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Hommage à Ermanno Beverari

Mis en ligne le 4 juin 2014
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Il était photograveur et imprimeur, un artiste à l’avant-garde de sa profession.

Et il nous a quittés il y a quelques jours à 62 ans, à la suite d’une longue maladie. Il travaillait encore peu avant son départ.

Pendant vingt ans c’est à lui que Creative Editions, aux USA, mais aussi NordSud Verlag et bien d’autres éditeurs en Europe ont confié la reproduction des originaux qui illustrent leurs albums.

 

On savait qu’il allait analyser chaque envoi pour déterminer la manière précise de régler le scanner, puis il se mettait à son ordinateur et retravaillait les moindres détails, en as de Photoshop, pour se rapprocher de l’intention du créateur. Il comprenait nos dessins.

Il allait même, parfois, jusqu’à changer légèrement la tonalité des couleurs de base : le magenta devenait un peu orangé, le bleu se teintait d’un turquoise qu’il était seul à choisir.

Puis, à l’impression, il surveillait personnellement la mise en machine et savait, mieux que personne, organiser et imprimer efficacement les multiples coéditions internationales d’un ouvrage.

 

Il habitait Vérone, un peu en dehors de la ville. L’atelier où œuvrent plusieurs assistants de première force se trouve attaché à une maison ancienne, entourée d’un très vaste verger d’arbres fruitiers qu’Ermanno cultivait avec passion.

 

Ermanno vivait là avec Susan Ashley, une Américaine que l’Italie a adopté et qui va, je l’espère, suivre maintenant la marche des affaires de la photogravure.

Le soir c’est la mère de notre ami qui prépare des risottos somptueux. Très alerte, elle va avoir 100 ans cet automne.

 

Je trouve particulièrement important de relever ce climat familial d’une entreprise à dimension humaine. Les temps ne sont pas faciles pour l’imprimerie en Europe, surtout lorsque l’on tente d’atteindre la perfection. Les éditeurs ont pris l’habitude d’envoyer leurs livres en Asie : le travail peut y être bon, mais combien de fois ai-je entendu Rita Marshall, directrice de la création de Creative Editions aux USA, me rappeler qu’en cas de problème difficile à résoudre, elle pouvait appeler Ermanno – ils se parlaient en français.

Roberto Innocenti, de Pinocchio à la Maison ou à la Petite fille en rouge, Gary Kelley, Monique Félix, Lizbeth Zwerger, Binette Schroeder, Georges Lemoine, tout récemment Laurent Gapaillard, un nouveau venu aux superbes dessins entièrement créés digitalement, et bien d’autres artistes savaient qu’ils avaient un frère à Vérone.

 

Image intérieure de La petite fille en rouge, textes Aaron Frisch,

dessins Roberto Innocenti (Gallimard Jeunesse, 2013)

 


C’est aussi Beverari qui gravait les dessins choisis par la Fiera de Bologne pour leurs grands catalogues annuels.

 

Il y a quelques années Ermanno vint à Cedar Falls, dans l’Iowa, accompagner une large exposition de Creative Editions dans un musée de la ville. Il découvrait ainsi l’Amérique profonde, et pour célébrer la rétrospective, il avait apporté deux exemplaires d’un petit ouvrage de luxe : il avait choisi une quinzaine de dessins de différents artistes qu’il avait transposés en eaux-fortes, comme ça, pour le plaisir, imprimées et reliées superbement. Il remit ces exemplaires précieux aux deux responsables de Creative.


Il a accompagné mes livres depuis plus de vingt ans, j’entends sa voix, vois son fin sourire en tournant les pages.

Rien, dans la globalisation des métiers de l’imprimerie ne peut remplacer cela.



Image intérieure de A long, tall journey, texte de Jan Wahl,

illustrations de Laurent Gapaillard (Creative Editions, à paraître en 2015)

 


04.06.2014