Amour sorcier

Bretagne, fin du XIème siècle. Ana, fille de métayer, aime Luern, fils de comte, avec qui elle a été élevée. Mais Luern part en croisade à Jérusalem. Ana, troublée par ses dons de prescience, se rapproche du nouveau sorcier, Caï. Si elle apprend le pouvoir des simples, elle ne parviendra pas à rendre caduques tous les cauchemars qu’elle a pu deviner…
L’héroïne Ana n’est pas sans ressemblances avec la plus jeune Mélisande de La couleur du crime (Flammarion, 2006). Amour sorcier reprend des thèmes que l’auteur maîtrise parfaitement – son Moyen-Age est d’un naturel confondant – pour en faire un roman d’une grande richesse. Tendue, l’écriture alterne en de courts chapitres différents points de vue ; Ana est évidemment la plus représentée, relayée par un nombre important de personnages introduits au fil des besoins de l’histoire et qui la construisent littéralement. Seul le mystérieux Caï ne s’exprime pas à la première personne… Le procédé privilégie les monologues intérieurs tourmentés et offre de beaux portraits, tel celui du simplet Bran. L’intrigue solide comporte plusieurs volets, de la grande Histoire au quotidien villageois rythmé par la religion et la peur des pillages, en passant par des arrangements de famille fort modernes. Un monde fort, violent se compose. Le lecteur ne s’attend pas forcément aux résolutions brutales, mais ces fins n’ont qu’une importance relative : l’essentiel se déroule à chaque page d’un texte qui sait captiver. Auteur actif, Martine Pouchain reprend la main en épilogue (à la façon d’un troubadour ou d’un conteur…) et laisse son lecteur dans l’expectative quant à la suite : habile mais mérité !