La forêt de travers

Les citrouilles et les sorcières à chapeau pointu de Françoise Rogier accueillent le jeune lecteur que la narratrice interpelle. Dans la forêt « où tout allait à l’envers », on peut voir trois cochons sur une balançoire, un chat qui fume, sept nains, un inspecteur sourcilleux, des champignons géants dans une atmosphère joyeuse, ironique. La belle au bois dormant transformée en Fantômette, clin d’œil à G. Chaulet, a beau avoir les ailes de la chauve-souris, elle ne parvient pas à être inquiétante et son château sens dessus dessous intrigue sans effrayer.

D’ailleurs, les pages suivantes présentent une foule d’anti-contes, à base de chaperon vert, de gentille sorcière, de jeune princesse avec des géants très drôles qui tricotent, nettoient la maison tandis que Blanche-Neige roule en skateboard. Le lecteur est invité à identifier les contes détournés, et les histoires tournent court puisque, c’est bien connu, les gens heureux n’ont pas d’histoire. L’atmosphère change avec le bataillon des contrôleurs « pour rectifier toutes les erreurs ». Les contrôleurs remettent les choses à l’endroit, c’est-à-dire que le chaperon est repeint en rouge, les nains sont enfermés pour ne pas se sauver.

Qu’est-ce qu’une histoire ? De quelle liberté jouissent les personnages des contes ? Peuvent-ils avoir un destin en dehors de celui qui leur est tracé ? Oui, si l’on en croit la liberté prise par Marie Colot et Françoise Rogier pour leurs personnages et celle qu’elles offrent aux lecteurs pour compléter l’histoire de la sorcière amoureuse qui s’enfuit dans le carrosse de Cendrillon. Les jeunes lecteurs découvriront, dans les images et les textes, les contes d’origine. Mais, malgré le charme des images, l’écriture qui joue avec le langage, le contrepied systématique des contes peine un peu à créer une dynamique pour renouveler l’intérêt de ces évocations successives.