La colère de Jules

Jules est heureux d’habiter Paris, près de la tour Eiffel. Avec sa mère Coralie, professeur de dessin et illustratrice, il a quitté la Bretagne après la disparition, en mer, de son père, trois ans plus tôt. Tout irait pour le mieux, dans sa nouvelle vie, son nouveau collège, avec son copain Tristan, si sa mère ne lui annonçait un jour, son intention de lui « présenter un invité le lendemain soir ». Dès qu’il rencontre Laurent, il le surnomme Laurent Outan et ce n’est pas sa fille Amandine qui déride le repas glacial où tout le monde doit faire connaissance. L’intrigue repose sur la coalition des enfants déçus, Amandine et Jules, et si le subterfuge est faible, la colère qui habite Jules est réelle comme son chagrin. La perte d’une clé lui ouvre la porte de Monsieur Lagmann, professeur d’histoire grecque à l’université. Cette rencontre, apaisante, chaleureuse, lui fait subrepticement prendre conscience d’autres disparitions, celles de proches durant la guerre, comme un thème fondamental de l’expérience humaine, à chaque époque de l’histoire.
Petit roman sur la problématique des familles recomposées entre roman familial et roman d’initiation, une fois la colère dépassée, c’est l’amour qui « triomphe », modestement. Dans un style alerte et clair, Marianne Rubinstein utilise avec adresse l’Iliade et l’Odyssée. Le bruit et la fureur des récits antiques servent à la mise en perspective des thèmes de l’absence, de l’attente, de la mort, du remords et de la morale d’aujourd’hui : n’est pas Pénélope qui veut ; tous les disparus ne retrouvent pas leur chemin ! Même si Jules se voit en Télémaque, le monde d’aujourd’hui vit sur d’autres réalités ; la colère criminelle d’Achille ne peut pas être un modèle de vie. La vraisemblance des personnages tout comme celle des situations permet l’identification des jeunes lecteurs. Aider les lecteurs à comprendre les dilemmes des adultes, les aider à voir plus clair dans le monde et en eux-mêmes, telle est la fonction discrètement édificatrice de ce roman, en prise directe avec le réel.