Jack Perdu, excellent élève de lettres et latiniste émérite, vit seul avec son père depuis le décès de sa mère. Après un accident dont le jeune garçon réchappe miraculeusement, son père l’envoie consulter un médecin à New-York. Là-bas, il rencontre Euri, jeune fille étrange qui l’entraîne dans le métro puis les souterrains de la ville. Sans le savoir, Jack est entré dans le royaume des morts, où il a peut-être une chance de revoir sa mère.
Dans ce roman qui par ailleurs développe sa propre histoire, tout tourne autour de la littérature. Il y a d’abord les Enfers sous la gare, en neuf étages gardés par le gros chien Cerbère, et auxquels on accède grâce au SDF Charon : ils évoquent évidemment la Divine Comédie de Dante. Il y a aussi l’omniprésent mythe d’Orphée et Eurydice, qui s’applique autant aux parents de Jack qu’à la relation du jeune homme avec Euri. Et puis, le héros est aidé par Dylan Thomas, Allen Ginsberg et autres, qu’il a rencontrés à la fameuse Taverne du Cheval Blanc. Il assiste encore à une représentation d’une pièce écrite par Tennessee Williams après sa mort, La Fiancée des Enfers, qui rappelle l’amour impossible du père et de la mère de Jack… L’ensemble de ces allusions, parsemées régulièrement de citations latines, donne un humour subtil, pour initiés certes, mais suffisamment expliqué pour plaire à tous. L’intrigue en elle-même est à la fois émouvante, et à suspens : la quête de Jack pour sa mère se double de son envie de sauver Euri, et il va se trouver plusieurs fois face à un dilemme limité dans le temps (un vivant ne peut rester que trois jours aux Enfers). L’Histoire ne se réécrit pas aussi facilement, mais la fin apportera apaisement à Jack et son père : ils ne sont plus « Perdu », si on ose dire. Un ouvrage habile au fantastique très doux, à l’écriture de qualité et bien rythmé.

Sophie Pilaire