Ballon !

Comment accepter d’être trois quand on est heureux à deux ? Deux animaux, des chatons sans doute, l’un gris tigré aux yeux bleus et l’autre roux aux yeux verts jouent tranquillement aux cubes, aux poupées. Sont-ils en train de réinventer le monde ? Tranquilles et souriants, ils vivent leurs aventures quand un coup de sonnette les interrompt. Interloqués, ils accueillent un troisième larron qui propose une partie de ballon ce qui plaît à chacun d’eux…
Sans texte, mais pas sans langage, cette histoire est racontée par des bulles muettes mais imagées qui rendent compte des paroles proférées par les personnages comme un surtexte exprimant leurs émotions. Ainsi lorsque l’intrus les invite à jouer, chacun s’imagine être l’élu du jeu, à l’exclusion de l’autre. On voit donc dans l’esprit de chaque protagoniste deux combinaisons possibles : le tigré et le noir à la grande déception du roux puis le roux et le noir au chagrin du tigré. Le chat noir, tiraillé entre les deux, propose de jouer à trois mais cela tourne au drame et les deux amis du premier tableau en viennent aux insultes, puis aux coups. Pendant ce temps, le chat noir, fauteur de trouble, s’intéresse aux petites voitures abandonnées par les belligérants. Lorsqu’un quatrième, gris, sonne à la porte, les deux premiers sont empêtrés dans leur querelle au sens propre puisqu’on les voit pris au piège d’une épuisette et les deux derniers peuvent jouer avec leurs jeux.

Sans moralisme et avec beaucoup d’humour, cette histoire sans parole décrypte les jeux de pouvoir, de séduction, d’exclusion que vivent les petites sociétés enfantines. Envie, jalousie, rivalité, coopération, cette comédie douce-amère envisage tout. L’absence de parole renforce l’efficacité narrative, le lecteur observe l’action de loin. Nul doute que cette histoire suscitera les commentaires des jeunes lecteurs. A chacun d’en tirer des leçons ou plutôt d’y voir une illustration ironique de l’humaine condition. Drôle et percutant.