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L'influence interculturelle et artistique
Tradition et modernité dans l'illustration de jeunesse

Benedicte Escolan - Etudiante Metiers du Livre IUT Paris
1 janvier 1990

Conférence animée par Florence Noiville, critique jeunesse au journal Le Monde

Illustrateurs : Quint Buchholz, Wolf Erlbruch, Xavier Pangaud, Jens Thiele.

Le 19 mars 2001 de 13h à 14H30; salle André Malraux.

Wolf Erlbruch est professeur à l'école d'art de Dusseldorf, il travaille aussi dans la publicité et l'édition. Il a écrit L'ogresse en pleurs, Remue ménage chez Mme K., Allons voir la nuit. Quint Buchholz est peintre graphiste. Son album a pour titre Collectionneur d'instants.

Xavier Pangaud enseigne à l'école d'arts déco de Paris, il fait de nombreux échanges avec l'Allemagne.

Jens Thiele est directeur du département jeunesse en Allemagne.




ALBUMS FRANÇAIS - ALBUMS ALLEMANDS


Jens Thiele note que la France accentue plus ses albums sur l'influence pédagogique. Il constate une nette opposition entré pédagogie et art ; même si aujourd'hui, le coté artistique prend une place prédominante. Néammoins, les allemands ont une conception rigide de l'album jeunesse : texte à gauche, illustration à droite. La France a plus de légèreté et permet l'accès a plus de sujets.

Selon Wolf Erlbruch , il existe deux marchés différents : le texte et l'art. Son souhait serait de pouvoir laisser à l'illustrateur la possibilité d'exprimer son « texte intérieur ». Mais l'audace se trouve de plus en plus confinée dans un marché où tout doit être « prêt a penser». Le marché de l'album pour enfants se base sur un monde créé, sur un idéal imaginé par les adultes. 90% des ouvrages ont pour vocation d'amuser, de distraire le jeune lecteur ; ce sont des «tombeaux qui enterrent l'imagination » des enfants (Walt Disney).

Quint Buchholz rejoint Wolf Erlbruch dans sa conception de l'image et de l'enfant Pour vendre, il faut que les adultes achètent et ils gardent le souvenir naïf d'un monde sans conflit. Mais les enfants recherchent la peur et l'aventure.



Pourquoi faire un album anodin les : enfants en prennent conscience très tôt.

Pour Xavier Pangaud, l'image rigide de l'Allemagne explose. A son poste à l'école d'art déco, il côtoie un tiers d'étudiants allemandes qui confrontent leurs points de vue avec les étudiants français. Et l'Allemagne peut se permettre de donner des leçons ; l'illustration est d'une grande richesse ; en effet, le travail est fait dans l'autre sens : on travaille l'image avant le texte, ce qui induit une expression plus libre ou plus graphique; Mais le système français apprend aux allemands à coller au texte et à se baser dessus. Ces différences de fond ne viennent pas forcément de l'histoire de la littérature mais plutôt de celle de la peinture. Les éditeurs font maintenant du commerce qui s'internationalise et la question principale est de parvenir à vendre un même livre dans le monde entier. Mais plus on essaye d'effacer les cultures, plus elles ressortent. La France possède des richesses de légèreté et de couleurs. Les produits sont plus commerciaux qu'en Allemagne. L'Allemand est plus direct, plus sincère ; il parle plus des souffrances et va plus loin dans le message.



TECHNIQUES DE TRAVAIL



Jens Thiele nous apprend que l'album de jeunesse est très peu touché par les évolution de l'art. L'art très moderne est absent de ce marché et il le regrette.

Le travail de Wolf Erlbruch se résume à la combinaison d'espaces et d'images hétérogènes ; l'enfant évolue dans une atmosphère décalée. L'auteur essaye de créer un lieu inconnu, pas une image que les enfants peuvent identifier avec leur mère. Pour L'ogresse en pleurs, il s'est basé sur la dualité d'une amie qui avait un très long menton mais une peau très douce. Sa technique est basée sur la découpe et l'assemblage d'éléments disparates.

Quint Buchholz a du mal à décrire le Collectionneur mais il regarde comment les enfants réagissent. Il veut ouvrir un espace permettant une ouverture à l'imagination, au déplacement. Il amène à regarder au-delà du coin du mur pour Voir ce qu'il y a derrière. Mais la suite des planches produites racontent rarement une histoire. Il lui faut travailler pour trouver le texte adéquat.



REACTIONS A L'ANALYSE FRANCAISE OU TRAVAIL SES ILLUSTRATEURS




Wolf Erlbruch considère que les textes ont un lien direct avec l'image ; donc le texte est important. Il voit son approche comme traditionnelle dans la manière dont il intègre le texte dans l'illustration. Il n'apprécie pas quand le texte « viole» l'image. En Allemagne, des sujets délicats sont abordés (famille monoparentale, décès d'un frère ou d'une sœur ...) que les enfants vivent. La France utilisé des couleurs de manière plus spontanée et plus ouverte.

Quint Buchholz considère que l'image des français sur l'édition allemande ne doit
pas être aussi idyllique. Les illustrateurs n'ont passant de liberté qu'on ne pourrait le penser. L'illustrateur doit faire ses preuves, gagner sa liberté.
Jens Thiele souligne qu'il existe des tiroirs aussi en Allemagne. Le marché est influencé prioritairement par l'économie. Les illustrateurs présents à la conférence sont particuliers. Il est difficile d'être créatif quand la maison d'édition n'en donne pas la possibilité. Un très grand nombre d'idées ne trouvent pas preneur. Le problème principal est l'étranglement de la créativité.
Wolf Erlbruch ajoute que la créativité n'est pas un critère préalable primordial. Il faut avoir eu le temps de vivre. Quand on n'a que 20 ans, on n'a pas de distance nécessaire, on a des idées farfelues de la vie. Les jeunes illustrateurs doivent apprendre la patience. Cela ne signifie pas qu'on ne peut pas être auteur avant 60 ans !


NOUVELLE ESTHETIQUE DEPUIS LA REUNIFICATION ?


Wolf Erlbruch a fait un voyage à Leipzig il y a 5 ans : l'Ouest avait pénétré l'Est mais l'inverse n'était pas vrai. Les Arts et Métiers étaient énormément choyés en RDA (gravure sur bois) mais à côté de la multitude de média, une partie du pays a englouti l'autre. La graphie clé l'Est a toujours produit des dessins très originaux mais cet art se dilue au contact de l'Ouest. Toutefois, certaines imprimeries sont prêtes a se lancer dans les techniques traditionnelles.

Quint Buchholz est plus virulent à ce sujet. On parle toujours de la réunification comme de remettre en marche un organisme. Mais l'Ouest occupe l'Est.




A l'Ouest, l'illustrateur lutte tout seul, pour lui-même. A l'Est, une fois le diplôme obtenu, il devenait presque un salarié. Le travail était plus serein, plus calme. Mais aujourd'hui, tout s'est écroulé.

Selon Jens Thiele tout ceci reste de la politique. Les écrivains, les artistes ont exprimé par l'art des idées subversives. Tout cela va maintenant disparaître et faire partie de l'histoire de l'illustration.

Cette conférence montre bien les profondes différences qu'il existe entre deux méthodes de travail. La France fidèle au texte, l'Allemagne fidèle à l'illustration. Mais on voit aussi l'évolution au sein d'un même pays. Tous les protagonistes présents étaient unanimes pour dire que la réunification, d'un point de vue artistique, avait été une erreur. L'Ouest a englouti son image orientale pour qu'il n'en reste rien et la richesse artistique de la RDA s'est trouvée littéralement effacée de la mémoire collective du pays uni. C'est un drame et c'est inéluctable. Toutefois, nous pouvons espérer, peut-être grâce à ce genre de défenseurs, que la tradition Est Allemande retrouve un peu de sa richesse pour en faire profiter son homologue occidentale. C'était une belle conférence, très enrichissante. Malgré une animation laissant
parfois à désirer, des questions ne venant pas naturellement laissant parfois penser que nous avions affaire à une improvisation totale, le dynamisme des protagonistes a permis de sortir de la conférence avec la sensation d'avoir vraiment appris quelque chose.