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Date

Choisir un manuscrit

Thomas BESANCENOT
1 janvier 1990



PARCOURS PROFESSIONNELS POUR LA LECTURE DE JEUNESSE



Rencontre

Mardi 11 janvier 2005

14h45-15h45





Animateur : Bertrand LEGENDRE, responsable du DESS d'édition de Villetaneuse



Intervenants :
- Catherine Bon : elle est responsable du département littérature chez Gallimard, qui comprend des collections de fiction destinées à un public de 7 à 18 ans (Folio Cadet, Folio Junior, Hors-Piste, Scripto…). Elle est aussi auteur. Elle a écrit des petits livres documentaires dans la collection Benjamin.

- Françoise Mateu : elle s'occupe des mini collections (de 8 ans à l'adolescence) des Editions Syros, avec une prédilection pour la collection Les uns et les autres. Elle s'occupe aussi des collections Souris Noire et Rat Noir avec deux directeurs de collections.

- Elisabeth Sebaoun : elle s'occupe des fictions chez Bayard (Chair de Poule, 100 % magique) et des hors collections imaginaires (science-fiction et fantastique).



Bertrand Legendre lança le débat en entrant tout de suite dans le vif du sujet. Choisir un manuscrit touche au cœur du métier et que c'est frappant de voir la part de subjectivité, c'est-à-dire les propres goûts de l'éditeur, intervenir souvent dans les critères de choix.

Les choix sont également confrontés à l'identité propre des maisons d'édition et de leurs collections.






Isabelle Sebaoun fut la première à prendre la parole : il faut mettre la part de subjectivité de côté pour choisir un manuscrit, faire un tri entre les auteurs connus ou non, les manuscrits spontanés, les " déchets ". Chaque manuscrit est une aventure à part : l'auteur essaye de faire passer quelque chose.

Il n'y a pas de règle définie pour choisir un manuscrit. Un texte peut être bien écrit, mais sans rien dedans, ou l'inverse. Ensuite, il faut voir s'il y a une place dans le catalogue.



Françoise Mateu prit ensuite la parole. Elle revendiqua plus de subjectivité. Il faut penser d'abord à un public, un lectorat. Il faut être touché par le livre.

Elle reconnut qu'il n'y a pas le même éclairage si c'est un auteur " maison ", car il a déjà été publié par la maison d'édition, donc c'est une valeur sûre.

Un texte sans fond, ni tension et problématique ne fonctionnerait pas. Aucun éditeur ne choisira un livre bien écrit, mais sans fond.






Catherine Bon rejoignit l'idée de Françoise Mateu, à savoir qu'il faut avoir une part de subjectivité quand on choisit un manuscrit. Le métier d'éditeur est intuitif, il faut se fier à ses goûts personnels.

Elle expliqua ensuite les différentes strates pour le tri des nombreux manuscrits reçus par la poste. Ainsi, il faut déjà une intrigue qui se tienne et un fond. Puis, tout dépendra du goût de l'éditeur et aussi si le livre a une place dans le catalogue.

Chaque manuscrit qui arrive est lu au moins une fois. Ensuite, il peut être lu par plusieurs lecteurs avant d'arriver au comité de lecture (composé de lecteurs extérieurs), si la maison d'édition en possède un. Catherine Bon précisa que Gallimard jeunesse avait un comité de lecture.



Françoise Mateu poursuivit sur le sujet de la présélection des manuscrits. Elle nous prévint de ne jamais dire qu'un manuscrit n'est pas bon. Il est compliqué de publier un livre dans une collection de genre différent. Le plus gros du travail d'un éditeur consiste à écarter de nombreux manuscrits.

Elle précisa également que les Editions Syros n'ont pas de comité de lecture.



Isabelle Sebaoun spécifia à son tour que Bayard n'avait pas de comité de lecture.

Puis, elle continua le débat en disant que choisir un manuscrit n'est pas anodin. Il y a une façon primordiale de lire un manuscrit. Il est important que le lecteur soit éditeur.

L'on peut publier un livre même s'il ne correspond pas au catalogue, si le manuscrit est très bon et susceptible de plaire au plus grand nombre. De toute façon, pour elle, un manuscrit est souvent perfectible.



Est-ce que les maisons d'édition passent des commandes à des auteurs ?

Isabelle Sebaoun répondit par la négative pour Bayard mais lorsqu'elle travaillait pour Nathan, elle ne s'occupait que des livres de commandes.

Catherine Bon dit que son département ne faisait pas de commande : les commandes sont rares dans le domaine de la fiction, mais plus courantes dans les séries et les documentaires Passer des commandes est difficile, car les auteurs ne sont pas habitués et ont du mal.

Les Editions Syros ne font pas de commande non plus.



Les maisons d'édition embauchent-t-elles des stagiaires pour lire des manuscrits ?

Toutes les trois répondirent par l'affirmative.

Isabelle Sebaoun précisa qu'on leur demande leurs avis sur des manuscrits, mais qu'ils ne sont pas décisionnaires.






Combien d'exemplaires doivent être vendus pour qu'un livre devienne un best-seller dans leur maison d'édition ?

Elles furent toutes trois un peu gênées par la question et répondirent assez évasivement.
A partir de 5000 exemplaires vendus, on peut considérer le livre comme une bonne vente, selon Françoise Mateu.

Pour qu'un livre soit une bonne vente chez Folio Junior, il devait se vendre à 10000 exemplaires, et chez Scripto, entre 6000 et 8000.

Un livre jeunesse a généralement une plus longue durée de vie qu'un roman de littérature générale. On parle de long-seller plutôt que best-seller.



Enfin, une dernière question conclut le débat : les maisons d'édition font-elle de la censure ?

Les trois éditrices répondirent unanimement que la censure était différente selon le genre du livre. Par exemple, si c'est une autobiographie, il y a peu de censure.