Gros Dodo

La mère de Marion et de la petite Tessa est dans le coma, suite à un accident de voiture. Pour continuer à communiquer avec elle, Marion enregistre tous les bruits qui l’entourent : pas dans la neige, crêpes dans la poêle… et leur père emmène les cassettes à l’hôpital. A la maison, la vie continue en attendant que maman se réveille.

Hélène Vignal s’attaque ici à un sujet à la fois délicat et récurrent en littérature jeunesse : comment parler de la maladie, de la mort ? Elle a eu l’idée astucieuse de donner une petite sœur à sa narratrice : Marion sait, Tessa non. Au lieu de coma, on peut ainsi utiliser l’image qui dédramatise du « gros dodo », tout en restant, à travers Marion, lucide sur l’état de la mère. Lucide, mais préservé : rien n’est dit sur l’accident, les petites filles ne vont pas voir leur maman, une mort possible n’est jamais évoquée… Le père sert d’intermédiaire, et ses cernes se creusent de page en page sur les beaux dessins naïfs de Claire Franek (on pense très fortement au couple Jacqueline Wilson-Nick Sharratt). Une partie de Marion aimerait nier : elle s’invente ainsi une mère agent secret partie en mission, puis constate prosaïquement : « Bof… elle me plaît moyen mon histoire, mais j’ai pas mieux en attendant. » (p. 31). Heureusement, elle entretient avec son père une grande complicité, faite de souvenirs heureux et de réconfort mutuel ; c’est une petite fille heureuse, fondamentalement tournée vers la vie qui utilise alors l’idée d’une mère enfermée pour mieux se réparer, et un magnétophone évidemment chargé de pouvoirs (peut-être pas si bête, selon les données scientifiques). On la voit seule, avec des amies de ses parents, à l’école cruelle : elle et Tessa affrontent sans ciller les bouleversements de leur vie quotidienne. Leur optimisme sera comme récompensé par une fin heureuse, amenée progressivement. Tendre, grave, inventif, Gros Dodo n’a pas de faiblesse et mérite de devenir une référence sur son sujet.