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Marie Leymarie

Aurélien Bouysse
22 juillet 2009

Née en 1974, Marie Leymarie a suivi des études de russe. Elle exerce ensuite le métier de documentaliste dans les cités de Seine-Saint- Denis et anime des ateliers d'écriture avec des élèves en difficulté. Au cours d'un congé parental, elle écrit son premier roman et devient traductrice d'anglais. Auteur de romans et traductrice, Marie Leymarie habite aujourd'hui Dijon.

Qu'est-ce qui vous a attiré dans l'écriture de romans pour adolescents, majoritaires dans votre œuvre ?
Marie Leymarie : Quand j’écris pour les ados, je ne simplifie pas. Je pense qu’ils sont capables de percevoir toute la complexité de l’être humain (même s’ils ne vont pas forcément mettre des mots, analysert j’écris pour eux avec la même exigence que pour des adultes.
En outre, l’adolescence est un moment clef dans la formation de la personnalité : c’est le petit bonhomme de pain d’épices qui se détache de son moule et qui s’en va tout seul sur les routes de la vie. C’est extraordinaire ! De plus, tout est vécu avec intensité et tout est possible : les ados se cherchent, ils sont exigeants, ils n’ont pas envie de tricher. Parfois, j’aimerais que les adultes soient un peu plus ados (même si ce n’est pas le plus confortable à vivre !)

Vos livres mettent souvent en parallèle une situation familiale complexe (mère célibataire, crise conjugale,...) et un milieu sportif sévère (natation, danse,...). Lorsque vous commencez à écrire, quel est votre point de départ et pourquoi ce parallèle ?
M. L. : On peut trouver des ressemblances, en effet, entre mes deux premiers livres. Sur le fond, la problématique est la même (les personnages découvrent qu’ils peuvent prendre leur vie en main). Cependant, je ne trouve pas qu’on puisse réellement faire de parallèle.
- Julien, dans Le défi, doit faire face à un désir clairement exprimé : sa mère rêve pour lui qu’il devienne champion. Il s’est approprié ce désir, mais lorsqu’il en prend conscience, il devient capable d’affronter sa mère et de s’affirmer à travers ses choix.
- Avec Laurie, dans Ma mère est une étoile, la situation est quasi inverse : c’est Laurie qui vit par procuration à travers sa mère. Elle s’est construite dans la fusion-confusion. Si sa mère a sa part de responsabilité (forcément), elle essaie au contraire d’amener Laurie à s’ouvrir aux autres (en l’inscrivant au théâtre) et c’est elle qui fissure la bulle en introduisant un tiers (son amoureux) dans leur relation.

En réalité, les deux livres sont partis de deux envies différentes : pour Ma mère est une étoile, je voulais parler de la relation d’amour intense qui peut lier une fille à sa mère. Si la mère est une danseuse, c’est que cela correspond à son portrait psychologique (une femme très exigeante, auprès de laquelle il est dur de s’accepter soi-même) ; pour Le défi, j’avais envie de montrer que l’épanouissement ne passe pas forcément par la réussite (l’excellence...) et qu’on peut faire le choix de renoncer à quelque chose même si on est doué.
L’échec de Julien exprime sa révolte contre un système qu’il subit et dans lequel il étouffe. Il est libérateur, car il lui permet d’avoir accès à son vrai soi.

J’avais aussi envie de montrer que « ceux qui ratent » ne sont pas forcément inintéressants pour autant – bien au contraire, car cela les oblige à se poser des questions sur eux-mêmes.
Les ados qui aiment ce livre sont ceux qui sont sortis des rails de la scolarité « parfaite » et qui se sont déjà trouvés confrontés à l’échec, au deuil de leurs rêves, etc. Pour les autres (pour les sportifs, en particulier) c’est très difficile à comprendre.

 

 

 

Vous écrivez des instantanés, moments de vies adolescents souvent décisifs mais dont on ne voit ni les tenants ni les aboutissants. Quelle volonté y a-t-il derrière cela ?
M. L. : Je choisis des moments où mes personnages sont confrontés à des émotions ou à des événements qui les obligent à mûrir. Mais j’explique peu, je préfère que chacun se fasse sa propre idée. En outre, si je donne les clefs, il me semble que c’est toujours réducteur. Par exemple, je ne dis pas que Laurie a une relation fusionnelle avec sa mère, ni pourquoi. Je raconte ce qu’elle ressent et j’attends du lecteur qu’il en prenne conscience de lui-même. J’aime qu’il prenne le relais et imagine tout ce que je ne dis pas (il faut voir mes romans comme des icebergs). Du coup, c’est vrai, je prends le risque qu’on passe à côté : c’est le cas des lecteurs qui n’entrent pas et résonance avec mes personnages.

Vos romans pour adolescents sont, je trouve, assez durs avec des personnages isolés mais qui dépendent fortement du regard des autres. Le dépassement du regard d'autrui est-il, pour vous, représentatif du passage à l'âge adulte ? Est-ce une sorte d'accompagnement que vous proposez ?
M. L. : Une incitation, plutôt. C’est le « Deviens qui tu es » nietzschéen, proposé par le prof de philo dans A l’arrière des taxis et, oui, c’est le thème de mes trois romans Syros.
Plus que du regard d’autrui, c’est se libérer du regard qui vous a façonné : celui plein d’amour, mais aussi plein d’attente, de ses parents.
Mes romans sont-ils « durs » ? Je ne sais pas. Ils sont réalistes, dans le sens où ils montrent une certaine réalité, sans l’adoucir. Mais s’ils mettent en scène des personnes en proie à des difficultés relationnelles ou à des souffrances qu’ils n’arrivent pas à dépasser, les choses finissent toujours par se dénouer (même s’il n’y a jamais rien de miraculeux ou de magique). En ce sens, ils sont optimistes. Cela peut être plus positif, pour un adolescent, de voir ses difficultés reconnues et dépassées, plutôt que niées. Après, tout dépend de ce qu’on a soi-même vécu.

 

 

 

 

 

A l'occasion de la sortie de votre dernier livre, Si tu m'apprivoises, vous avez changé de maison d'édition. Quelles sont les raisons qui vous ont fait pencher pour Gallimard plutôt que Syros ?
M. L. : En réalité, j’ai fini deux romans en même temps : j’ai envoyé A l’arrière des taxis à Syros et Si tu m’apprivoises à Gallimard, « pour voir ».
Pourquoi pas l’inverse ? A l’arrière des taxis est différent des autres et j’avais besoin de la confiance des éditrices de Syros...

Vous avez fait deux incursions dans la littérature pour enfants. En quoi la démarche diffère-t-elle du roman pour adolescents ?
M. L. : En l’occurrence, ce sont des textes beaucoup moins personnels, et assez légers.
Chaque fois que j’ai essayé d’écrire pour les enfants sur des sujets graves, ils ont été refusés... Je crois que ce n’est tout simplement pas mon mode d’expression.

Quels sont vos futurs projets?
M. L. : J’ai deux romans (ados) sur le feu. Le premier, sur un trio amoureux, est presque fini, mais je me laisse encore un peu de temps. Le second est plus centré sur les relations familiales et l’humour.

Que lisiez-vous plus jeune ?
M. L. : Mes impressions les plus anciennes (et les plus fortes ?), je les dois à Bayard Presse, dont j’ai adoré Les Belles Histoires puis, plus tard, les J’aime Lire. Tout un monde s’ouvrait à moi. Ensuite, comme beaucoup d’enfants à l’époque, j’ai dévoré les Club des Cinq, La comtesse de Ségur, mais aussi des auteurs qui sont devenus des classiques de la littérature enfantine, comme Roald Dahl, Astrid Lindgren, Tove Jansson, Christianna Brand (qui a donné Nanny McPhee à l’écran), Peter Hartling... Je me souviens aussi avoir lu de "vieux" classiques, comme Hector Malot (En famille, Sans famille), James Barrie, Alexandre Dumas...
La littérature ados n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui, on passait très vite de l’enfance à la littérature adulte (Maupassant, Mauriac, Gide, Camus…), mais c’était trop tôt. Je me souviens avoir pleuré toutes les larmes de mon corps en lisant Eugénie Grandet et il a fallu que je relise plus tard Mme Bovary pour en comprendre le second degré. A cet âge, je ne faisais pas de différence entre la littérature et la vie...

Propos recueillis par Aurélien Bouysse, étudiant en licence professionnelle "métiers de l'édition" à l'IUT Paris Descartes

 

 

 

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