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Entretien avec Camille Baladi

Ingénieur papier

4 mars 2009


Camille est ingénieur papier et réalise aujourd'hui la conception de livres à systèmes pour différents éditeurs (Le Seuil Jeunesse, Hatier, Hachette, Milan, etc). Maquettiste depuis plusieurs années, d'abord en agence de communication puis en presse à Paris, elle travaille désormais au service de l'édition, notamment jeunesse après s'être initiée aux pop up en Belgique. Passionnée par les papiers, les mouvements, elle conçoit tous types de systèmes, de la simple tirette aux pliages les plus élaborés.

Comment définir votre métier ?

Ingénieur papier (ou expert en pliages, c'est moins pompeux et plus drôle !) est un métier technique qui demande une bonne connaissance en mécanique, en géométrie dans l'espace, le tout saupoudré d'une dose d'imagination et de créativité. Ensuite, comme tous les métiers de l'édition, une bonne connaissance de la chaîne graphique est recommandée. La fabrication d'un livre est l'affaire de tous et il ne faut pas oublier qu'après l'élaboration reste une grande étape : l'impression. Le rôle d'un ingénieur papier ne s'arrête pas à la conception d'un volume, il est aussi responsable de ce qu'il transmet à l'imprimeur ou au chef de fabrication s'il travaille avec une maison d'édition.



Comment êtes-vous devenue ingénieur papier ?

J'étais maquettiste depuis plusieurs années, d'abord en agence de communication puis en presse à Paris. En m'installant à Toulouse il y a 6 ans, je me suis mise au service de l'édition, notamment jeunesse. J'ai très vite mis en pages les ouvrages plutôt techniques, comme les livres à matières pour les petits ou les livres demandant une bonne compétence technique (livres comportant des calques ou avec des découpes...).

Christophe Tranchant des éditions Milan s'occupait à l'époque du Pôle 1er âge. Il souhaitait démarrer une collection de comptines à toucher, contenant un pop up final. Il m'a donc confié la mise en page de ce livre. La collection a perduré et s'est développée, on fait toujours équipe ensemble. En parallèle, j'ai rencontré d'autres éditeurs et proposé mes services sur des livres nécessitant un bon savoir faire technique. Aujourd'hui, mon nom est connu des services de fabrication des éditeurs. Lorsqu'ils ont un ouvrage complexe avec des systèmes, il me contacte en amont du projet.




Vous souvenez-vous de votre premier contact avec un pop up ?

J'avais 5 ou 6 ans, c'était « La maison hantée » illustré par Jan Pienkowski

Décrivez-nous les étapes de conception d'un livre pop up ?

On commence souvent par une réunion rassemblant le responsable éditorial, l'auteur, le chef de fabrication et moi. On liste les souhaits des animations pour chaque double-page. J'essaye d'affiner les envies de chacun, au besoin en montrant des exemples de systèmes existants. Le chef de fabrication va orienter les choix de grammage du papier, le format... Une fois que l'éditeur et l'auteur ont arrêté leur choix sur le déroulé des systèmes, je réalise une première maquette en blanc, ou prototype, à taille réelle. Si le prototype est satisfaisant aux yeux de l'éditeur, on le transmet à la fabrication qui va s'en servir pour obtenir un devis précis auprès de son partenaire imprimeur, puis on le donne à l'illustrateur qui va pouvoir commencer son travail. Une fois que tous les dessins sont terminés, je les récupère sous forme numérique. Je mets en pages l'ensemble de l'ouvrage ainsi que les systèmes, et fabrique un dernier prototype. Les éléments prêts à imprimer sont ensuite transmis à l'imprimeur. Je lui donne non seulement les pages à imprimer comme un livre classique mais aussi tous les éléments qui composent tous les systèmes, ainsi que toutes les indications pour l'assemblage et le collage. Mon travail s'arrête ici et c'est seulement plusieurs mois après que je retrouve le livre, en librairie !




Quelles sont les qualités d'un livre animé réussi ? Arrive-t-il que des prouesses techniques occultent et desservent le projet ?

Un bon livre pop up est d'abord un livre bien fabriqué. Il faut qu'il soit solide, qu'il résiste aux manipulations les plus folles et ce, pendant des années ! À la lecture, il faut que les animations appuient le texte sans l'étouffer. En tant qu'ingénieur papier, je suis souvent emportée par mon élan et j'aurais envie de mettre des effets à chaque page, sous chaque rabat, mais...

Les livres de R. Sabuda sont connus pour leur abondance d'effets, et peut être que cela finit par nuire aux textes qu'ils servent, mais je dois dire que la performance technique m'épate à chaque fois et j'attends les nouvelles parutions avec impatience. Mais, qui peut le plus peut le moins : Les poneys de Babette Cole (éditée au Seuil en 1995) reste un must et en plus c'est drôle !

Combien de temps faut-il pour concevoir un livre animé ?

Le temps de conception varie selon sa complexité. Je travaille actuellement sur un projet qui a commencé en janvier 2008 et nous en sommes à la moitié de 6 double-pages spectaculaires ! La plupart du temps, la conception d'un système prend entre 1/2 journée pour un système très simple à plusieurs semaines pour un pop up très élaboré.




Assurez-vous la partie prépresse (photogravure) vous-même?

Non.

Où sont fabriqués les pop-up ?

Fabriquer un livre à systèmes dans des volumes importants demande des machines, un savoir-faire, une dextérité et aussi une rapidité d'exécution manuelle que nous n'avons pas. Aujourd'hui, c'est en Asie que la quasi-totalité des livres à systèmes est imprimée et assemblée. Cela ne sera peut-être pas toujours le cas et l'on verra peut-être très prochainement des livres à systèmes imprimés en Europe.

Mais un projet ne nécessitant pas trop de points de collage et imprimé en petite série peut tout à fait se faire en France. 




Y a-t-il des travaux que vous aimez particulièrement?

Je suis fan des livres réalisés par David Pelham et Kees Moerbeek. Ces deux ingénieurs papiers sont toujours au service du texte ou de l'idée à mettre en relief. C'est fait sans esbroufe, mais c'est bien fait. 

Avez-vous un pop-up préféré parmi vos productions?

Mon pop up préféré est toujours celui sur lequel je travaille !


Propos recueillis par Natalia Dobiecka

Découvrez le site de Camille Baladi

http://www.camillebaladi.com/

Photos © a.roi