2017 pour Jean-Claude Mourlevat à Francfort.
En janvier, les quatre classes concernées ont donc reçu un premier colis postal en provenance de la ville jumelée, consacré à la métropole vue par l’écrivain. On a ainsi droit à une vision très personnelle des deux cités partenaires. Le végétarien Jean-Claude Mourlevat ne fait pas l’éloge des cochonnailles lyonnaises mais vante les promenades en vélo sur les bords du Rhône, les fresques murales et l’Institut Lumière. Dans sa lettre, il raconte la victoire de l’Olympique de Lyon sur le Paris-Saint-Germain… en précisant entre parenthèses que « ceci relève de la fiction ». Jörg Mühle ne parle pas seulement du poète Goethe ou de l’insolent Struwwelpeter (Crasse-Tignasse), mais également de l’ancien directeur de zoo de Francfort Bernhard Grzimek qui était également une star de la télévision allemande. Sa lettre est ponctuée de dessins et comme celle de Jean-Claude Mourlevat, pleine d’humour. L’avantage d’avoir pu convaincre des écrivains de participer à un projet épistolaire, c’est qu’on ne prend pas beaucoup de risques : on peut être sûr que les lettres seront bien écrites.
Janv. 2017 : le 1er paquet de Francfort arrive à Lyon.
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Jouer au Memory de Francfort à Lyon.
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Plein de petits objets donnent au déballage des colis un air de fête.
Dans les premiers colis de janvier se trouvaient bien plus que la missive de l’auteur : des « goodies » donnés par la ville comme des magnets et autre porte-clés, des spécialités culinaires comme une saucisse de Francfort accompagnée de sa moutarde et de son petit pain (le tout en pâte d’amandes) ou les fameux coussins de Lyon dont la couleur bleue a fortement impressionné les élèves francfortois. Egalement apprécié par les adolescents : une clé USB avec des clips sur la célèbre Fête des lumières, l’important festival Lyon BD ou un groupe de rap lyonnais en vogue. Dans le paquet pour Lyon, on trouvait un livre-jeu de l’aéroport de Francfort, un cahier d’activités du célèbre musée Städel illustré par Jörg Mühle (cela tombe bien), un jeu de Memory avec les attractions touristiques ou une carte qui répertorie tous les gratte-ciels de la ville. Dans celui pour Francfort : des luminaires de l’Olympique de Lyon, un quizz sur la ville, des brochures et cartes touristiques. Bref, toute une série d’objets qui donnent au déballage dans les classes un petit côté de fête.
Les élèves se sont donné énormément de mal pour le paquet retour qu’ils ont envoyé à l’auteur. Jörg Mühle a reçu une sorte de guide de présentation de Lyon et des posters, entièrement réalisés par les élèves. À son tour, il a eu le privilège de goûter des coussins lyonnais en chocolat. Jean-Claude Mourlevat a eu droit à des lettres où on lui expliquait les avantages du fromage (« musical », parce que à déguster avec des oignons !) de Francfort ou les hauts lieux culturels de la ville, du théâtre à l’opéra en passant par le jardin botanique. En guise de pralines, des Bethmänchen, une spécialité de Francfort (mais inventée par un pâtissier français) en pâte d’amandes faisaient partie du colis. Tout comme une clé USB où les élèves avaient enregistré un film pour présenter les lieux de la ville qu’ils préfèrent comme le parc Nidda et la Zeil, la principale rue commerçante piétonnière.
Le second colis contient des livres et objets personnels de l’auteur.
Un deuxième paquet a été confectionné par les auteurs qui pouvaient cette fois parler d’eux et de leur œuvre. Des livres (dans les deux langues) offerts par des éditeurs ou achetés par l’Institut français, en faisaient partie. Il y avait également des objets personnels comme les bonbons favoris de Jörg Mühle (qu’il a l’habitude de consommer en travaillant) ou son crayon préféré. Jean-Claude Mourlevat a joint une page d’un manuscrit (franchement illisible) et un ticket d’une pièce de théâtre qu’il a vue récemment à Lyon.
L’échange épistolaire a un côté un peu ringard à une époque où tout le monde correspond par mail ou WhatsApp, mais c’est sans doute cela qui fait aussi son charme. Quel suspense tant qu’un paquet n’est pas arrivé à bon port ! Ce qui n’empêche pas la communication via les réseaux sociaux : « Quel plaisir de voir Jörg Mühle avec, dans les mains, la réalisation de nos élèves sur le facebook de l’Institut français ! Et quelle fierté pour la classe!», s’exclame Isabelle Reynal, institutrice à l’école Joliot Curie de Lyon.
Le jumelage entre les villes se voit donner un coup de jeune car il prend un aspect très concret. Evidemment, le fait que les élèves apprennent la langue de l’autre ville à l’école aide, tout comme le fait que les deux auteurs manient parfaitement celle de leurs correspondants. Les points communs entre les deux villes – qui ont par exemple un gratte-ciel baptisé crayon –, et donc les rapprochements, se font très vite. Et le fait de devoir servir de guide permet aux élèves des deux côtés du Rhin de prendre conscience de ce qu’ils apprécient dans leur ville.
Les villes profitent également de ces échanges.
À noter que dans les deux cas, la ville profite de la venue de l’auteur au-delà des deux classes concernées par le projet : à Lyon, Jörg Mühle ne visite pas seulement les écoles mais anime un atelier au Goethe Institut tandis qu’à Francfort, Jean-Claude Mourlevat profitera de son passage pour présenter en compagnie d’Anne-Laure Bondoux – lors d’une soirée franco-allemande à la bibliothèque municipale le 13 juin – le roman qu’ils ont écrit ensemble, Et je danse, aussi. Un livre qui tombe bien, puisqu’il relate un échange épistolaire… qui débute par l’arrivée d’un colis postal chez un écrivain.
5.06.2017
Institut français Francfort