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Leny Werneck

1 décembre 2005

Leny Werneck est brésilienne. Née à Rio de Janeiro, elle est arrivée en 1981 en France où elle séjourne désormais. Ecrivain, journaliste, conseillère d'édition, traductrice notamment de Daniel Pennac au Brésil, elle a écrit des albums et des romans pour la jeunesse qui ont été publiés en France et au Brésil (aux éditions de la Farandole, chez Syros, Gallimard jeunesse). En octobre 2005, elle a signé l’album " Où es-tu Iemanja ? ", illustré par Philippe Davaine et coédité par les éditions Syros et Amnesty international. Cet album qui se déroule le 31 décembre dans une île cachée au fond de la baie de Rio célèbre la déesse mer Iémanja et témoigne des traditions africaines importées au Brésil, mélange de christianisme et de paganisme. Invitée au Salon du livre et de la presse de jeunesse de Montreuil, nous avons demandé son avis sur ce projet et recueilli son regard sur la littérature de jeunesse brésilienne et française.





- Ricochet : Comment est né votre livre "Où es-tu Iémanja " ?

- Leny Werneck : C’est une situation que j'ai vécue. J’ai passé un réveillon dans une île dans
le plus grand bonheur. J’ai pris avec trois femmes un bateau qui a pris l’eau et nous avons été sauvées
des eaux. Et puis le soir, il y a eu cette fête magique et simple dans cette petite île. Ce n’est évidemment pas la féerie de Papacabana.... J’étais très émue de cette expérience avec ma famille. J’ai
alors cultivé l’idée de créer cette histoire et, comme d’habitude, je me suis mise dans la peau du personnage. Camila, c'est donc un peu-moi-même...


- Ricochet : Que vouliez-vous transmettre à travers cette histoire ?
- Leny Werneck : Pendant cette fête, je regardais les enfants, (qui faisaient comme Camila) et je me disais qu’est-ce qui peut se passer dans leur tête pendant cette fête. J’ai alors fait un petit flash back et me suis mise dans la tête de Camila qui s’interrogeait sur cette déesse si présente dans la vie de cette ville. Elle se posait des questions comme « qu’est-ce que c’est que cela, pourquoi cela existe ? » Dans le texte original (en brésilien), les réflexions de Camila allaient un
peu plus loin parce qu'elle voyait que les gens qui allaient à l’Eglise étaient les mêmes que ceux qui faisaient la fête.



Cette question, je me la suis posée moi-même quand j’étais enfant mais elle n’est pas très explicite dans le texte de la version française. Les images de Philippe Davaine en parlent très bien et elles ont remplacé beaucoup de texte pour le bien du livre.


- Ricochet : C'est la seconde fois que Philippe Davaine illustre vos textes. Comment votre collaboration s’est-elle mise en place ?

- Leny Werneck : Oui, effectivement. Nous avions déjà travaillé ensemble sur deux livres publiés par "feu" les éditions de la Farandole. J’ai d’abord présenté mon projet aux éditions Syros qui l'ont retenu et puis à Philippe qui a lui-aussi accepté. On a alors commencé à réfléchir sur une idée
qui serait intéressante : qu’il puisse aller au Brésil pour s’imprégner de la vie et de la culture afro-brésilienne. Et c’est ce qui a été fait !


-
Ricochet : A ce propos, que pensez-vous de ses illustrations ?

- Leny Werneck :
Je trouve que c’est un beau regard français sur cette histoire et sur la vie brésilienne. Il n’a pas essayé de se faire passer pour un Brésilien expert mais il a su trouver les images justes et il a su rendre, ce qui, je trouve, est encore plus beau, la représentation de la ville et du village et la vie de Camila dans le village. Je trouve qu’il a trouvé cela à la perfection parce qu’ il a
séjourné, il y a habité, il a peint la situation comme elle se présentait et c’est très rare… En fait, j’ai toujours rêvé que ce livre soit comme il est, sous cette forme actuelle ! Et j’ai toujours pensé que ce livre se ferait avec un ami illustrateur et une maison d’édition accueillante


- Ricochet : Ce livre a été coédité par Amnesty international ? Quel est votre sentiment sur cette coédition Syros-Amnesty international ?

- Leny Werneck :
Je suis très contente et très fière de cette coédition entre Syros et Amnesty international. Cela me convient parfaitement ! Et je pense, en toute modestie, que je fais partie de cette pensée libertaire depuis ma naissance. Je crois que ce livre explicite très bien mes sentiments et mes pensées sur la question des droits à l’expression. Je pense aussi qu'il s’agit de cultures menacées, ce n’est plus le cas au Brésil actuellement, mais cela existe encore partout. C’est aussi la question de la censure sur des religions, ce qui était le cas au temps où le Brésil était une colonie portugaise et avant que l’esclavage soit aboli. C'est-à-dire que c’était la pensée colonisatrice qu’elle soit économique, religieuse, politique, etc... qui empêchait les gens d’être. Bien sûr, ce propos ne passe pas au premier degré dans le texte et les images, mais pour moi, c’est très clair ! C’est pourquoi j’ai rédigé une lettre au lecteur francais, parce qu’au Brésil il n’y a pas besoin de faire une telle lettre ( rires!)

- Ricochet : Vous avez d'abord écrit ce texte en brésilien. Est-il en tout point semblable ? Et comment a-t-il été reçu ?
- Leny Werneck : Non, il se présentait sous une autre forme. Il était beaucoup plus discursif et plus narratif. Il était plus long au niveau du texte et les illustrations jouaient un rôle beaucoup plus mince. Il a été remarqué par une certaine critique qui disait que j’étais parmi les premières à donner la parole à une certaine culture afro-brésilienne dans un livre pour enfants. Et c’était bien !

- Ricochet : Etait-ce la première fois que vous abordiez ce thème ?
Leny Werneck : Oui, je ne suis pas une adepte des livres à thème. Je n’ai pas le projet d’écrire une série sur les religions ni sur l'Afrique au Brésil. Cela peut arriver sous une autre forme.... C’est la liberté de la création qui est aussi très importante pour moi. En fait, pour le moment, je suis très liée aux questions des familles. J’ai fait une petite série de cinq textes qui s’appelle Racine. C'est un garçon qui écrit sur ce qui se passe dans sa vie quotidienne. Ce sont des histoires de sa petite famille, de ses cousins et cousines, de ses grands-parents. La vie de famille m’intéresse ! Deux de ces textes ont déjà été publiés chez Syros : "Ma grand-mère d'ailleurs" et puis "Le
Voleur de Bicyclette". Il va y avoir une suite, nous sommes en train d'y réfléchir...


-
Ricochet : Quel est votre regard sur la littérature brésilienne ?


- Leny Werneck : Je trouve que la littérature de jeunesse brésilienne est très vivante et dispose de très bons écrivains. Et surtout elle a des qualités d’illustration et d’impression qui surprennent pas mal de gens, surtout ceux qui ont l’occasion d’y jeter un regard attentif.


Ricochet
: Et quel est votre regard sur l’édition jeunesse en France ?

Leny Werneck : En France, il y a de très bonnes maisons d’édition de livres jeunesse qui ont une longue tradition et qui proposent des ouvrages de qualité en s'appuyant à la fois sur l’économie du marché et sur la créativité. Je voudrais ici citer mes éditeur, Gallimard jeunesse, Syros, Thierry Magnier, …. Je suis amenée à rencontrer très couramment les éditeurs ici en France et je vois ces choses-là de manière simple et naturelle. Il est très difficile pour moi de comparer .

Ricochet : Et que pouvez-vous nous dire sur l'accès au livre au Brésil ?
- Leny Werneck : Cela s'est beaucoup réduit. Les livres pour enfants et les livres scolaires font partie d’un programme du gouvernement qui les achète et les envoie aux écoles, aux bibliothèques. C’est une goutte d’eau par rapport aux besoins de la population. Les gens plus aisés peuvent s’acheter des livres, les plus pauvres, n’en achètent pas mais ils en ont envie. Cela va dépendre de l’amélioration de l’économie brésilienne. A l’intérieur du pays, il est très difficile d‘avoir accès aux livres. Par contre, la télévision est partout... On est passé de la culture orale à la culture télévisuelle très rapidement !

Bibliographie


Où es-tu Iemanja, album, Illustré par Philippe Davaine, Syros, 0ctobre 2005.
Le voleur de bicyclette, roman, à partir de 6-7 ans, Syros, 2001.
Ma grand-mère d'ailleurs, roman, à partir de 6-7 ans, Syros, 1999.
Un goût d'étoiles, roman, à partir de 13-14 ans, Gallimard, Page blanche, novembre 1996.
Une vie de chien, album, illustré par Philippe Davaine, éd. La Farandole, 1982.
Mandolino, album, illustré par Béatrice Tanaka, éd. La Farandole, 1977.

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