La Grande et la Petite

La couverture annonce le ton déjà grave : typographie fine du titre, grandes herbes bleues partant dans tous les sens, bas de silhouettes hésitantes au loin. Précis, concis, écrit au passé, le texte commence cependant par une naissance, très attendue. De père, point, mais l’amour est là, fusionnel. La grande et la petite passent leurs journées à se promener, et la grande, patiente, amusée, réfrène les envies de la petite : monter vers les arbres, grimper sur la montagne, aller nager dans l’île, ce sera pour plus tard.
Survient alors la césure, l’événement qui fait que rien ne sera plus comme avant : nous comprenons que la petite est malade, que ce n’est pas curable, et donc qu’elle ne grandira pas. Les ronds remplacent les traits dans le dessin, le texte de Nadine Brun-Cosme ne fait que suggérer, et à cet instant de l’histoire, l’album aura besoin d’accompagnement. La vie reprend ensuite, et la grande encourage la petite à réaliser ses rêves : le temps est compté. Jusqu’à l’ultime voyage sur l’île, auquel la grande ne participera pas, et qui signe – encore une fois à demi-mot – la fin.

Avec ses personnages anonymes et ses illustrations réduites à un essentiel souvent symbolique (des lignes qui se croisent violemment, des figures esquissées, des fonds évidemment blancs), l’ouvrage impressionne beaucoup. Sa façon extrêmement dérivée de parler des choses, presque une métaphore, permet en fait de les prendre à bras-le-corps, laissant toutefois de nombreuses zones d’ombres destinées à être mises en mots. C’est dur, c’est fort, c’est utile aussi, à découvrir à partir de 10 ans… A titre personnel, j’aurais préféré un autre format et pas une reliure brochée.