Brume et les Toucouleur

A l’origine du monde était le blanc puis le BANG puis le noir. Un monde en noir et blanc, net et précis.

L’écriture délicate, poétique de Marie Sellier cisèle ce monde ébauché. Un lyrisme discret dessine les contours de cet univers rêvé mis en images par Limo, au même pas, au même rythme. Puis, entre le noir et le blanc s’immiscent les Gris. La force des Gris est de donner de l’épaisseur au monde, celle de l’ombre et du mystère !...

Pourquoi les Toucouleur arrivent-ils, d’où viennent-ils ? Mystère. Azul, Ross, Yélo pointent leur nez dans l’encadrement noir d’une porte ouverte sur le néant. A l’assaut du monde gris, le grand Azul, le lumineux Yelo et Ross le colérique transforment le monde au-delà de leurs espérances puisque leurs coloriages produisent des teintes inespérées, des bruns, des verts, des violacés ou des roses…

Texte et illustrations entreprennent chacun à leur façon d’enchanter le monde, d’ouvrir nos yeux aux merveilleuses nuances. Les couleurs comme les mots chantent. Trois couleurs de base, quelques sons et « avec tambouille commune », le monde prend forme. Cet éloge de la diversité joyeux et dynamique séduit par son optimisme qui ne masque pas les colères de l’un, de l’autre ou les réussites médiocres du « caca d’oie ».

L’arrivée de Brume, petite fille issue des Gris, ramène les Toucouleur à la raison : ils ne sont pas seuls au monde. Ils ont étouffé les Gris, dissimulés. L’arrivée de Cendre, son cousin, leur accorde le bonheur de la réconciliation : passer du gris à la couleur, accepter le gris, la demi-teinte, la demi-mesure, c’est le pari des Gris et des Toucouleur, les uns heureux de leurs nouvelles couleurs, les autres heureux de les donner. Seule résiste Brume qui ouvre à de nouvelles aventures…

Entre album et roman, ce récit d’origine magnifiquement écrit et illustré est paradoxalement trop riche pour garder l’attention continûment. Chaque rebondissement ouvre de nouvelles réflexions qui nuisent un peu à la thèse générale du conte : diversité, ombres et lumières sont nécessaires à la vie. Cela n’ôte rien néanmoins à la qualité esthétique et littéraire de ce beau livre qu’on a plaisir à regarder. La fantaisie de Limo et le style de Marie Sellier qui invite à la diction nous entraînent dans le voyage.