Popy Matigot, «petite pousse» de l'illustration jeunesse
Popy Matigot est illustratrice jeunesse. Publiée notamment par les éditions Sarbacane et Maison Eliza, elle vient de sortir, chez Helvetiq, son premier album «solo», intitulé Oh là-haut!, pour lequel elle a réalisé aussi bien le texte que les illustrations. Ricochet vous propose une rencontre vertigineuse avec cette jeune créatrice qui prend de la hauteur.
Popy Matigot est illustratrice jeunesse. Publiée notamment par les éditions Sarbacane et Maison Eliza, elle vient de sortir, chez Helvetiq, son premier album «solo», intitulé Oh là-haut!, pour lequel elle a réalisé aussi bien le texte que les illustrations. Ricochet vous propose une rencontre vertigineuse avec cette jeune créatrice qui prend de la hauteur.
Nathalie Wyss: L’illustration, une passion depuis toujours?
Popy Matigot: Non je ne dirais pas ça. J’ai toujours aimé dessiner, mais juste comme ça, sur un coin de feuille. C’est vraiment pendant mes études de graphisme à la Haute Ecole d’art et de design (HEAD) de Genève que j’ai pu découvrir l’illustration. Grâce à l’illustratrice et professeure Mirjana Farkas, j'ai eu un vrai déclic et m’y suis plongée, depuis, à 100%.
Quel est le livre que vous avez le plus lu lorsque vous étiez petite?
Comme beaucoup d’enfants de ma génération, je pense, Chien bleu de Nadja. Il me terrifiait et m’émerveillait en même temps. Cette double page de bagarre entre le chien et la panthère a hanté beaucoup de mes nuits.
Pouvez-vous nous raconter vos débuts dans l’édition jeunesse?
A ma sortie de l’école, une connaissance m’a mise en contact avec l’auteure Sandra Le Guen. Sandra m’a envoyé le texte A l’horizon, ça m’a tout de suite plu, c’était doux et poétique. Nous avons donc préparé un petit dossier synthétisant le projet à envoyer aux maisons d’édition et l’aventure a commencé avec les éditions Maison Eliza! J’ai donc eu la chance de trouver très vite une super auteure avec qui j’adore travailler.
Comment travaillez-vous et quels sont vos techniques d’illustration?
Pour mes deux premiers livres, Monsieur Tomate écrit par Davide Cali et A l’horizon écrit par Sandra Le Guen, j’ai travaillé de manière traditionnelle, sur papier, à l’aquarelle, à la peinture, et aux crayons de couleur. Pour Oh là-haut! et Petite pousse, je mixe les supports. Je travaille d’abord à la main, sur papier, et la mise en couleur se passe de manière numérique.
Qu’est-ce qui vous inspire?
L’art évidemment, beaucoup, des peintres... En particulier Paul Sérusier, Gauguin, Matisse, Basquiat, etc. Mais encore plus le quotidien, ce qui m’entoure, les gens, leurs histoires, les paysages, j’essaye d’absorber tout ça...
Qui sont les illustrateurs jeunesse que vous admirez?
Le grand Tomi Ungerer qui nous a quittés cette année, mais il y a aussi beaucoup de jeunes illustrateurs comme Adrien Parlange, Marion Fayolle ou encore Anne-Margot Ramstein.
Vous venez de publier Oh là-haut! (Helvetiq, 2019), un album dont vous êtes à l’origine des images mais également, pour la première fois, du texte. Comment avez-vous vécu cette nouvelle expérience? Pensez-vous continuer sur cette lancée? Quels sont les avantages et les inconvénients de la création en solo par rapport au travail en duo?
J’adore collaborer avec des auteurs mais, en travaillant l’écriture et l’illustration, je parviens à créer un «objet» plus personnel. Et ce, même si le travail d’écriture n’est pas encore quelque chose de spontané ou de naturel pour moi. En travaillant avec un auteur, j’essaye de m’imprégner de son texte puis d’y ajouter ma vision, il y a un vrai dialogue qui doit s’installer. J’espère pouvoir continuer de créer de ces deux manières, seule comme en duo.
Cet album raconte l’histoire du peuple des Holahos, dont les habitants peinent à communiquer entre eux. Comment vous est venue cette idée? Quel message aviez-vous envie de faire passer?
J’ai d’abord dessiné, sans un but précis, puis, je me suis aperçue que j’avais créé un petit univers avec ces cabanes perchées. J’ai donc réfléchi à ce que cela pourrait bien raconter et je suis partie du constat que je ne connaissais rien de mes voisins. Mais alors rien du tout! Cette perte de dialogue entre individus vivant à quelques mètres les uns des autres s’accentue à mesure que la société évolue. Les gens sont de plus en plus connectés, mais, paradoxalement, cette hyperconnectivité a une fâcheuse tendance à isoler. C’est l’impression que j’ai en tous cas, et il me semble que les tensions en sont exacerbées. C’est un peu une banalité de dire cela, mais pour moi, la tolérance, le dialogue, la compréhension et l’acceptation de l’autre sont des valeurs primordiales. Vitales même.
Vous avez également illustré l’album Petite pousse (éditions Sarbacane, 2019), écrit par Sandra Le Guen. Alors que le texte donne la parole à un bébé dans le ventre de sa maman, vos illustrations montrent les scènes depuis un point de vue extérieur, ce qui nous permet d’observer les futurs parents. Comment est née l’idée de cette complémentarité entre le texte et l’image? De quelle manière avez-vous collaboré avec l’auteure sur ce projet?
Pour lancer ce projet et trouver cette solution finale, nous avons beaucoup cherché, échangé, avec Sandra Le Guen, mais aussi avec Emmanuelle Beulque, éditrice chez Sarbacane. J'étais partie dans des images très oniriques du bébé dans le ventre de sa mère, mais cela ne fonctionnait pas sur la longueur. C’est Emmanuelle Beulque qui m’a conseillé de m’accrocher au réel, à ces parents qui sont dans l’attente, à leur quotidien et à leurs doutes. Cela fonctionnait tout de suite beaucoup mieux. Cela apporte une vraie complémentarité au texte.
Ecrire et dessiner pour la jeunesse, un hymne à l’enfance?
Oui un hymne à l’enfance, mais à une enfance vécue à n’importe quel âge! Bien sûr que le livre doit plaire aux enfants, c’est primordial! Mais je ne travaille pas en me mettant toujours à leur place. J’espère que si le livre me plaît, il leur plaira aussi. J'ai peur que si l'on crée avec ce souci permanent de savoir si telle ou telle chose va plaire à un enfant de tel âge, on risque de s'y perdre, de se brider et de verser dans la banalité...
Quels sont vos projets à venir?
Un nouveau livre en binôme arrive cet été! Et j’espère bien parvenir à me dégager du temps pour travailler à nouveau l’écriture!