Adrienne Barman: «La nature est très importante pour moi. On vit en symbiose avec elle et on devrait avoir du respect envers elle.»
5 ans après la publication de Drôle d’encyclopédie, Adrienne Barman revient avec Drôle d’encyclopédie végétale, un catalogue de plus de 750 espèces végétales. Paru aux éditions de La Joie de Lire en mars 2018, ce livre inaugure parfaitement le printemps qui vient de commencer! Entretien.
Gaëlle Farre: Parlez-nous un peu de vous et de l’écrit.
Adrienne Barman: Je suis née dans un petit village du Tessin en Suisse. J’aimais bien lire, surtout les livres de Roald Dahl illustrés par Quentin Blake; j’adorais cet univers loufoque et surprenant qui sortait de l’ordinaire. Plus âgée, j’aimais me plonger dans les livres d’Isabel Allende et Jane Austen, elles nourrissaient mon imagination…
Après une formation de graphiste, je suis partie m’installer à Genève. J’ai travaillé plusieurs années dans un collectif de graphistes durant la journée et dans un quotidien indépendant, Le Courrier, le soir en tant que polygraphe. Un jour, j’ai tout quitté et j’ai installé mon bureau à la maison. Pendant toutes ces années, l’illustration m’a toujours suivie et elle a petit à petit pris de plus en plus de place dans ma vie. Le monde du livre était quelque chose qui me faisait envie et le jour où j’ai eu mon premier livre entre les mains, cela a été une vraie satisfaction.
Et maintenant, dites-nous-en un peu plus sur l’image!
J’ai toujours aimé dessiner, comme beaucoup d’enfants. Quand je dessine, je me sens bien, je peux me mettre dans ma bulle et me laisser porter par mon imagination.
Étant graphiste, illustratrice et auteure, je ne m’ennuie jamais. Je peux travailler sur une mise en page, chercher des idées pour un dessin de presse, finaliser une affiche et plancher sur des pages de bandes dessinées, tout cela sur une seule journée.
J’ai la chance de pouvoir travailler avec différentes maisons d’édition intéressantes. Je collabore principalement avec La Joie de Lire qui me laisse beaucoup de liberté dans les projets personnels que je leur propose. J’aime bien mener un projet du début à la fin même si c’est aussi très enrichissant et instructif de travailler avec d’autres auteurs sur un même projet.
Parlez-nous de Drôle d’encyclopédie végétale !
Lorsque mon éditrice, Francine Bouchet, m’a proposé de faire une deuxième encyclopédie, j’ai tout de suite pensé aux plantes, cela me paraissait une suite logique après les animaux.
Ce projet à été, à nouveau, un long chantier de 3 ans pour pouvoir réunir plus de 750 espèces végétales sur 200 pages. N’étant pas botaniste, la recherche des plantes et des familles m’a demandé beaucoup de temps – à noter qu’avant la publication, le tout a été vérifié par un ethnobotaniste. Je me suis entourée de beaucoup de guides sur les plantes et de livres illustrés. J’ai regardé des documentaires sur la nature, je me suis promenée en forêt, j’ai fait des recherches sur internet, etc. En fait, je prenais en photo et notais tout ce qui touchait à ce sujet. Même ma famille m’envoyait des noms de plantes avec la question: «Tu l’as mise celle-ci?».
J’ai besoin d’avoir toutes ces informations et des visuels sous les yeux pour pouvoir nourrir mon imagination. Cela prend toujours un peu de temps dans ma tête mais après j’ai une idée assez claire de ce que je vais mettre sur le papier. Ensuite, je me suis demandé comment j’allais faire pour divertir le lecteur avec des végétaux. Les plantes n’ont pas d’yeux. Ainsi, cela m’a paru une évidence d’inviter les animaux au fil des pages. Pour chaque famille, j’ai dû trouver une ambiance différente. J’ai eu aussi envie de faire un clin d’œil à Drôle d’encyclopédie en reprenant le même graphisme (par ex. pour les montagnards) ou les mêmes animaux (par ex. pour les tachetés).
De votre rapport à la nature et au monde animal... Que représente la nature pour vous?
À défaut d’avoir la main verte, je dessine la nature, les animaux et tout ce qui touche à cet univers. Ayant grandi dans un petit village, j’ai des souvenirs de cette époque dans la nature, l’odeur de l’herbe sur mes pantalons, les marches en montagne en famille, les grimpes des arbres fruitiers avec ma sœur, la cueillette des noisettes pas vraiment mûres… la nature est très importante pour moi. On vit en symbiose avec elle et on devrait avoir du respect envers elle. Du coup, inconsciemment, la nature et les animaux se retrouvent souvent dans mes dessins.
Et quel est votre rapport au monde animal?
Depuis toute petite, les animaux me fascinent par leurs formes et leurs comportements. Je les trouve incroyables sans pouvoir expliquer vraiment pourquoi. À la maison, on a eu des canaris, un lapin nain, un chat et un chien. J’ai aussi le souvenir de rencontres inattendues avec un sanglier, un blaireau, des chamois… c’est juste fabuleux de pouvoir les voir dans leur environnement. Aujourd’hui, j’ai à nouveau un chat, un gros chat gris avec son caractère bien à elle. Chez moi, j’ai une collection d’images d’animaux dessinés par différents artistes. Toutes les représentations qui sortent de l’ordinaire me touchent. J’ai besoin d’avoir ces dessins sous la main pour pouvoir m’en inspirer dans mes illustrations.
Des conseils de lecture à nous donner? Pouvez-vous livrer 2 à 3 lectures qui vous ont marquée récemment et que vous nous conseilleriez?
Dernièrement, l’illustratrice Anne Crausaz m’a conseillé de lire Sauveur & fils de Marie-Aude Murail (L’école des loisirs). Je serais passée à côté car la couverture ne me semble pas réussie mais on plonge dedans avec beaucoup de plaisir dès les premières pages. On suit d’un côté l’histoire d’un psychiatre, Sauveur, et de ses patients et de l’autre le rapport entre Sauveur et son fils Lazare. L’auteure parle de sujets graves avec beaucoup de finesse, de tendresse et d’humour.
Sinon, je suis une inconditionnelle du travail de Nicolas Presl. Je dévore toujours avec beaucoup de curiosité ses bandes dessinées muettes. Il a un trait qui est tellement particulier et qui sort de l’ordinaire que je ne pouvais qu’aimer.