Le maître des dragons

Etats-Unis, début du XVIIIème siècle. Thomas Goodwill est pirate, capitaine d’un bateau ; il s’apprête à aller affronter l’Empereur qui retient prisonnier un vieux savant qui lui est cher. Pourtant jeune, Thomas a beaucoup vécu : marin sous les ordres du fameux bandit Wild Stark, apprenti dragonnier avec Edmund Rochester (celui qu’il veut désormais sauver), pur esprit dans un corps mourant au paradis sous-marin des pirates... Quand Rochester meurt, Thomas comprend qu’il doit s’allier avec une certaine Mary Wickford pour venir à bout de l’Empereur.
Histoire, magie, dragons et pirates : Fabrice Colin mixe savamment des thématiques disparates et forme un tout complexe, une vie multiple relatée dans une chronologie déconstruite. Il faut se laisser porter par le récit du narrateur Thomas, qui alterne le présent avec un écrit entamé sous nos yeux, le « conte de [s]a jeunesse », qui tente encore de combler une amnésie (les dix ans passés sous l’eau) ! Le pacte de lecture passé, l’écriture est belle, poétique et touffue, et on ne regrette pas le voyage. Et au final, on reste assez loin d’aventures de pirates, de chevauchées fougueuses à dos de dragon ou d’une quête fantastique pour la liberté : la psychologie et les relations interpersonnelles des héros sont largement privilégiées. La jeune et fragile Mary au centre de La Malédiction d’Old Haven revient en magicienne puissante, capable par l’amour qu’elle inspire à Thomas de renverser un pouvoir tyrannique. Sautant d’événement en rebondissement, promenant le lecteur sur terre et sur mer, l’ouvrage ne connaît pas de temps mort, jusqu’à un épilogue apaisé, ouf ! En deux tomes, Fabrice Colin s’est réapproprié avec génie l’histoire américaine, ses mythes fondateurs et ses craintes tenaces. Pour bons lecteurs.