De feu et de sang

La ville de Londres est un champ de ruines sur lequel règne le dragon Fafnir. Sigurd, jeune adolescent et dernier héritier de la lignée des Volson, le terrasse et en ressort invincible. Après une explosion, il rejoint involontairement Briony, fille du dieu Odin, aux Enfers. Ils deviennent amants, et quand Briony découvre qu’elle est enceinte, Sigurd remonte à la surface pour chercher du secours. Pris sous la coupe de la famille mi-homme des Niberlin, puis reconnu comme un héros par le peuple, et enfin cloné sans ses souvenirs, Sigurd perd le fil des événements. Il retrouvera finalement Briony, mais la reconnaîtra-t-il ?
S’inspirant de la mythologie germanique, Melvin Burgess s’approprie une histoire déjà violente pour en faire un roman de fantasy sombre et fascinant. Comme toujours chez lui, l’intime et les corps sont mis à rude épreuve, distordus ici en des figures imaginaires assez horribles. La chair se transforme sans cesse : l’homme devient dragon immortel, le cheval machine high-tech, des mi-hommes sont mâtinés de cochon ou de chien, on pratique les clonages multiples sur la même personne, le cerveau de la fille de Sigurd et Briony est littéralement sucé par une ville infernale... Le fonctionnement des organismes est décrit en des circonstances crues, où le sang gicle, les membres se désarticulent, la peau brûle. La sexualité est très présente aussi, ne serait-ce que par la paternité adolescente de Sigurd (il a quinze ans seulement), ou l’homosexualité vorace d’un frère Niberlin (« Ouais ! Oh, ouais ! Alors je me suis couché à côté de lui, j’ai posé ma main sur lui et je l’ai caressé partout. », p. 156). En parallèle, correspondant encore à une exacerbation irrépressible, des sentiments cette fois, le langage n’évite pas le vulgaire du plus bas étage (répétition autour de merde et emmerder p. 301, par exemple). Ca vit, ça grouille et ça meurt chez Melvin Burgess, dépassant le strict cadre d’un roman fantastique au demeurant très maîtrisé. Les narrateurs s’alternent, personnages principaux ou non, dessinant une histoire complète et remplie de suspense. Dans des intermèdes philosophes qui commentent l’action, un narrateur externe n’hésite pas à s’adresser au lecteur, à lui donner des conseils sur la relativité de la vie (« L’amour est une société secrète, une communauté de deux personnes. […] C’est une révélation. Mais ensuite ? », p. 102). Le premier tome de la série, Rouge sang, paru initialement en Gallimard jeunesse, ressort conjointement à ce second tome, mais en Folio SF : ne voulant manquer aucun lectorat, Gallimard entretient le flou au niveau de l’accessibilité. Il faut dire aussi que Melvin Burgess, pour notre grand plaisir, ne se laisse pas facilement cataloguer !