Le noir quart d'heure

L’ours blanc sur le croissant de lune a des étoiles plein les yeux. Écoute-t-il aux portes les histoires racontées par la maman et sa petite fille ?
Peut-être. Toujours est-il que Le noir quart d’heure est une histoire de complicité, au point que le phoque est prêt à applaudir et que le corbeau suspend son vol. Le décor est planté : des ombres noires composent un paysage de chevalets, de terrils, de fumées blanches. Une fenêtre est éclairée. Des voix s’élèvent : « Ce soir j’ai le temps. J’ai le temps pour le noir quart d’heure ». Tout de suite, on pressent de la magie. De quoi est fait ce noir quart d’heure ?

D’histoires racontées, d’histoires échangées, inventées entre mère et fille sur fond d’attente : attente de la nuit, attente du retour du père. Quelques débuts d’histoire s’ébauchent, libre à nous de les continuer. Le récit laisse place au chant de la berceuse et de l’amour filial, la poésie prend le relais. Bougie éteinte, le temps avance, heureux, à pas feutrés ; le père arrive heureux, d’un pas décidé.

Emmanuelle Eeckhout a mis au service de cette histoire une illustration qui fait penser au dessin animé, un peu Peter Pan, un peu manga, pour la petite fille et sa maman, dans un décor « réaliste », couvre-lit en crochet, architecture des maisons du nord et beau portrait d’homme aux grosses moustaches. Ce mélange subtil ancre l’histoire dans ces territoires miniers qu’il fallait faire vivre et dépasse le cadre vers l’universel moment délicat où le jour bascule, où le réel perd pied au profit du rêve.

Carl Norac et Emmanuelle Eeckhout réussissent une bien jolie façon de faire vivre une tradition et d’enchanter le pays noir de la mine célébré à l’occasion de 2015, année européenne de la culture à Mons, dans le Borinage belge. « Dans chaque seconde, il y a un peu de chaleur », morale précieuse à conserver, à partager.