La poubelle des larmes

Dans leur « Feuilleton des Incos », les éditions Thierry Magnier proposent des textes qui, lors de plusieurs étapes de leur création, sont soumis aux jugements de jeunes lecteurs. Ainsi, une correspondance naît entre des auteurs et des enfants de dix à douze ans. Des extraits de leurs échanges sont transcrits à la fin de chaque roman. Le concept est original, mais…
S’il est certes primordial qu’un auteur reste maître de son récit, il aurait été tout de même intéressant d’y sentir l’influence des idées émises par les classes. Au contraire, Elisabeth Brami semble plutôt réticente aux suggestions ; elle justifie ses choix, mettant en garde les écoliers : « les lecteurs proposent et l’écrivain dispose : c’est la règle établie dans notre contrat commun. Il ne faut pas que vous croyiez que vos idées sont des ordres ou que je vais forcément puiser dedans ».

Ma déception découle également du propos de son roman. Myriam, une adolescente passionnée de lecture et d’écriture, tient un journal intime, véritable « poubelle des larmes » dans laquelle elle déverse ses soucis d’enfant de parents divorcés. Fervente admiratrice d’Amanda Malot, l’adolescente fond dans un chagrin incontrôlé lors de la venue en classe de son écrivain favori. Et pour faire « vrai », pour dire peut-être aussi l’immaturité de son personnage, Elisabeth Brami ne recule devant aucun cliché d’écriture : dans un langage familier, Myriam se vante de chaque rime hasardeuse de son récit, elle multiplie les signes de ponctuation et les mots « importants » typographiés en majuscule. Est-il vraiment indispensable d’infantiliser notre langue pour qu’elle s’apparente à celle d’une adolescente – ou du moins pour qu’elle parle aux jeunes ? Je ne le crois décidément pas.