Fabienne Morel
Depuis le mois d'octobre 2007, les conteurs Fabienne Morel et Gilles Bizouerne vous invitent à découvrir plusieurs versions d'un même conte merveilleux et d'en apprécier les multiples facettes à travers le monde. Les trois premiers titres de cette collection appelée « Le tour du monde d'un conte » et parue aux éditions Syros vous feront découvrir d'autres visages de Cendrillon, de Blanche-Neige ou encore du Petit Poucet.
Avec cette nouvelle collection, Fabienne Morel et Gilles Bizouerne entendent sensibiliser les lecteurs au fait qu'il existe plusieurs versions d'un même conte à travers le monde. Trois premiers recueils sortis en octobre, « Les histoires de Blanche-Neige racontées dans le monde », « Les histoires de Cendrillon racontées dans le monde » ou encore « Les histoires du Petit Poucet racontées dans le monde », illustrés par Charlotte Gastaut, Peggy Nille ou encore Emilie Harel vous feront traverser les frontières et nous donnent d'apprécier des variations d'une richesse éblouissante.
Prenez par exemple une version grecque de Blanche-Neige, vous verrez que la belle-mère y est remplacée par deux sœurs aînées et que les nains sont ici des ogres. Si à travers les pays, les motifs de ces contes varient, cela ne modifie par pour autant la signification de l'histoire ni sa fonction symbolique. Les auteurs ont basé leur démarche sur la notion de conte-types, classification internationale apparue au début XXème siècle et qui classe par grande famille les versions de contes qui se ressemblent.
Pour ébaucher leur travail, ils sont donc allés chercher dans les bibliothèques, auprès des conteurs et dans les recueils de folkloristes de plusieurs pays les versions d'un même conte. Leurs recherches ont abouti à trois premiers recueils qui présentent chacun entre 5 et 6 versions par conte en plus de celles que nous connaissons grâce aux frères Grimm ou à Charles Perrault.
Marraine du projet, Nicole Belmont, directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, membre du laboratoire d'anthropologie sociale est l'auteur des postfaces de ces ouvrages. Dans ces dossiers documentaires, elle apporte d'intéressants compléments sur l'origine, les motifs du conte, les variations du schéma narratif tout comme la structure de ces contes, sans oublier de mentionner ses sources bibliographiques. Ajoutons que les sources de chaque version présentée sont aussi précisées à la fin de chaque conte. Et l'ensemble des sources consultées est référencé sur le site.
Bonne nouvelle, deux nouveaux titres viendront enrichir cette collection en octobre prochain : l'un sur le Petit Chaperon Rouge, l'autre sur la Belle et la Bête. Avec cette collection, Fabienne Morel et Gilles Bizouerne nous donnent d'apprécier toute la richesse du patrimoine oral et font ressortir les archétypes communs qui existent dans ce réservoir par-delà les cultures.
Questions à Fabienne Morel et Gilles Bizouerne
- Comment s'est effectué le choix de ces différentes versions ? Avez-vous volontairement choisi des récits où les écarts de narration et de sens sont éloignés ?
Le but de la collection « Le tour du monde d'un conte » est de sensibiliser le public au fait qu'il existe plusieurs versions d'un même conte. Nous avons donc cherché à valoriser des histoires fort différentes, mais dont on reconnaissait la trame. Nous avons porté notre attention sur les différences pour ne pas risquer de lasser le lecteur. Nous avons veillé aussi à ce qu'il y ait des représentations de pays et de cultures assez éloignés les uns des autres. Car l'idée maîtresse de la collection est bien de montrer que ces contes se racontent un peu partout. Pour chaque recueil, nous avons amassé entre 30 et 60 versions par conte-type et nous nous sommes effectivement attachés à mettre en valeur des versions moins connues. A la fin de chacun des ouvrages, nous présentons les versions des frères Grimm ou de Charles Perrault qui ne sont pas les textes d'origine comme certains pourraient le croire, mais certainement les plus connus.
- Avez-vous un exemple d'écarts narratifs ou de sens particulièrement évocateurs ? La fin d'un conte peut-elle par exemple être totalement changée ?
Habituellement c'est assez rare. J'ai cependant un exemple. Dans la version de Cendrillon qui vient des Indiens Zuñi, nous avons là une fin particulièrement différente de l'ensemble des versions qu'on a trouvées. Dans cette version, le conte se termine mal et sans mariage avec le prince.
- Toutes les versions sont-elles réécrites par vos soins ? Avez-vous choisi une écriture oralisée de ces textes ?
Nous avons choisi de toutes les réécrire, excepté les versions des frères Grimm ou de Charles Perrault. Nous avons essayé de les raconter comme si on les racontait devant un public, sans oublier que ces textes seraient avant tout lus. Nous avons voulu que la source et la trame de l'histoire soient respectées, tout en se donnant néanmoins une liberté de ton et de langage. Cet équilibre entre le respect de la source et la liberté de ton du conteur est à réinventer pour chacune des sources qui peuvent être très proches de l'oral, mais parfois aussi très littéraires.
- Pour mener ce travail, vous êtes partis de la notion de conte-type… Pouvez-vous nous l'expliquer ?
Il s'agit d'une classification internationale où sont regroupées sous un même numéro des versions de contes qui se ressemblent., Nous avons donc commencé par recueillir une grande quantité de versions pour chacun des conte-types choisis. Nicole Belmont, la marraine de ce projet et grande spécialiste des contes traditionnels nous a permis d'éviter des erreurs en terme de classification et a aussi joué un grand rôle dans le repérage de versions inédites.
- Que ressort-il de ce tour du monde des contes ? Chaque conte fait-il apparaître des traits ou des caractéristiques du folklore et/ou des cultures de chaque pays ?
Effectivement, chaque conte se teinte aux couleurs du pays dans lequel il s'est acclimaté. Le corps inanimé de la Blanche-Neige bretonne attend son prince dans une châsse portée par la mer alors qu'au Niger, ce voyage se passe à dos de chameau. Le brassage des versions permet d'éclairer chaque conte sous des angles différents. La marraine-fée de Perrault, véritable substitut maternel, est remplacée dans la version des frères Grimm ou dans la version russe par un arbre qui pousse sur la tombe de la mère. La version tibétaine va jusqu'à faire de l'héroïne la meurtrière de sa mère qui revient plus tard secourir sa fille sous la forme d'une vache rouge puis sous celle d'un corbeau. De plus, l'illustration variée et singulière selon les versions permet de situer le pays d'origine des histoires.
Fabienne Morel est conteuse depuis 2005. Avant de se consacrer aux histoires, elle a exercé différents métiers tous liés à la parole, orale ou écrite (institutrice, guide-conférencière du patrimoine, éditrice). Elle raconte au sein du duo Huile d'olive & Beurre salé avec Debora Di Gilio. Son répertoire en solo est axé plus particulièrement sur le patrimoine oral breton (contes, légendes et chants). Elle dirige aussi la collection jeunesse « Le tour du monde d'un conte » aux éditions Syros (www.syros.fr/tourdumonde/). L'album autour des versions de Blanche-Neige lui a inspiré son spectacle « Les mille et un visages de Blanche-Neige ».
Conteur, Gilles Bizouerne est venu aux récits par le voyage. Lauréat de la Fondation de France, finaliste aux Jeux de la francophonie, Gilles Bizouerne enseigne le conte au Conservatoire de Paris. Il raconte pour tous les âges, seul ou accompagné de musiciennes. http://www.gillesbizouerne.com