François Mathieu
Traducteur, chroniqueur littéraire à "L'Humanité" et auteur, François Mathieu a exercé les métiers de professeur d'allemand et de journaliste. Il est notamment l'auteur d'une biographie consacrée à Jacob et Wilhelm Grimm, parue dans la collection "Signes de vie" aux éditions du Jasmin. Président de l'Association des traducteurs littéraires de France de 2000 à 2004, François Mathieu a traduit de l'allemand en français plus d'une soixantaine d'ouvrages (poèmes, romans, nouvelles et récits) de poètes, d'auteurs classiques, contemporains et pour la jeunesse et de nombreux catalogues d'exposition. Eclairage sur le métier de traducteur et sur les deux génies allemands que furent les frères Grimm.
Depuis une quinzaine d'années, je travaille sur les Contes de Jacob et Wilhelm Grimm à partir, outre l'intérêt que je porte à ce genre littéraire dont ils ont été les uniques créateurs, de deux constations : la méconnaissance quasi-totale en France de ces deux génies allemands de la première moitié du XIXe siècle et la nécessité de retraduire, au moins en partie, en français ces textes fondateurs. Et pour être sincère, je dois préciser que je suis depuis longtemps habité par une question que seule l'écriture d'une biographie peut m'aider à résoudre : pourquoi tant de différences entre les contes de la première édition (1812-1815), version inconnue en France, et ceux de la septième édition (1857) ? L'une écrite en pleine période de résistance à l'occupation étrangère, l'autre quand une bourgeoisie nouvelle étale son savoir faire et ses richesses récemment acquises - ce que l'on a appelé la période du Biedermeier.
En 2002, les éditions du Jasmin que dirige Saad Bouri, avec son ami Youssef Taharraoui, décidaient d'ajouter à leur programme éditorial une collection de biographies sous la responsabilité de José Féron Romano et cherchaient donc des auteurs. Nous prîmes contact et, en raison de l'absence totale d'ouvrages consacrés à ces deux auteurs, en dehors d'un remarquable numéro de la revue "Europe" de novembre-décembre 1994, la décision fut vite prise de combler un manque que l'on s'explique mal, quand on sait que, bon an mal an, l'on continue à éditer en France (en traductions sujettes à interrogations) des contes de Grimm, non sans faire appel à de nouveaux illustrateurs, lesquels souvent ne manquent pas de talent.
Ricochet - Comment avez-vous procédé pour récolter toutes ces informations ?
En quinze ans d'intérêt constant, j'ai accumulé tous les documents et ouvrages que j'ai pu trouver en Allemagne, à commencer par les excellentes biographies rédigées par Hermann Gerstner. J'ai épluché la thèse d'Ernest Tonnelat, Les frères Grimm - Leur œuvre de jeunesse, parue en 1912 et retrouvée chez un libraire de livres anciens. J'ai lu, avec amusement, la première grande traduction en français des Contes pour l'enfance et la jeunesse, parue chez Hachette en 1875, et dont la préface comporte bien des erreurs biographiques qui sont à l'origine, en France, de la légende de textes collectés auprès de vieilles paysannes. Et j'ai, évidemment, beaucoup travaillé sur diverses éditions des contes, dont les principales sont l'édition fac-similé de la première édition de 1812-1815, et l'excellente édition en trois volumes de la septième édition, préparée par l'un des meilleurs spécialistes des deux frères, Heinz Röllecke, et éditée par Reclam, Stuttgart.
Cela dit, conscient que j'étais arrivé au bout des possibilités que m'offraient ces ouvrages, cependant que j'étais limité par le cahier des charges de la collection "Signes de vie" (pas de notes, de références aux sources possibles), je veux aller plus loin. Mais je reviendrai là-dessus un peu plus loin.
Ricochet - Dans la biographie consacrée à Jacob et Wilhelm Grimm, vous expliquez avec quelle rigueur les deux frères ont composé leur ouvrage et tout le travail de collectage qu'ils ont développé. Est-ce que les méthodes ont changé ou auraient encore un sens aujourd'hui ?
Il faut replacer la quête de Jacob et de Wilhelm Grimm dans son contexte historique, conflictuel, celui d'une résistance à une force qui, occupante, est aussi porteuse d'idées libératrices (pensons notamment à l'introduction du Code civil dans une société à structure féodale). L'Allemagne n'était, en conséquence de la Guerre de trente ans (1618-1648), qu'un conglomérat de plus de trois cents royaumes, principautés laïques ou religieuses. L'incursion napoléonienne jette un coup de pied dans cette fourmilière. Des intellectuels, des hommes politiques observent cette situation d'un œil critique, travaillent sur l'idée qu'il existerait une nation allemande, fondée sur un patrimoine populaire. C'est ce patrimoine qu'il convient de retrouver, et dont il faut prendre conscience, étaler aux yeux de tous.
Quant aux méthodes de collectage, il faut s'imaginer les possibilités de l'époque. S'il est vrai, que la sténographie est en cours d'élaboration en Angleterre, les deux frères l'ignorent. Ils font donc parler leurs amies, filles de bonnes familles bourgeoises (souvent d'origine huguenote), et, plume d'oie à la main, notent. D'ailleurs, Wilhelm épousera l'une d'entre elles. On sait que l'exercice durait longtemps, la narratrice devant répéter le texte qu'elle savait par cœur tant, l'ayant entendu souvent, elle était capable de le répéter. A l'égal de passages de la Bible !
Ricochet - Qu'est-ce qui est marquant dans l'approche et le collectage de contes des frères Grimm ?
Dans un premier temps, les jeunes frères travaillent sur le projet élaboré par Clemens Brentano et Achim von Arnim qui consiste à collecter tout ce qui constitue la culture populaire et nationale allemande. Il en résultera trois volumes de poèmes et chansons publiés sous le titre Le Cor merveilleux de l'enfant, un classique qui inspirera des musiciens, tel Gustav Mahler. Mais si Jacob et Wilhelm travaillent assidûment à l'élaboration des volumes II et III, ils sont en complet désaccord avec leurs amis sur la méthode. Brentano et Arnim créent de nouveaux textes à partir d'une matière découverte dans les livres. À l'inverse, les frères Grimm entendent garder les textes collectés dans leur version première, et, dans un premier temps, ne leur font subir que des modifications imposées par la lisibilité.
Parallèlement, s'agissant des contes, ils donnent priorité aux textes oraux, et ce n'est qu'à partir de la deuxième édition que, faisant appel à des amis érudits, Wilhelm ajoutera des contes d'origine livresque. En outre, poursuivant le collectage, Wilhelm va quelque peu déroger à la méthode première en remaniant la première version au gré de nouvelles découvertes
A la fin de ma biographie, dans l'appareil annexe, je propose ainsi au lecteur curieux de prendre connaissance de l'évolution d'un de ces contes, Renard et Renarde, sa femme. Un exemple parmi beaucoup d'autres, démonstratif de leur méthode scientifique, exemple auquel il conviendrait d'ajouter tout le travail de recherche effectué par Wilhelm sur les origines des contes et qui fit l'objet d'un volume particulier lors de la seconde édition.
Ricochet - Pensez-vous aujourd'hui que la connaissance que l'on a de la vie et du travail des frères Grimm est insuffisante, voire incomplète ?
La connaissance que nous avons ici, en France, est en partie fausse. Il faut dire que Wilhelm, le véritable auteur des contes, après que son frère s'est détaché de ce travail pour se consacrer à des travaux de philologie, appliqués à la littérature, au droit, à la grammaire, etc., a quelque peu forcé le trait. Définissant justement ces contes comme "nés dans le peuple, transmis par le peuple, racontés à l'intention du peuple, évoquant le peuple", il a fait croire que son frère et lui les avaient collectés auprès de vieilles paysannes. On sait aujourd'hui qu'il n'en a rien été et que notamment Mme Viehmann, présentée comme une pauvre vachère, à cause d'une lecture erronée de son nom patronymique (Vieh = bétail), était la veuve d'un patron tailleur, donc une bonne bourgeoise.
Par ailleurs, le public français ignore complètement toute l'activité autre des Grimm. Or le collectage puis l'écriture des contes s'inscrit dans une œuvre immense d'historiens de la littérature et du droit allemands, de philologues et de mythographes. Ils sont les inventeurs de la philologie allemande. Jacob rédige une grammaire de l'allemand de plusieurs milliers de pages. Ils initient un dictionnaire de la langue allemande (écrite et orale) qui commencé en 1838 ne sera achevé qu'en 1960, un dictionnaire en 32 volumes.
De même, ce même public ignore tout de la vie exemplaire de deux frères qui se sont rarement quittés et n'ont cessé de travailler l'un à côté de l'autre. S'intéresser à leur vie, comme je l'ai fait, c'est entrer de plein pied dans l'histoire complexe d'une nation morcelée, gouvernée par des tyrans locaux et dont l'unité ne sera réalisée qu'en 1870. Leur vie est une sorte de miroir de cette histoire, marquée par un long combat pour une démocratie qui ne verra le jour qu'en 1918.
Ricochet - Y a-t-il d'autres figures importantes en Allemagne qui ont effectué cette même démarche de collectage de contes en amont ou en aval des frères Grimm ?
A ma connaissance, personne d'autre n'a effectué le travail déterminant entrepris par les deux frères. Ils ont les premiers établi une distinction précise, fondamentale entre le conte et la légende. La légende est attachée à un lieu, à un événement, à un personnage historique. Le conte est détaché de toute circonstance ; il est universel.
Chez l'un de leurs prédécesseurs, Musäus, le conte et la légende se mélangent. Brentano, avant de tomber dans le mysticisme, Tieck, Hoffmann, s'approprient la matière populaire, l'arrangent pour en faire une création personnelle. Wilhelm Grimm, lui, conserve au récit premier son authenticité. Quand, au gré du temps, il dispose de nouvelles versions, il se contente d'introduire dans une nouvelle version la petite touche qui va le rendre encore plus authentique.
Ricochet - En tant que traducteur d'ouvrages allemands vers le français, quelles sont les difficultés liées au passage d'une langue à l'autre ? Quelles sont les spécificités de chacune de ces langues ?
De façon provocatrice, je répondrais volontiers qu'il n'y a pas d'autres difficultés liées au passage d'une langue à l'autre que celles liées à mes propres difficultés d'expression, et à mon vouloir d'expression. Je suis né dans un milieu très modeste. J'étais voué à l'usine. Pour des raisons que je ne comprends toujours pas, après avoir réussi les concours d'entrée en sixième puis dans une école normale d'instituteurs, j'ai pu faire des études supérieures (souvent au raccroc). Par ailleurs, j'ai des ancêtres allemands venus en France pour des raisons économiques. Dans ce contexte, je me suis plus ou moins consciemment voulu celui qui pourrait parler à leur place. Dès lors, j'ai sans cesse considéré que, traduisant ou écrivant, je m'exprimais sans cesse dans une langue étrangère. Quand je traduis Le Disparu de Kafka, j'apprends sa langue, puis je tente d'écrire dans celle-ci ; de même récemment avec Hermann Hesse .
Au-delà, chaque langue à sa propre logique, comme un tableau, un poème, un roman. A moi de faire mienne cette logique, cet autre système enrichissant du penser - y compris de me penser autrement que ce que me permet ma propre langue ! De marcher à côté de moi-même pour mieux me comprendre et comprendre les autres.
Ricochet - Qu'est-ce qui vous séduit dans la littérature de jeunesse en Allemagne ?
Je préfère répondre à une question qui serait : "Qu'est-ce qui vous a séduit dans les littératures allemandes pour la jeunesse ?" En ajoutant : dans les années soixante-dix, quatre-vingts, avant que nous connaissions ici en France une grande vague créatrice qu'en tant que critique et ancien membre de la Commission jeunesse du Centre national du livre (CNL) j'ai observé et observe encore avec plaisir.
Pendant qu'ici, il ne se passait pas grand-chose, il y avait en RDA une littérature pour l'enfance et la jeunesse qui s'écrivait, s'illustrait, se publiait en dehors de toute censure (les autorités politiques si attentives à la littérature pour adultes ne croyant pas au caractère subversif possible de la littérature pour la jeunesse), et qui plaçait l'enfant, avec son intelligence, ses capacités réactives au centre du récit. Des auteurs ? Benno Pludra, Erwin Strittmatter…
En RFA, dans la brèche ouverte par la révolte de 68, une nouvelle littérature qui se libérait de la modélisation états-unienne apparut qui, avec Peter Härtling, Mirjam Pressler et l'Autrichienne Christine Nöstlinger, considérait l'enfant comme un sujet social ou historique. Jusqu'alors, l'enfant présent dans le roman pour la jeunesse était un enfant propret, sans grands défauts, vivant dans une société invisible ou tout au moins sans problème. Les auteurs allemands brisèrent les tabous et peignirent un enfant vrai aux prises avec des réalités qui n'étaient pas belles à voir, un enfant vrai aux prises, notamment en RFA, avec une société qui n'aimait pas les enfants.
Trouvant cette démarche intéressante et, de toute façon, encore inexistante en France, j'ai pu l'introduire en traduisant plusieurs romans de Peter Härtling acceptés par les éditions de La Farandole. Malheureusement, cette bonne maison d'édition a disparu, et je n'ai pas retrouvé d'éditeur intéressé par ces bons romans.
Ricochet - Quel est votre regard sur la littérature de jeunesse allemande, comment la qualifieriez-vous ?
En une ou deux décennies, cette littérature a beaucoup évolué. Comme je viens de le dire, elle a été une littérature exigeante tant sur le plan des thèmes que de l'écriture. Nombre d'écrivains pour adultes importants ne dédaignaient pas d'écrire pour les enfants. Ce fut le cas de Peter Härtling qui alternait régulièrement les deux domaines. Cela jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, où un événement historique et un phénomène économico-politique ont lié leurs effets.
Avec la chute du mur de Berlin et l'unification de l'Allemagne, c'est tout un pan de littérature pour la jeunesse qui s'est effondré : les enfants et les jeunes de RDA qui lisaient beaucoup se sont rués sur la littérature occidentale et souvent la pire. A Berlin-Est, le spectacle des anciennes bonnes librairies qui n'exposaient plus que des waltdisneyries était affligeant. L'essentiel des écrivains d'ex-RDA furent incapables de se convertir aux lois du marché et surtout ne trouvèrent pas des thèmes à la mesure de leurs talents, sauf à tomber dans la nostalgie - ce qui ne pouvait pas attirer le jeune lecteur. D'autant que, dans la même période, la mondialisation se mit à sévir, faisant que nombre de romans écrits par des auteurs allemands, peuvent sembler avoir été écrits par des auteurs américains, anglais, etc. On connaît ces produits moyens, interchangeables. La littérature exigeante continue à exister, mais dans une proportion moindre par rapport à ces produits éditoriaux de la globalisation.
Ricochet -Quelle est la part d'œuvres allemandes traduites aujourd'hui ? Pensez-vous que les Français connaissent bien la production allemande et inversement ?
Ce n'est un mystère pour personne, la traduction de la littérature pour la jeunesse, comme celle de la littérature pour adultes est largement dominée par l'anglo-saxon. Bon an mal an, il se publie moins de dix romans traduits de l'allemand, et ce sans qu'on puisse apercevoir une vraie ligne éditoriale, et encore moins une politique fondée sur la connaissance de l'autre, de notre partenaire privilégié européen. La désaffection que connaît actuellement l'enseignement de l'allemand, en dépit des beaux discours de nos dirigeants politiques, est un phénomène qui frappe aussi de plein de fouet la littérature pour la jeunesse.
J'ai toujours pensé que le roman traduit décrivant la vie de l'autre ou tel pan de son histoire serait un excellent auxiliaire (à côté du film) de l'enseignement des langues qui, en principe, ne doit pas être qu'un pur enseignement linguistique. Pourtant, rien n'incite l'enseignant à y avoir recours, encore moins le faible choix qu'offre l'édition.
Ricochet - Comment définiriez-vous le métier de traducteur ? Quelles sont les qualités requises pour être un "bon traducteur" ?
Fondamentalement, le traducteur (littéraire) est un écrivain qui, en connaissance d'un texte écrit dans une langue source inconnue du lecteur, transpose, donne à lire ce texte dans la langue de ce dernier, dite langue cible. On emploie souvent à son endroit l'image fausse du "passeur". Fausse parce que le traducteur n'est pas un camionneur livreur, chargé de déposer chez le lecteur une marchandise prise dans un dépôt.
Le "vrai" traducteur, plutôt que le "bon", est un individu qui, nanti d'une bonne connaissance d'une langue source, acquise au gré de sa vie personnelle et/ou d'études universitaires, aime et sait écrire dans sa langue maternelle. Il est un chercheur, un explorateur qui, enthousiasmé par ses découvertes, peut proposer à des éditeurs, des textes qui enrichiront le lecteur, provoqueront des émotions.
Au passage, le traducteur est rémunéré pour son travail, en fonction d'accords établis entre le Syndicat national de l'édition (SNE) et la profession, représentée par l'Association des traducteurs littéraires de France (ATLF). Et si une traduction coûte cher, plus cher qu'une création, il existe des possibilités d'aides à l'éditeur ou d'aides au traducteur, gérées par le CNL, et qui permettent la publication de bien des traductions.
Ricochet - Quelles sont les difficultés attachées à la traduction de contes ou plus généralement à la traduction d'oeuvres pour la jeunesse ?
Je ne parlerai pas de grandes difficultés. Traduire, c'est traduire ! En ayant conscience que l'on ne traduit bien que ce que l'on aime et ce pour quoi l'on présente des compétences. Au passage, comme pour l'écriture pour l'enfant et l'adolescent, il faut se débarrasser de l'idée que cette écriture serait inférieure à d'autres. Je cite volontiers Erich Kästner disant que ce n'est pas parce que les enfants sont petits de taille qu'il faut se mettre à genoux quand on écrit pour eux. Bref, que l'on traduise et/ou écrive pour eux, il faut le faire avec un sérieux extrême sans succomber à la démagogie commerçante.
A supposer qu'au cours de la prise de connaissance de l'œuvre, je rencontre une multitude d'obstacles que je suppute ne pas pouvoir franchir, je dois fort évidemment refuser de traduire le livre que l'on pensait me confier. Cela, évidemment, n'empêche pas qu'au cours du traduire, l'écrivain traducteur rencontre des problèmes d'ordre stylistique et d'ordre informatif. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le "ton" d'une traduction, ce qui en fait l'unité, ne se découvre bien souvent qu'au moment des nombreuses relectures effectuées en fin de traduction. Quant aux informations culturelles (par exemple, les habitudes alimentaires, les jeux ou, dans le cas des Contes de Grimm, des objets ou des pratiques spécifiques, etc.), le traducteur doit effectuer des recherches sérieuses, car il n'a pas droit à l'erreur, quand bien même le lecteur ne puisse souvent pas la déceler.
A cet endroit, je voudrais signaler qu'en peu d'années les conditions techniques du traduire se sont énormément améliorées. Je pense au traitement de texte, mais aussi et surtout à l'Internet et à Google, où l'on peut, en quelques instants, consulter des dictionnaires, des encyclopédies et bien d'autres "sites". Et à l'existence de forums de traducteurs composés pour certains de "natifs" et d'"exogènes".
Ricochet - Avez-vous d'autres projets de traduction touchant la littérature jeunesse en rapport avec la production allemande d'hier ou d'aujourd'hui ?
Des projets ? Dans les conditions actuelles de l'édition, mon espace d'intervention est relativement réduit, à moins que j'accepte de traduire des produits qui ne m'intéressent pas.
Aussi, après que les éditions allemandes Beltz & Gelberg ont repris quelques titres du grand auteur d'ex-RDA, Benno Pludra, je souhaiterais pouvoir faire connaître chez nous quelques titres de celui-ci. Un seul grand texte de cet auteur avait été traduit en français en 1990, Le Cœur du pirate en Livre de poche - Hachette, mais il n'est resté que quelques mois dans les librairies. Cet auteur, qui a placé l'enfant qui se fait homme au premier plan de son œuvre, mérite tout autre chose que le mépris de l'oubli. Je tente de le faire connaître. Pour ce faire, j'ai traduit l'un de ses beaux textes, Loups-des-mers sur la banquise. Je viens d'essuyer un premier refus. Mon manuscrit est en lecture chez un autre éditeur. Mon ambition est de traduire quatre ou cinq titres de cet auteur et, qui sait, son chef-d'œuvre Tambari.
Un autre projet ? Oui, et qui intéresse un éditeur avec qui je travaille en toute sympathie. Ce projet est double : un récit et une traduction. Le récit que j'envisage et pour lequel je prends actuellement beaucoup de notes portera sur la période où Jacob et Wilhelm Grimm collectent leurs contes, disons de 1806 à 1815, et sur la relation fraternelle qu'ils ont sans cesse entretenue, et qui dans cette période, si j'en juge par leur correspondance, est particulièrement forte. Quant à la traduction, il s'agit de cette de la "Petite édition" de leurs contes, une édition populaire de cinquante contes de nombreuses fois rééditée de leur vivant et qui a contribué à leur popularité chez les Allemands. Et ce selon les principes qui ont été les miens en traduisant Dame Hiver, La Belle au bois dormant et Hänsel et Gretel : une extrême fidélité au texte d'origine et une mise en rythme, de façon à favoriser la lecture à haute voix qu'implique l'origine des Contes pour l'enfance et le foyer de Jacob et Wilhelm Grimm. Avec sans doute en annexe un appareil évoquant les sources, les variantes, les découvertes dont ces cinquante contes sont le fruit.
Notes :
François Mathieu, Jacob et Wilhelm Grimm. Il était une fois…, éditions du Jasmin, 4, rue Valiton. 92110 Clichy
Kafka, Récits, romans, journaux, Classiques modernes, La Pochothèque
A paraître à l'automne : Hermann Hesse, Brèves nouvelles de mon jardin, textes choisis, traduits et introduits par François Mathieu, Calmann-Lévy
Illustré par Nathalie Novy, Didier jeunesse.
Tous deux illustrés par Sibylle Delacroix, Casterman, albums Duculot.