Celui qui n’était pas encore le Che

Réédition : première édition 1999

Devenu icône de tous les mouvements révolutionnaires, puis vache à lait d’entreprises commerciales variées, Ernesto Rafael Guevara n’en finit pas de faire couler de l’encre ; ce livre est d’ailleurs une réédition. Christian Moire, chargé du livre à l’Institut français d’Amérique latine à Mexico, s’intéresse ici à son premier voyage à travers le continent, en 1951-1952, avec son ami Alberto. Etudiant en médecine, idéaliste comme tous les jeunes mais pas vraiment politisé, Ernesto se laisse d’abord entraîner. Le voyage est difficile : sans argent, sans véhicule, les deux hommes sont souvent bloqués en chemin, et Ernesto a d’impressionnantes crises d’asthme. Au fil du temps, la tendance s’inverse et c’est Ernesto qui pousse à continuer. Ils passent du désert à la jungle, s’enrichissant de rencontres drôles ou émouvantes, et faisant l’expérience des régimes politiques durs, de la pauvreté dont souffrent les populations un peu partout. Le retour se fait sans heurts apparents, mais on devine un Ernesto durablement marqué, prêt quelques années plus tard à s’engager dans une lutte sans retour. Les phrases courtes du narrateur externe n’insistent pas vraiment sur des éléments « clés » du voyage, ni sur la psychologie des deux personnages, d’ailleurs un peu perdus après leurs aventures : il préfère laisser les faits couler d’anecdotes en anecdotes. Cela change du lyrisme qui entoure habituellement les discours sur le « Che », mais manque de profondeur pour intéresser vraiment le lecteur ; un roman est une construction qu’il faut bien nourrir. Tout se passe comme si l’auteur n’avait pas réussi à suffisamment s’éloigner du récit, écrit par Ernesto et Alberto, dont il s’est inspiré. Certes, reste le mystère du beau Che Guevara… Une lecture intéressante, ne serait-ce que d’un point de vue documentaire.