La carte des nuages

Kumaï est une sorte de grande guenon, au poil orange ébouriffé. Elle vit en haut d’un arbre.

Un jour, elle est alertée par un cri de détresse, celui d’un oisillon : « Piou » ; « [...] comment une si petite chose pouvait provoquer en elle une si grande émotion » ?

Comme une mère, pour Piou, Kumaï invente des modes de nourrissage ; elle fait tout pour concilier apprentissage de l’autonomie et attention au plus petit détail. Le travail d’illustration de Kris Di Giacomo accompagne avec humour ces relations subtiles : il faut voir Kumaï tricoter dans son grand nid et observer du coin de l’œil Piou qui ne rêve que d’envol, tandis qu’un serpent s’enroule sur le tronc de l’arbre refuge… il faut admirer la souplesse dont Kumaï est dotée lorsque, lâchant les aiguilles à tricoter, elle s’élance pour rattraper l’intrépide Piou avant « qu’il ne se blesse » dans sa chute en piqué. Enfin, sa volonté de l’éduquer impressionne : un oiseau est fait pour voler, le ciel est son territoire ; Kumaï invente alors, « dans un projet fou », « une carte des nuages » Tentative folle en vérité, Kumaï le sait mais persévère au-delà du raisonnable et lorsque Piou prend son envol, on partage l’angoisse de Kumaï, jusqu’à l’apaisement apporté par la dernière image. Kris Di Giacomo sait ménager les effets et les oreilles du chat noir dissimulé derrière l’arbre, son pas assuré, créent une tension dramatique avant le dénouement espéré.

On pense au Livre de la jungle, à Ernest et Célestine et si le thème est bien connu, le charme opère et les auteur-illustratrice ont su renouveler l’intérêt dans une dimension poétique et sensible avec ce qu’il faut d’humour et de détachement pour trouver le départ de Piou, et la solitude de Kumaï, justes et heureux. C’est une belle histoire d’attachement que racontent Michaël Escoffier et Kris Di Giacomo, complices, et qui résonne une fois le livre fermé.