Avec la langue & autres traumatismes

Will était sûr d’être celui qui révolutionnerait la littérature américaine. Mais après l’écriture « pénible et laborieuse » d’un roman qui se révèle illisible, il suit les conseils de sa famille et écrit ses souvenirs d’enfance. Une nouvelle pour chaque souvenir. De son premier baiser avec la langue à la maison familiale qu’on quitte, en passant par une constipation guérie par un laxatif aux effets atroces, Will nous fait partager sa jeunesse. Derrière ces évènements formidables et minuscules du quotidien se tisse la vie de ce garçon, ses relations avec son frère et son père, sa vision de la vie et ses questionnements. Les souvenirs sont dans un ordre aléatoire, et sont reliés par des passages d’associations d’idées intitulés « instants présents ».

Le personnage de Will est très touchant et proche de nous, car il nous confie ses souvenirs d’enfance les plus intimes, et gagne en épaisseur psychologique à chaque nouvelle. Petit à petit, il se dévoile par morceaux, mais le ton et le recul qu’il porte sur ses souvenirs nous permettent aussi de connaître le Will adulte. Ce personnage devient si réel qu’on peut se demander si cette œuvre n’est pas autobiographique. Mais là n’est pas la question, finalement on est heureux de connaître Will, peu importe qu’il existe ou non.
Si les thèmes des nouvelles réveilleront les mémoires émues des adultes, les plus jeunes s’identifieront au « héros » : la popularité au collège, les bagarres, la quête de l’amour sont toujours d’actualité.
La simplicité des faits racontés ainsi que le ton, autant drôle que dramatique, naïf et réfléchi, donnent à ce recueil une profondeur et une légèreté qui cohabitent très harmonieusement et naturellement.
L’écriture est admirable, très juste et subtile, drôle et retenue. La traduction de Rachel Hausfater enrichit sans doute davantage cette œuvre incontournable.
Le format et le graphisme de cette nouvelle collection « Nouvelles », dirigée par Mikaël Ollivier, très agréables, s’ajoutent au plaisir de lecture.
En deux mots, merci et bravo pour cette merveille.