Rachel Hausfater
Voyageuse, curieuse et dévoreuse de livres, Rachel Hausfater est professeur d'anglais dans un collège de Seine-Saint-Denis. Auteur et traductrice, elle a publié une vingtaine de livres, principalement des romans pour adolescents mais aussi des romans pour enfants et des albums. Elle aime rire mais écrit souvent des livres tristes qui parlent de la différence et de la solitude. La Shoah revient dans beaucoup de ses livres, tout comme l’amour . "En plus d’écrivain, je rêverais d’être une musicienne de génie, qui fait pleurer et vibrer", nous dit-elle. Sans plus attendre accueillons cette auteur confirmée qui écrit de vrais livres chargés d'émotions qui font vibrer les lecteurs.
- A quel héros et/ou personnage de fiction vous identifierez-vous volontiers ?
Je n’ai pas de héros (à part mon père…)
- Quelle utopie seriez-vous prête à défendre ?
Je me bats pour la mémoire, l’honneur, la bonté, la beauté. Utopies ?
- En dehors votre approche d'auteur ou d'illustrateur pour enfants, que rêveriez-vous d'être ?
En plus d’écrivain, je rêverais d’être une musicienne de génie, qui fait pleurer et vibrer. Quand j’écris, j’essaie de jouer ma musique...
- Où écrivez-vous ? Quel est le lieu qui vous inspire le plus ?
J’écris n’importe où, pourvu qu’on me fiche la paix, c'est-à-dire qu’on ne me parle pas et qu’on ne s’occupe pas de moi. Donc dans ma chambre, dans le train, etc. En fait, j’aime bien écrire dans des endroits où normalement on n’écrit pas, des lieux inconfortables comme ma voiture, le métro, ou dans des circonstances improbables, en surveillant des examens, en attendant chez le médecin etc
- Quel est le sentiment qui vous habite le plus souvent ?
Le sentiment qui m’habite le plus souvent, c’est la colère.
- Quels livres vous tombent des mains ?
Je n’aime pas les livres stupides, préfabriqués, faux.
- Que redoutiez-vous enfant ?
Enfant, j’avais peur qu’on me perde.
- Vous arrive-t-il de côtoyer des êtres imaginaires ?
Oui, je côtoie mes personnages, je vis avec eux. Ceux du livre que j’écris en ce moment, mais tous les autres aussi, ils sont toujours avec moi.
- Que feriez-vous ou diriez-vous à un ogre s'il vous arrivait d'en croiser un ?
Si je croisais un ogre, je lui dirais que je ne crois pas en lui.
- Qu'avez-vous conservé de l'enfance ?
De l’enfance, j’ai conservé ma soif de liberté et le goût du rire.
- Selon vous, qu'est-ce qui fait vendre un livre ?
Ce qui fait vendre un livre, je ne sais pas. Ce qui fait lire un livre, c’est quand le lecteur se trouve, se reconnaît, se découvre dedans. Un bon livre, c’est un vrai livre.
- Quel qualificatif vous colle à la peau ?
La qualificatif qui me colle à la peau ? Belle, bien sûr… non, je blague. Triste ? Drôle ? Les deux…
- Quelle est la meilleure phrase qu'un enfant vous ait dite ?
« Je n’ai pas aimé la fin de votre livre... parce que je ne voulais pas qu’il s’arrête ! »
- Quelle est votre définition du bonheur ?
Le bonheur n’est pas ma priorité. Je préfère mener une vie intense.
- Si vous aviez la possibilité de recommencer, que changeriez-vous ?
Si je recommençais, je ferais moins de mal aux gens bons (y compris moi-même)… et plus de mal aux méchants !
- Enfant, quel genre de lecteur étiez-vous ?
Enfant, je dévorais les livres. Je lisais la nuit avec une lampe de poche sous mes draps, je lisais le même livre que ma sœur en même temps qu’elle, je relisais relisais relisais si je n’avais rien de neuf à me mettre sous les yeux. Avec mon argent de poche, je ne m’achetais que des livres... et des bonbons.
- Vis-à-vis de quoi vous sentez-vous impuissant ?
Je me sens totalement et de plus en plus impuissante face à la haine et aux préjugés.
- Quel est l'animal auquel vous ressemblez le plus ? Pourquoi ?
Je ressemble à un mouton parce que je suis frisée, et à un tigre parce que je suis en colère.
- Quel est le mot que vous préférez dans la langue française ?
Je préfère le mot « liberté ».
- Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de vous ?
Je voudrais que l’on se souvienne que j’étais quelqu’un de bien, un bel être humain.
Mes livres :
- Quelle est votre dernière sortie pour la jeunesse ?
Ma dernière sortie est : « Non au désespoir : Mordechai Anielewicz », chez Actes Sud Junior (Collection Ceux qui ont dit non), un récit de la lutte du commandant de la révolte du ghetto de Varsovie. Ce jeune homme pur, doux et fort m’a obsédée tous ces derniers mois. Au fond, c’est peut-être lui, mon héros...
- La Shoah revient de manière récurrente dans vos ouvrages. (Le petit garçon étoile, Quand elle sera reine, La danse interdite, Le chemin de fumée, L’ombre, Non au désespoir…). Pouvez-vous nous décrire votre approche pour chaque ouvrage sur ce thème ? Parler de la Shoah est-ce pour vous un combat pour la mémoire ? Un besoin vital de dire, d'avancer, de sensibiliser et transmettre ou de se raconter ?
C’est très difficile de répondre à cette question, car quand j’écris sur la Shoah, justement, je ne me pose pas de questions. C’est irrésistible, impérieux, évident. Sûrement parce que, bizarrement, je me suis construite à partir de cette destruction. Mes plus beaux livres sont sur la Shoah, ce qui me révolte et me choque, mais c’est un fait.
En tout cas, quand j’écris dessus (dessous, dedans...), c’est avant tout pour les disparus, pour qu’ils m’entendent et pour leur donner une vie de papier, plus que pour transmettre aux générations actuelles. Mais bien entendu, je suis heureuse de constater que mes livres émeuvent et éveillent, j’ai l’impression de faire du bien.
- Les livres dans votre production dont vous êtes particulièrement fière ou qui vous laissent un souvenir particulier
Je suis particulièrement fière de « Le petit garçon étoile », un album que j’ai écrit pour et sur mon père. J’en suis fière parce que dans ce texte j’ai réussi à tout dire… sans rien dire, et à raconter une histoire horrible avec uniquement des mots beaux. Et c’est un livre qui fait du bien, qui touche. Quand je mourrai, je me dirai « j’ai écris Le petit garçon étoile, j’ai fait ce que j’avais à faire ».
- Quel est le thème, le sujet que vous aimez davantage traiter ?
Je traite tout le temps de la différence et de la solitude.
- Vous écrivez pour des romans destinés aux adolescents. Faites-vous attention au ton, au style, à l'écriture à voix multiples, etc... Qu'est-ce qui prime ? Vous arrive-t-il de vous autocensurer ?
Je ne fais pas « attention », j’écris, non pas pour les adolescents, mais en tant qu’adolescente. En écrivant, je deviens mon héros/héroïne et c’est lui ou elle qui parle. Je n’ai rien oublié de mon adolescence, mon sentiment de révolte affolé, ma sauvage envie de liberté, mon désir d’amour inextinguible, ma passion pour la musique, mes rêves informes et fous et mon beau chagrin. C’est ce que je raconte dans un récit poétique « Dans la rue du bonheur, perdue ».
Je n’ai pas l’impression de me censurer, mais c’est vrai que je ne me laisse jamais aller au désespoir, j’entrouvre toujours une porte à la fin.
J’ai eu des réactions inattendues pour Le Garçon qui aimait les bébés, de la part de femmes qui estimaient que, parce que dans ce roman c’est le garçon qui se conduit bien et pas la fille, j’étais anti-féministe et je racontais n’importe quoi, car dans la vie « ce n’est pas comme ça » ! Le politiquement correct fait des ravages… Cela m’a donné envie d’écrire un livre qui s’appellerait « La fille qui aimait la guerre », mais je n’ai pas trouvé l’inspiration ! En tout cas, c’est un de mes livres qui a connu le plus de succès…
- D'où est né votre premier livre ?
Mon premier livre publié, « Le chemin de fumée », est né d’une chanson entendue à la radio qui m’a bouleversée.
- Quel livre en littérature de jeunesse auriez-vous voulu écrire ou réaliser à la place d'un autre ?
J’aurais voulu écrire « L’attrape-cœur » de Salinger.
- Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
En ce moment, j’écris un roman un peu plus léger sur un collégien rebelle qui se retrouve élu délégué sans l’avoir voulu.
- Où et comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
Dans 10 ans, je ne me vois pas…
- Comment est né et est construit le roman "Un soir j'ai divorcé de mes parents"? Que raconte cette histoire ?
Il est né… à Londres, pendant un weekend avec mon fils, quelque temps après mon divorce. Il m’a prise par surprise, car je n’avais absolument pas prévu d’écrire un livre sur le divorce, et il s’est mis à s’écrire tout seul ! Je n’y raconte pas mon divorce, bien sûr, et le héros n’est pas mon fils. Mais j’y ai mis, je crois, le chagrin et le sentiment d’abandon qu’ont ressenti mes enfants… et moi-même, pendant cette période. J’y parle aussi de la nécessaire séparation, parfois brutale, qui doit se produire à l’adolescence si l’on veut réussir à grandir et devenir soi : il faut bien divorcer de ses parents... Mais heureusement, on continue quand même à s’aimer !
Références :
Littérature de jeunesse :
- Un livre pour la jeunesse qui vous a marqué petit ?
Petite, j’adorais un livre d’images qui s’appelait « Monsieur Chien », l’histoire d’un chien qui était son propre maître.
- Quels sont vos auteurs-illustrateurs de référence ou qui pour vous développent une approche intéressante ?
Je n’ai pas d’auteur de référence, mais j’admire ou aime plein d’écrivains. Cependant le plus beau livre du monde, à mes yeux le plus fort et le plus inoubliable, c’est « Le bruit et la fureur » de Faulkner (pas du tout un livre jeunesse...).
- Quels sont vos livres "coups de cœur", les "incontournables" en littérature de jeunesse ?
En littérature de jeunesse, j’admire tous les livres de David Almond, en particulier « Skellig ».
Culture :
- Un film, une photo/illustration qui vous touche ?
Le film qui m’a le plus marquée : « Requiem for a dream ». « Big fish », « La vie est belle », « Liberty Heights » m’ont également beaucoup touchée.
- Un musicien
Purcell, les Klezmatics (musique klezmer), Léonard Cohen, les Doors, certains morceaux de rap, les Chœurs de l’Armée Rouge, le rock des années 70 ETC ETC ETC !!!
- Un lieu où vous aimeriez vivre
J’aimerais vivre à Paris (j’y vis !), à New York, à Tel Aviv.
- Une phrase (une devise) qui vous guide
Je n’ai pas de devise. Mais j’essaie de vivre vrai.
Actualité :
- Vos dernières (bonnes) lectures ?
Ma dernière bonne lecture : « Maintenant, c’est du passé », de Marianne Rubinstein.